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Pourquoi entendez-vous tout et son contraire dans le domaine du digital ?

Qui n’a pas fait l’expérience d’entendre des réponses complètement contradictoires à une même question portant sur un sujet digital et posée à différents interlocuteurs ? La pierre n’est pas à jeter à ceux qui vous répondent, mais à vous-même, car vous prêchez par manque de vigilance. Toute interrogation dans le domaine d’Internet doit s’entourer de précautions.

Internet est un média bavard. Plus qu’avec tout autre media, tout un chacun peut s’y exprimer ou faire valoir une expertise dans son domaine. Face à la multiplication des personnes susceptibles d’apporter une réponse à une même question, depuis les collègues spécialistes du digital, les agences et les prestataires auxquels l’entreprise recourt, les influenceurs, les autres acteurs engagés dans des stratégies d’inbound marketing leur donnant l’occasion de produire des contenus de qualité… la tentation consistant à poser une même question à plusieurs personne est bien réelle. Le résultat est troublant : autant de réponses différentes que de personnes interrogées. Rien de plus déstabilisant, surtout si l’on n’est pas soi-même un expert digital. Pourquoi et comment faire ?

Le numérique est comme l’univers, en expansion : comme lui, il est également tout entier pris dans une triple dynamique :

  • Le temps, qui passe, qui s’écoule
  • L’espace, en trois dimensions, à l’intérieur duquel nous évoluons
  • La matière, parfois vivante (vie végétale, animale, humaine…), parfois morte (monde minéral, objets fabriqués par l’homme, intelligence artificielle…).

L’art de poser des questions dans le monde digital repose sur la discipline consistant à toujours garder à l’esprit ces trois dimensions.

Tout d’abord, le digital évolue constamment et change très vite. Ce qui est vrai à un instant T ne le sera plus quelques temps plus tard. Une même question, posée à deux experts à un intervalle de temps suffisamment éloigné, engendrera des réponses pouvant être l’une et l’autre vraies, bien que contradictoires. Affirmer qu’un très bon travail de SEO pourrait dispenser de SEM a été en partie vrai il y a plus de dix ans, mais ne l’est plus aujourd’hui. Recommander de ne pas utiliser LinkedIn  pour recruter il y a dix ans n’aurait pas été un conseil insensé. Aujourd’hui, ce serait une aberration de ne pas conseiller au moins de le tester.

Demandez-vous toujours ce qui a changé dans le laps de temps (même très court) qui sépare deux réponses à une même question. Au besoin, demandez à votre interlocuteur s’il aurait apporté la même réponse plusieurs semaines, plusieurs mois ou plusieurs années plus tôt. Poursuivez en demandant pourquoi. Un bon moyen pour identifier les changements survenus et influençant sa réponse et par la même occasion, l’opinion que vous vous ferez, la conviction que vous vous forgerez et pourquoi pas la décision que vous prendrez.

Ensuite, rappelez-vous qu’Internet reste malgré toutes les apparences un espace bien physique. Les hommes et les femmes qui l’habitent digitalement avec leurs présences en ligne (comptes Twitter, Instagram ou WeChat, blogs, sites perso…), qui enrichissent son contenu, le consomment, sont éparpillés tant géographiquement que culturellement. S’assurer auprès de son interlocuteur dans quel périmètre géographique il situe sa réponse est indispensable. Le choix d’une solution de paiement en ligne, pour un site e-commerce, ne pourra être le même selon que l’on raisonne à l’intérieur de la zone euro, qu’on intègre d’autres monnaies ou que l’on inclue la Chine dans le périmètre.

Enfin, Internet contient de la matière morte (des serveurs, des ordinateurs, des câbles, des satellites, des routeurs, des back bones…) et de la matière vivante : les hommes qui l’utilisent, le modifient, l’altèrent, en programment les algorithmes, etc. Et qui dit homme, dit un être persuadé d’être objectif, bien que souvent subjectif du fait de son éducation, de sa culture, de ses valeurs, de ses croyances, de se limites (psychologiques, cognitives, émotionnelles, intellectuelles…) qui existent forcément. Ne pas en tenir compte, lorsque l’on pose une question à différents experts, aussi brillants, loquaces et légitimes soient-ils, reviendrait à leur retirer toute humanité. S’efforcer de déceler ce qui les constitue et les influence dans leurs réponses peur s’avérer salutaire.

Nous entrons dans un monde où l’intelligence ne sera plus tant du côté de la réponse, mais de celui de la question. Les réponses continueront à  proliférer toujours plus précises, de moins en moins chères, apportées par des sources hétérogènes (experts, algorithmes, intelligences artificielles, robots…). Le sage restera celui qui pose les bonnes questions, comme nous le rappelait Claude Levi Strauss. Il est donc temps d’introduire un peu de sagesse dans l’art du questionnement. Et s’il existe plusieurs réponses simultanées à demi vraies, à demi fausses, concernant les sujets digitaux, les réponses qui permettent de comprendre pourquoi sont quant à elles claires et établies.