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Tous autodidactes pour ne pas finir obsolètes ?

Article initialement publié sur l’Observatoire OCM


L’explosion et la fulgurance du développement du digital a surpris tout le monde. Frappant d’obsolescence à peu près tout ce qu’elles rencontrent sur leur passage, les nouvelles technologies condamnent également les travailleurs que nous sommes à devoir constamment actualiser, voire acquérir de nouvelles compétences. La meilleure posture à adopter est peut-être d’effectuer le virage permettant de passer de l’éducation à l’apprentissage.

 

Le digital est avant tout un phénomène inédit dans l’histoire. Nul n’avait véritablement anticipé son déploiement mondial, ni sa portée. Né il y a une trentaine d’années et initialement un réseau militaire appelé Arpanet, Internet s’est réellement développé depuis deux décennies lorsque des universitaires ont inventé un espace de navigation convivial, appelé le World Wide Web, pour partager de l’information.

 

Toujours plus haut, toujours plus vite, toujours plus loin

Contre toute attente, sa vitesse de pénétration fut prodigieuse. A titre de comparaison, lorsque la radio apparut, il lui fallut trente-sept ans pour entrer dans cinquante millions de foyers. De même la télévision mit treize ans avant d’être regardée par cinquante millions de ménages. A partir du moment où le Web apparut, il ne lui fallut que cinq ans pour entrer dans cinquante millions de foyers. A ce jour, Internet est le media qui s’est répandu le plus rapidement à travers le monde, touchant désormais plusieurs milliards de personnes.

 

Selon Steve Case [1] la première vague de l’Internet a consisté à mettre en place l’infrastructure technique permettant de connecter Internet à lui-même, c’est-à-dire un réseau international de machines. La seconde vague, boostée par l’explosion du mobile et l’adoption fulgurante des smartphones a permis de connecter davantage des individus les uns aux autres et a vu naître une nouvelle génération d’entrepreneurs particulièrement agiles telles que les équipes de Twitter, Snapchat ou Waze qui ont démarré avec seulement quelques ingénieurs pour finalement créer la sensation. La troisième vague est celle où n’importe quelle industrie peut désormais faire l’objet d’une disruption, voire d’une uberisation, où le digital ne se limitera plus seulement à des machines et des hommes, mais à tout ce qui se passera entre eux, dans la manière dont ils travailleront, apprendront, se soigneront, géreront leur argent et même se nourriront.

 

 

 

Un nouvel écosystème pour l’entreprise

 

Les plus respectés des business thinkers, des gurus de la technologie ou des pionniers du web admettent avec humilité à quel point ils n’ont pas su voir avant l’heure la véritable nature de la révolution digitale.

 

En synthèse, le web a engendré :

  • Les conditions pour que de nouvelles technologies, apparaissant à un rythme jamais observé par le passé, se combinent entre-elles afin de favoriser l’émergence d’innovations majeures. Un simple smartphone est un concentré d’innovations multiples : batterie lithium-ion, internet, navigation GPS, reconnaissance vocale, intelligence artificielle…

 

  • La formation d’un nouvel espace inédit dans l’histoire, un écosystème composé de 60 trillions de pages web (en incluant celles générées dynamiquement), 50 millions de blogs dès les années 2000 (avec deux nouveaux blogs apparaissant chaque seconde), 65 millions de vidéos postées sur YouTube chaque jour, soit 300 heures de vidéo toutes les minutes en 2015[2].

 

  • La conversion des particuliers, historiquement dévolus au rôle de spectateurs passifs avec la télévision, en de véritables utilisateurs actifs, auteurs, producteurs et créateurs… de contenus.

 

  • L’émergence d’un phénomène planétaire non orchestré par qui que ce soit. Toutes les entreprises de financement réunies du monde entier n’auraient jamais eu assez d’argent pour soutenir un tel développement du digital, à une telle échelle et en si peu de temps.

 

  • La génération de données exploitables par les entreprises, dans des proportions exprimées dans des unités encore inconnues du grand public, pour la plupart d’entre elles, tant les volumes sont considérables.[3]

 

 

De nouveaux défis

 

La révolution digitale impose à toute entreprise autant qu’à chaque individu qui la compose de relever des défis aussi passionnants qu’ambitieux.

 

Du côté des entreprises, trois défis déjà se profilent :

  • Passer du contrôle des ressources à l’orchestration de ressources en tous genres.
  • Passer de la simple optimisation interne de l’organisation à la gestion des interactions de l’entreprise avec l’externe.
  • Passer du focus sur la création de valeur pour le client à la création de valeur pour, dans et avec un écosystème.

 

Du côté des individus, nous ne pouvons qu’écouter le directeur du Media Lab du M.I.T., Joi Ito, qui dans son livre visionnaire Whiplash[4] encourage chacun à passer de l’éducation à l’apprentissage. Il définit l’éducation comme ce que l’on nous fait : d’autres que nous, des parents, des institutions (écoles, universités, etc.) nous enseignent dans un cadre établi, des savoirs organisés, structurés (programmes d’écoles, contenus de formations, cursus, etc.). A l’opposé, Joi Ito décrit l’apprentissage comme une démarche plus personnelle, davantage proactive, permanente et résolument plus en phase avec les enjeux futurs. Revenu à l’entreprise, le salarié se trouve pour la première fois invité à devoir assurer par lui-même l’effort nécessaire à l’évolution de ses compétences, au développement de ses connaissances, à son adaptation ininterrompue à un monde qui change constamment.

 

 

 

Pour rebondir sur ce que disait Kevin Kelly[5] : « dans un monde où la distraction est devenue la norme, être capable de ne faire plus qu’une seule chose à la fois devient un super pouvoir ». Une chose que vous avez bien comprise, puisque vous voilà plongé dans cet article destiné à fournir un panorama d’outils et de de grilles de lecture de nature à vous permettre de mieux appréhender les problématiques digitales au travail.


[1] Homme d’affaires américain, venture capitalist, pionnier de l’Internet, cofondateur et ancien PDG d’AOL.
[2] Kevin Kelly, The Inevitable: Understanding the 12 Technological Forces That Will Shape Our Future, Viking, 2016.
[3] Millions, milliards, trillions, quintillions, décillions, exilions, myrillions, exabytes, yotta (qui équivaut à un septillion), nous serions à l’aune de l’ère des zettabytes.
[4] Joi Ito, Jeff Howe, Whiplash: How to Survive Our Faster Future, Grand Central Publishing, 2016.
[5] Co-fondateur et rédacteur en chef pendant quinze ans du magazine américain Wired, consacré aux nouvelles technologies, Kevin Kelly est également auteur de livres (Out of Control, What Technologies Want) et figure parmi les observateurs du digital les plus avisés.