Jeff Bezos fait le bonheur des dames

Si Emile Zola était parmi nous, il pourrait largement prendre Jeff Bezos comme modèle pour le personnage principal du Bonheur des dames, afin d’entraîner le lecteur dans le monde des grands magasins. Jeff Bezos déploie aujourd’hui avec Amazon, la même stratégie qu’Aristide Boucicaut, le créateur du Bon Marché, un siècle plus tôt.
Dans son roman Au Bonheur des Dames Émile Zola, l’histoire se déroule dans le monde des grands magasins, véritable révolution dans les ventes au détail au milieu du XIXe siècle. Émile Zola s’inspire du Bon Marché, qui regroupe sous un même toit une grande partie de produits vendues jusqu’à alors dans des magasins séparés. Le récit détaille de nombreuses innovations du Bon Marché, notamment son activité de vente par correspondance, son système de commissions, son économat interne, sa cantine, ses méthodes de réception et de vente au détail des marchandises que l’on doit à son fondateur, le génial Aristide Boucicaut, dont Jeff Bezos est peut être la réincarnation.
Revenu au présent, les chiffres du commerce ont bien changé. Là où un grand magasin comme le Bon Marché propose quelques centaines de milliers de produits à la vente, le site e-commerce du géant de la distribution américaine Walmart en propose 17 millions. Une bagatelle face à Amazon chez qui le chois s’effectue parmi 126 millions de produits. Tandis que loin là bas en Chine, le groupe Alibaba propose 1,125 milliard de produits.
Une séance de shopping sur Amazon étonnera un néophyte lorsqu’il verra à côté du produit qu’il s’apprête à acheter, des offres moins chères pour ce même produit chez d’autres enseignes qu’Amazon. En réalité, ces enseignes sont hébergées chez Amazon qui ne manque pas de leur facturer les services qu’elle leurs rend en leur permettant de proposer leurs produits via sa plateforme. Tel le Bon Marché, Amazon est une market place, une place de marché abritant des marques venues profiter du trafic généré par l’enseigne qui les héberge.
Et comme Jeff Bezos est malin, il fait ce qu’Aristide Boucicaud de pouvait pas faire à l’époque :
Vendre de la publicité aux marques qu’il présente, le mettant volontiers en concurrence les unes avec les autres, pour que leurs produits apparaissent dans les premiers résultats de recherche effectuées par les clients sur le site.
Leur proposer constamment de nouvelles fonctionnalités pour les encourager à améliorer sans relâche leurs offres, leur e-merchandising, la gestion de leur stocks.
Leur infliger des violents pénalités sous forme de déclassement dans les résultats des recherche effectuées par les internautes, au moindre incident (produit arrivent en fin de stock mais encore mis en avant par exemple).
Cannibaliser le trafic qu’ils ont par ailleurs sur leurs site e-commerce propre.
Déréférencer, sans préavis, les marques ou les commerçants sous-performant ou ne répondant pas assez strictement à des exigences fortes.
Retourner les stocks de produits invendus sans sommation.
Qu’aurait écrit Emile Zola s’il était des nôtres aujourd’hui. Jeff Bezos et le succès écrasant d’Amazon l’auraient-il inspiré autant que l’aventure du Bon Marché. Toujours est-il que le commerce est un monde dure. Tandis que les petits commerçant se sont peu à peu fait écrasés par les grands magasins, puis la grande distribution, les derniers se font à leur tour considérablement concurrencée par Amazon, qu’un jour peut-être Alibaba surpassera.