Martina Chyba face au Really Mirror
juin 28, 2022
Le marketing est traversé par une crise profonde qui puise ses racines dans plus d’un siècle de relation entre les marques et les clients. Trois phases ont préparé le terrain de cet ébranlement.
Tout d’abord, une crise de confiance due aux abus qui ont jalonné l’histoire de la consommation au vingtième siècle et que la conjonction d’efforts de règlementation effectuée par l’Etat, de dénonciation par les médias et d’organisation des consommateurs eux-mêmes (mouvement consumériste) est parvenue à endiguer.
Ensuite, la fin du secret que les marques se sont parfois trop longtemps évertuées à cacher. McDonalds en sait quelque chose. La succession de bad buzz dont elle a fait l’objet sur Twitter a eu raison de sa philosophie cachotière, pour l’obliger à adopter une posture largement plus transparente.
Enfin, la fin du contrôle dans un monde où le consommateur est largement plus participatif et impliqué dans le devenir d’une marque. Une étude de McKinsey, fait ressortir qu’en phase de pré-achat, les deux tiers des points de contacts avec une marque sont d’origine humaine. Dit autrement, les clients sont devenus des acteurs primordiaux du marketing des marques. Comme si ces dernière, n’avaient pas su s’y prendre.
Les recherches récentes concordent pour souligner combien les professionnels du marketing connaissent mal leurs clients :
Le corollaire de cet aveuglement est l’effondrement de composantes majeures des stratégies marketing comme la fidélisation, la confiance en la marque, la préférence de marque, l’image, etc.
Une réponse possible se situe peut-être dans la réhumanisation des marques. A trop vouloir en mettre plein la vue, à jouer la spectacularité, à courir après la performance, les marques se désincarnent, n’offrant plus aucun visage aux clients.
Si certaines marques parfaitement atypiques, tant elle incarne un style de vie, voire un style de clients, comme Harley Davidson, sont peu imitables, d’autres comme American Eagle et The North Face montrent un chemin.
American Eagle, n’est pas seulement une marque de prêt-à-porter et de jeans, malgrés ces 1000 boutiques réparties dans les centres commerciaux américains. Elle est un agitateur culturel, une marque qui multiplie des acts de nature à l’ancrer dans la culture dont émane ses propres clients, pour y jouer un rôle, y être un acteur et non plus seulement un figurant comme trop de marques dont les vitrines égayent les allées de plus en plus vides, de centres commerciaux de moins en moins fréquentés. Avec sa plateforme AE X Me, la marque est partie en campagne contre les photos de mannequins de mode retouchées avec Photoshop. Ici la démarche est claire : repérer des clients sur Instagram avant de leur proposer de devenir mannequins pour le compte de la marque.
La vidéo Question Madness de the North Face a déjà été vue plus de 8 millions de fois. Elle montre les blessures, les chutes, les échecs de celles et ceux qui ont vécu à 300% l’aventure à laquelle la marque invite. Plus de fioriture, ni de mise en scène réfléchie par les meilleures agences du moment. Mais des clients confrontés à une réalité, souvent dure, dans laquelle The North Face s’inscrit à leur côté.
Ce faisant, ces marques s’exposent à la critique. D’ailleurs, elles n’y échappent pas. Mais elles ont compris qu’il fallait oser être clivant, quitte à perdre certains clients pour mieux en conserver d’autres
Hier vulnérables, parce que cernées par des concurrents de plus en plus féroces, c’est peut-être en transformant cette faiblesse en opportunité que les marques parviendront à retisser le lien qui disparaît chaque jour davantage avec leurs clients.