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Le numérique a enfanté une nouvelle race de prétendants au pouvoir

Les candidats au pouvoir ont traditionnellement emprunté des chemins tout tracés pour accéder aux fonctions suprêmes. Avec le digital, une nouvelle génération d’entreprises surpuissantes a émergé, avec à leurs têtes de nouveaux candidats au pouvoir, nullement préparés et les premiers surpris. Les prétendants de la politique vont ils se faire damer le pion du pouvoir par les dirigeants du numérique ?

En 1983, le journaliste Alain Duhamel signa Les prétendants. Galerie de portraits des aspirants au pouvoir politique, le livre fit date aussi parce qu’il contribua à populariser une distinction savamment trouvée par René Rémond entre droite orléaniste et droite bonapartiste. Plus récemment, l’auteur écrivit Les prétendants 2007  pour y faire figurer une nouvelle génération d’hommes et de femmes politiques, en profitant de l’occasion pour souligner combien les parcours menant au pouvoir se sont multipliés et diversifiés. Un troisième ouvrage présentant les nouveaux puissants de ce monde, comme les dirigeants des GAFA (Google, Apple, Facebook, Amazon) ou des BATX (Baidu, Alibaba, Tencent, Xiaomi) reste à écrire. Par delà la nouveauté que constituerait simplement la mention de noms encore peu connus du grand public (Jeff Bezos, Jack Ma, Larry Page…), c’est la réflexion sur la nature du pouvoir, son évolution et les chemins pour y accéder qui en ferait tout l’intérêt. Quelques chapitres de ce livre se profilent déjà avec leurs thématiques masquant encore pour un temps, les prochains prétendants :

L’ascendant de plus en plus marqué de l’économique sur le politique, introduit de nouveaux visages dans la cour des grands. En 2017, avec 418 000 collaborateurs, Google, Amazon, Facebook et Apple avaient une valorisation boursière cumulée de $2,3 trillions, soit un montant proche de celui du PIB français, la richesse d’un pays comptant 67 millions d’habitants. En août 2018, la firme Apple avait à elle seule une capitalisation boursière supérieure aux PIB de 91% des pays du monde.

La progression de mutations rampantes comme l’utilisation du digital par la Chine pour mieux asseoir sa progression économique, la plus discrète montée en puissance de l’Inde, la fragilisation des Etats-Unis, le déclassement progressif de l’Europe dans la nouvelle économie, les difficultés du législateur à réguler… soulignent le caractère transnational du pouvoir que confère Internet.

L’évolution de la gouvernance mondiale avec l’apparition d’acteurs proprement économiques mais pouvant jouer demain des rôles clés dans des conflits d’un nouveau genre (cyber-affrontements, cyber-terrorisme…).

Les changements qui entourent le citoyen comme les possibilités qui lui sont désormais offertes pour s’exprimer (médias sociaux, blogging…), l’internationalisation des sujets politiques, la nature transfrontalière du digital, l’accentuation de certains pans de la globalisation permise par le numérique (financement, apprentissage…), la dépendance croissante de l’homme à la technologie.

La propre surprise de ces nouveaux prétendants qui n’imaginaient par hériter d’un pouvoir d’une telle nature. En créant Twitter, Jack Dorsey n’imaginait pas qu’un jour Donald Trump et Kim Jong-un s’interpelleraient à coup de tweets, ni créer un nouveau média devenu incontournable dans les relations internationales.

Mais cet ouvrage qui reste à écrire pourra-t-il seulement être un livre, dont les pages tenteraient d’enfermer l’analyse d’une réalité devenue trop mouvante et fugitive pour se laisser enfermer par des prétendants à sa capture ?