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La lettre de démission en blanc est-elle l’avenir du travail ?

La Cinquième République a vu naître une dérive qui pourrait déteindre sur le monde du travail : la lettre de démission en blanc. Une invention des Présidents pour ne pas se retrouver pieds et poings liés avec un collaborateur et non des moindres, puisque nous parlons du Premier Ministre. Une pratique qui pourrait donner des idées aux candidats à l’embauche désespérés de ne pas trouver un emploi. Le verrou qui bloque les recrutements en France va-t-il enfin sauter ?

Interviewé par Corinne Lemarchand, François Fillon, qui était encore en lice pour la présidentielle 2017, révéla, à une heure de grande écoute, une pratique de la Cinquième République : la lettre de démission en blanc.

Les coulisses de Matignon

Une interview toute en séduction

Alors que la journaliste évoquait sa relation difficile avec Nicolas Sarkozy, François Fillon rappela que la Constitution française ne permet pas au Président de la République de limoger son Premier Ministre et que donc, s’il avait souffert autant qu’on le prétendait à son poste de Premier Ministre, il aurait démissionné de ses fonctions, mais de son plein gré.

L’occasion, pour notre ancien Premier Ministre d’expliquer qu’en conséquence, comme il n’est pas possible pour un Président de la République de se défaire d’un Premier Ministre, le premier demande parfois au second, généralement au moment où il évoque qu’il a pensé à lui comme potentiel futur Premier Ministre, de lui fournir une lettre de démission en blanc. C’est-à-dire une lettre de démission de ses fonctions de Premier Ministre, en bonne et due forme, signée par ce dernier, mais non datée. Afin que le moment venu, le Président puisse remercier le Premier Ministre en utilisant une lettre qu’il ne reste plus qu’à dater.

Aux dires de François Fillon, cette pratique se serait déjà vue sous la Cinquième République et il n’y aurait personnellement jamais goûté.

Période d’essai, je t’aime moi non plus

Nicolas Sarkozy et François Fillon, un duo sous tension

De retour dans le monde du travail, impossible de ne pas voir à quel point les entreprises sont fébriles et hésitantes lorsqu’il s’agit de valider la candidature d’une personne pour la recruter en CDI.

Pourtant, les contrats d’embauches sont assortis de périodes d’essai qui ont au moins comme vertus :

  • La clarté
  • La simplicité
  • La réciprocité
  • La facilité avec laquelle elles permettent de mettre fin au contrat pendant ladite période

Mais pourquoi la période d’essai ne suffit pas pour lever les freins au recrutement ?

Y mettre fin reviendrait-il à reconnaître une erreur dans le choix du collaborateur, tantôt des ressources humaines, tantôt des opérationnels ?

Le courage managérial vient-il à manquer au moment où la décision doit être prise ?

Le processus de décision de la rupture lui-même n’est-il pas clair ni même défini ?

Aucun processus d’évaluation à mi-parcours n’est prévu pour évaluer la nécessité ou non de mettre fin ou de proroger la période d’essai du collaborateur ?

Le fait que le collaborateur soit arrivé coopté, plus ou moins officieusement, par quelqu’un d’interne à l’entreprise, compliquerait-il les choses ?

Les points sur lesquels le collaborateur doit être évalué (savoir-être, savoir-faire…) ne sont pas explicites, ne font pas l’objet d’un consensus, ne sont pas rationnels ?

Le pari fou de Paul M.

Paul a franchi le pas. Et vous, oserez-vous ?

Paul M. (nom inventé pour préserver l’anonymat de notre source), remercié à 47 sept ans par un grand groupe après une carrière dans le contrôle de gestion l’ayant conduit au poste de responsable de l’audit interne, a tenté l’expérience de la lettre de démission en blanc.

De long mois de recherches d’un nouveau job, sans succès. Les allocations de retour à l’emploi, versées par Pôle Emploi arrivant à leur terme, un crédit à finir de payer, un divorce coûteux et les études des enfants à financer… poussent Paul à franchir le pas et à oser.

De nombreuses candidatures spontanées accompagnées d’une lettre expliquant sa proposition de lettre de démission en blanc, restent sans réaction de la part de leurs destinataires.

Des réponses hebdomadaires à des annonces, avec ce même souci de faire connaître sa proposition de lettre de démission en blanc, connaissent le même sort.

Le fait d’adjoindre en annexe ladite lettre ne change rien.

 

Mais pourquoi ? Parce que Paul fait peur avec sa démarche ? Parce que son approche est considérée comme folle ? Parce que ce n’est pas légal ? Parce que cela laisse entendre que Paul est désespéré ? Toujours est-il qu’à l’heure où nous écrivons, Paul n’a pas retrouvé de travail. Lui faudra-t-il adresser sa lettre de motivation et son CV au Président de la République en personne ?