Entreprise, le feutre est un marqueur
Un objet aussi anodin qu’un feutre abandonné dans une salle de réunion en dit long sur l’état d’esprit d’une entreprise, voire sur sa culture. En négligeant de remplacer les feutres usagés, les organisations trahissent des travers qui les pénalisent.
Qui ne s’est jamais agacé de trouver en arrivant dans une salle de réunion un paperboard dont toutes les feuilles sont déjà couvertes d’écriture, au recto comme au verso. Peu importe, les feutres qui l’accompagnent étaient de toute manière desséchés.
Si cet incident est banal, il permet de révéler beaucoup de choses au sujet d’une entreprise. Posons-nous la question de savoir pourquoi de vieux feutres ne sont pas remplacés.
La première réponse est évidente. Personne n’aime jeter. Alors personne ne jette ces feutres pourtant arrivés en fin de vie. Et comme ils restent là, personne ne songe à en acheter de nouveaux pour les remplacer.
Plus fondamentalement, c’est une absence de confiance qui se dégage d’un si petit détail. Manque de confiance en son entreprise. Suis-je autorisé à jeter du matériel qui ne m’appartient pas à la poubelle ? Cela pourrait-il m’être reproché ? La responsabilité n’en revient-elle pas à quelqu’un d’autre ? Que vont en penser mes collègues ? etc.
Ensuite, il montre le flou organisationnel, l’approximation dans l’attribution des responsabilités. Mais pire encore, il révèle un climat dans lequel lorsqu’une situation n’a pas été imaginée, aucune initiative n’est prise pour la résoudre, cantonnant ainsi l’entreprise dans son modèle de fonctionnement historique : command and control. Une approche descendante qui a trouvé ses limites dans un monde où nos organisations doivent constamment s’adapter à un environnement de plus en plus changeant.
En outre, l’incident illustre combien nous avons collectivement oublié ce que Jack Welch se plaisait à rappeler en assénant : « Business is simple. Don’t complicate it ». Et en rappelant constamment qu’une entreprise ne réalise que des tâches simples en soi et que c’est leur coordination qui la rend complexe.
Pour finir, le feutre desséché, abandonné et oublié rappelle combien les entreprises sont paralysées face au changement. Pourquoi renouveler ces feutres puisque tôt ou tard nous allons adopter une suite d’outils collaboratifs qui nous permettront d’utiliser les écrans de nos ordinateurs, plutôt que des paperboards ? Et puis, il y a aussi ce projet de doter nos salles de réunion de murs d’écriture dans le cadre de l’introduction des méthodes agiles et du design thinking. En en est-on au fait de ce projet ?
Pendant ce temps-là, les derniers feutres finissent de se dessécher, en attendant je ne sais quoi de nouveau. Quant à la motivation des collaborateurs, est-elle une source intarissable. On sait combien les petites choses insignifiantes peuvent impacter nos perceptions. Fort de ce constat, les entreprises inscriront-elles un jour leurs bonnes résolutions avec des feutres neufs, sur les prochaines pages de leur histoire.