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Le soft power conserve son nom mais change de contenu

Le soft power était hier l’apanage des nations et surtout des Etats-Unis. Avec le développement du numérique, une nouvelle forme de soft power semble émerger, sous l’impulsion de la Chine et au profit d’acteurs privés.

 

 

Hier défini comme « la dynamique mise en œuvre par une nation pour inciter d’autres pays à l’imiter, à se rapprocher d’elle et à aligner ses intérêts en conséquence, » par Joseph Nye, le soft power prend avec le numérique, une toute autre tournure et surtout est exercé par de nouveaux acteurs.

 

Des cyber-menaces d’un nouveau genre

 

Lors de l’élection présidentielle américaine de 2016, la compromission des messageries électroniques et la fuite d’informations confidentielles et sensibles concernant l’équipe démocrate, a conduit Barack Obama à accuser ouvertement la Russie. Le décor est planté. La première puissance mondiale ne parvient plus à organiser convenablement ses propres élections présidentielles, perturbée par le numérique.

La cybercriminalité s’est considérablement développée. Deux méthodes se sont imposées. Une première consistant à voler via Internet de l’argent ou des informations sensibles à des entreprises ou des particuliers. En 2013, Yahoo ! s’est ainsi fait dérober des données sur plusieurs milliards de comptes. La seconde approche, consiste à rançonner les victimes soit en paralysant leur activité ou en dévoilant des informations confidentielles.

 

La réduction de la frontière entre groupes cybercriminels et Etats

Pour la première fois des acteurs non-étatiques peuvent disposer d’une influence mondiale grâce à des actes de piratage. Un seul individu peut même générer un effet systémique sur une entreprise voire un état.
Les relations internationales en sont bouleversées. La suprématie des états vole en éclats. Des acteurs nouveaux accèdent au rang d’interlocuteurs de premier plan et parviennent parfois à établir une relation de dépendance en leur faveur. Les états ont recours à des hackers pour tenter d’identifier les origines des cyber-attaques et même des groupes puissants. Le mélanges des genres est consommés. Les états se voient de plus en plus contraints de collaborer avec des groupes douteux. L’intégration croissante avec eux les expose à des risques de dénonciations publiques, augmenta chaque jour leur dépendance. Au contraire des États-Unis ou de l’Europe, Pékin s’est montré parfaitement pro-actif sur ce point, veillant toujours à mettre la puissance de ses entreprises nationales au service de la sienne propre.

 

Un nouveau soft power

 

La Chine figure parmi les plus en avance.

Tant au plan historique ; puisqu’elle a été la première à recourir à l’informatique de manière si conséquente à des fin d’espionnage. Les premières attaques d’envergure eurent lieu aux Etats Unis et avait pour objectif le pillage de savoir-faire industriels et furent régulièrement attribuées à la Chine.
Tant au plan politique, puisqu’elle a systématiquement développé des collaborations très avancées avec ses BATX (Baidu, Alibaba, Tencent, Xiaomi) afin de les associer officiellement à la lutte contre la cybercriminalité et officieusement peut-être, à des offensives plus souterraines et tournées vers l’extérieur.

 

De cette imbrication géo-technologique, ressort une nouvelle donne obligeant les acteurs étatiques à composer de plus en plus avec des acteurs non-étatiques et de plus en plus puissants. Une nouvelle forme se soft power est à l’œuvre. De la définition traditionnelle, il a gardé le nom et l’objectif. Et peut-être oublié la légalité ?

 


Chronique publiée dans le Journal du Net