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La résilience mérite-t-elle notre empathie

La résilience est le mot-clé saupoudré sur toutes les politiques publiques et utiliser pour rendre plus tolérables tous les problèmes. Derrière son usage systématique se cache une logique pernicieuse consistant à en faire une vertu, une valeur à adopter, pour mieux masquer nos manques.

La résilience est entendue comme une évidence. Son irruption soudaine dans notre vocabulaire masque-t-elle notre incapacité à regarder la réalité telle qu’elle est, au risque de nous faire oublier d’être empathiques ?

Le terme de résilience est d’abord apparu dans le champ de la physique pour designer la résistance d’un matériaux aux chocs. Son usage s’est alors généralisé. Dans les années 70, l’écologie l’a utilisé pour designer la capacités des agrosystèmes à s’adapter. La psychologie s’en est ensuite emparé dans les années 80 pour expliquer la capacité de certains individus à surmonter certains traumatismes. Adoptée depuis par les économistes, les urbanistes, les experts du développement, la notion est devenue le mot-clé à saupoudrer dans toutes les politiques publiques, aussi bien en matière d’épidémie, que de catastrophes naturelles, que de crises économiques, que d’écologie ou de dérèglements climatiques. Emmanuel Macron a même baptisée « Résilience » l’opération militaire lancée le 25 mars 2020 pour appuyer la lutte contre le Covid-19.
La résilience serait donc le mot d’ordre en réponse à tous les problèmes de notre époque ? Mais derrière cette acception élargie et surtout cette acceptation consentie par tous, se cachent deux phénomènes.
Au plan collectif, l’aveu par l’humanité de son incapacité à s’éviter les douleurs et à plus forte raison, celles qu’elle s’est infligée à elle-même : désastre écologique par exemple. Le monde serait tel le prince Siddhârta Gautama qui vivait protégé dans son palais, avant d’en sortir et découvrir les horreurs du monde pour finalement chercher toute sa vie une solution qu’il trouva au travers de l’illumination qui fit de lui le Bouddha ?
A plan individuelle, l’aveu de notre incapacité à tendre la main à l’autre, de savoir l’aider, à défaut de le pouvoir. Tel Bouddha qui en renonçant à ses passions atténue sa colère, son sentiment d’injustice et son désir de révolte.
Plus inconsciemment, c’est une logique pernicieuse que l’emploie permanent du terme de résilience, et son recours systématique pourraient confirmer celle d’un double renoncement. L’un à notre capacité de répondre ensemble à des enjeux planétaires. L’autre à faire vivre l’empathie qui est en nous et nous caractérise en tant qu’être humain.