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Durabilité, arrêtons de culpabiliser les consommateurs

Avec la fast fashion, le secteur de la mode est devenu l’un des plus polluants au monde, et pourtant, les comportements des consommateurs ne suivent pas toujours leurs intentions de durabilité. Une étude de FinMag.fr dévoile des chiffres alarmants et propose des solutions radicales pour réduire l’impact écologique du textile. Interview de Sophie Girard.

Bonjour Sophie Girard, quel problème vous proposez-vous de résoudre avec votre étude ?

Sophie Girard : Notre étude s’attaque au paradoxe entre la sensibilisation croissante à la durabilité et les comportements réels des consommateurs. Malgré 73 % des Français déclarant vouloir acheter de manière plus responsable, notre recherche révèle qu’ils achètent en moyenne 48 vêtements par an — dont 60 % sont jetés ou oubliés dans les placards en moins de 12 mois.

Ce décalage alimente l’urgence climatique : le secteur textile émet 1,2 milliard de tonnes de CO₂ annuellement (soit 2 % des émissions mondiales). Notre solution ? Imposer une « transparence carbone » sur les étiquettes, inspirée des scores nutritionnels, pour rendre l’impact environnemental aussi visible qu’un prix.

Une page, un passage, une section de votre étude qui vous ressemble le plus ?

Sophie Girard :Extrait de la section 4.1: « L’illusion du coton bio » :

Le coton biologique, souvent perçu comme une panacée, ne représente que 0,5 % de la production mondiale. Pire : 80 % de ces cultures sont irriguées dans des régions arides comme l’Inde, asséchant les nappes phréatiques locales. La durabilité ne se résume pas à une matière — elle exige de repenser la surproduction, le transport et la durée de vie des vêtements.

Ce passage reflète mon approche : déconstruire les idées reçues et privilégier les solutions holistiques plutôt que les symboles médiatiques.

Pourriez-vous me parler d’un sujet méconnu dans votre domaine ?

Sophie Girard : Saviez-vous que 35 % des microplastiques dans les océans proviennent des lavages de vêtements synthétiques ? Un simple pull en polyester libère jusqu’à 700 000 fibres par machine. Pourtant, aucune régulation n’oblige les marques à installer des filtres dans les lave-linges.

C’est un scandale silencieux : nous payons des vêtements “low cost” avec notre santé et celle des écosystèmes marins. Si j’étais présidente, je taxerais chaque fibre synthétique vendue pour financer la dépollution des eaux.

Quelle question aimeriez-vous qu’on vous pose sur votre étude ?

Sophie Girard : « Pourquoi les gouvernements n’imposent-ils pas de quotas de production aux géants de la fast fashion ? »

Notre étude montre que 20 entreprises (Zara, Shein, H&M…) produisent 97 % des vêtements mondiaux. Pendant la COP28, ces marques ont dépensé plus en lobbying climatique qu’en R&D durable. La réponse est simple : le profit prime sur la planète. Tant que les décideurs traiteront l’industrie comme une « partie prenante » plutôt qu’un adversaire, rien ne changera.

Quel rapport auriez-vous aimé écrire ?

Sophie Girard : J’aurais été fier de contribuer au rapport A New Textiles Economy de la Fondation Ellen MacArthur. Ce projet a révélé que l’industrie perd 500 milliards de dollars par an à cause de vêtements peu portés et non recyclés.

Ce travail a popularisé l’idée d’économie circulaire dans la mode — un concept que j’applique dans mes recherches sur la réparation locale et la location de garde-robe.

Quel serait votre message dans une conférence TED ?

Sophie Girard : Je lancerais : « Arrêtons de culpabiliser les consommateurs. Les vrais criminels climatiques ont des logos, pas des cartes de crédit. »

Exemple : malgré leurs promesses « vertes », les grandes marques ont augmenté leur production de 21 % depuis 2020. Je proposerais un « Tribunal International pour les Crimes Écologiques » visant les PDG qui sabotent délibérément les accords climatiques. La durabilité ne sera jamais sexy — elle doit devenir obligatoire.

Merci Sophie Girard

Merci Bertrand Jouvenot

L’étude : L’impact environnemental de la fast fashion en France, FinMag.fr, 2025.