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Managers : premiers de cordée… pour le burn out

Les entreprises sont sous pression, et les injustices s’y multiplient. Dans Les managers aussi vivent des injustices, Pr. Dr. Thierry Nadisic donne la parole à ceux qu’on entend rarement : des managers confrontés à la solitude, au harcèlement ou à l’abandon hiérarchique. Un livre lucide et salutaire.

 

Bonjour Thierry Nadisic, pourquoi avoir écrit ce livre… maintenant ?

Thierry Nadisic : Les entreprises sont aujourd’hui de véritables cocottes-minute. Elles sont sous pression du fait des transformations d’organisation, de l’intensification du travail, du développement de l’intelligence artificielle ou des à-coups dans la mondialisation. Cela se traduit concrètement pour les salariés par des expériences d’injustice au travail. Ce dont on ne se rend que trop rarement compte c’est que les managers sont en première ligne ! Ils servent de soupapes et on leur demande de faire en sorte que le système n’explose pas alors même qu’ils sont souvent eux-mêmes victimes de harcèlement, burn out, discrimination, manipulation, greenwashing ou trahisons. Les managers doivent protéger leurs équipes, mais qui les protègent, eux ? Pris entre leur direction et leurs collaborateurs, mal préparés, dans une grande solitude, comment surmontent-ils ces épreuves ?

Le livre Les managers aussi vivent des injustices présente ces réalités sous la forme d’un recueil de nouvelles : douze managers racontent le récit authentique d’une crise profonde qu’ils ont vécue et ses conséquences. Chaque témoignage est ensuite analysé par un expert qui met en perspective les causes des injustices, notamment le manque de professionnalisme, les comportements non éthiques, y compris de la part des dirigeants. Ces analyses permettent de révéler les dysfonctionnements de nos organisations et de nos sociétés et de dessiner des pratiques efficaces et éthiques permettant aux managers et aux entreprises de résoudre ces difficultés. Ces histoires vraies permettent au lecteur de se laisser emporter par de véritables héros du travail. La force et la sensibilité de leurs témoignages aident à repenser comment on peut refaire société dans nos entreprises.

Une page de votre livre, ou un passage, qui vous représente le mieux ?

« La situation s’est vraiment détériorée lorsque nous avons dû faire face à un succès auquel nous n’étions pas préparés. […] Je ressentais le besoin d’être supervisé, d’être protégé. […] Un collègue senior, qui m’a vu un jour un peu perdu, m’a tapé amicalement sur l’épaule : “Julien, rends-toi compte qu’il ne peut rien faire pour toi, parce que d’abord il ne peut rien faire pour lui-même.” […] Tant que c’était moi le coupable, lui ne l’était pas. […] “Si je ne peux pas venir te voir pour que tu m’aides, alors ne viens pas me voir non plus pour me faire des reproches.” »

Les tendances qui émergent à peine et auxquelles vous croyez le plus ?

T.N. : L’injustice vécue au travail est en général considérée comme subjective et individuelle. Pour les salariés qui la ressentent, elle apparaît liée à des relations avec des personnes nocives. Pour des managers solitaires et sous pression, elle est d’autant plus difficile à appréhender que leur vision se limite à l’efficacité à court terme de leur action.

En réalité, elle est le signe de dysfonctionnements organisationnels et managériaux cachés. Il est d’autant plus important d’en tenir compte que ses conséquences sont importantes, pour la personne en termes d’équilibre et de santé, et pour le collectif en termes d’engagement et de coopération.

Si vous deviez donner un seul conseil à un lecteur de cet article, quel serait-il ?

T.N. : Les managers et les entreprises peuvent être plus justes de plusieurs façons. En écoutant les victimes et en prenant soin d’elles (ce que l’on appelle la justice interpersonnelle), en leur attribuant les droits et avantages qu’elles méritent (qui est le domaine de la justice distributive), en concevant de nouvelles règles de fonctionnement (qui renvoient à la justice procédurale) et en communiquant en transparence sur ce qu’on ne pourra pas changer et qu’on aura choisi d’accepter (qui est une forme méconnue et importante de justice dite informationnelle).

En un mot, quels sont les prochains sujets qui vous passionneront ?

T.N. : Mes recherches et mes actions sont concentrées sur la compréhension et la transformation des entreprises et de leur management pour en faire des lieux de travail plus épanouissants qui répondent à nos besoins économiques et sociétaux. Ce but se décline pour moi en quatre priorités :

D’abord je poursuis mes recherches sur les expériences d’injustices et d’épanouissement dans les organisations.

Ensuite je conçois des méthodes concrètes pour renforcer l’éthique et l’humanisme en entreprise. Dix-sept de ces techniques sont détaillées dans Leadership Experience (Dunod).

Je forme aussi des dirigeants à travers les programmes d’Executive Education d’emlyon.

Enfin, je souhaite continuer à raconter des histoires vraies. La littérature du réel peut devenir une ressource majeure de nos démocraties, face aux fake news et à la perte de sens.

Merci Thierry Nadisic

Merci Bertrand Jouvenot

Le livre : Les managers aussi vivent des injustices, Thierry Nadisic, EMS Éditions, 2024. Disponible ici.