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Les robots feront la grève de la productivité

Les Etats, comme les entreprises, utiliseront l’IA et les robots. Bien vite, les espoirs de gains de productivité s’évanouiront et nos craintes relatives à la disparition de nos emplois également. Une mise en parallèle des progrès de l’IA et de la grève du zèle permet de comprendre pourquoi.

 

 

Le salon des nouvelles technologies, au sein duquel se déroule cette histoire, bat son plein. La foule est au rendez-vous. Les cartes de visites s’échangent sur les stands. Les annonces des prochaines conférences s’enchaînent. Les allées sont bondées. Mais surtout, la circulation des visiteurs est constamment ralentie par des embouteillages. Que se passe-t-il ?

A l’occasion du salon, un constructeur de chariots autonomes profite de l’occasion pour démontrer l’efficacité de ses machines. En plus d’un stand classique, l’entreprise a eu une idée judicieuse : laisser ses chariots circuler de manière autonome au sein du salon. Les engins sont imposant puisqu’ils pourraient contenir une bonne vingtaine de valise. Haut comme des hommes, ils avancent tout doucement entre les visiteurs, veillant à ne jamais les heurter et à toujours leur laisser la priorité. Problème, lorsqu’ils se trouvent face à la machine, les visiteurs déconcertés ou simplement curieux, lui laisse la priorité. Mais comme le chariot n’a pas été programmé pour gérer ce type de situation, il attend immobile. Il s’en suit un long moment avant que l’humain se décide à le contourner, créant ainsi un embouteillage.

L’année suivante, au même salon, après un an de travail acharné d’ingénieurs passionnés, le même chariot circulera certainement mais doté cette fois-ci d’une voix disant aux visiteurs arrêté devant lui : « Je vous en prie, avancez » ou « Je vous laisse la priorité » ou « S’il vous plait, allez-y ». Problème, les visiteurs ne parlant pas français ne comprendront pas.

L’année suivante, après de longues nuits de travail, nos mêmes ingénieurs seront parvenus à doter le chariot d’une solution multilingue et de capteurs de reconnaissance faciale permettant de deviner la nationalité des visiteurs. Mais comment savoir si un visiteur asiatique est chinois, japonais ou coréen ? Et comment deviner si un Indien, dont le visage et même le nom si caractéristique qui figure sur son badge de visiteur, parle hindi, bengali ou tamul.

 

Cette anecdote révèle l’une des principales difficultés auxquelles l’IA sera confrontée : les machines ont le plus grand mal à s’adapter à des situations auxquelles elles n’ont pas été préparées. Et elles ont été programmé par des hommes qui de leur côté ont les plus grandes difficultés à imaginer à l’avance toutes les contingences, toutes les configurations, toutes les situations auxquels la machine devra faire face.

 

Les machines sont exactement comme les hommes lorsqu’ils font la grève du zèle. Il est bien connu que ces semi-grève, dites en anglais italian strike, la « grève à l’italienne », et en italien sciopero bianco, la « grève blanche », réduit la production de 30 à 50%. La raison est claire : on ne peut pas tout préciser dans un contrat de travail ou une description de poste, dont la production d’un collaborateur dépend en grande partie de sa bonne volonté, de ses initiatives, de son adaptation aux contingences et des raccourcis empruntés pour faire avancer les choses malgré tout.

Aucun dirigeant, aucun manager, n’est capable d’envisager à l’avance toutes les situations auxquelles seront confrontées leurs équipes, simplement parce qu’un humain en est incapable. Et les ingénieurs qui conçoivent les robots et les programme, autant dire les préparent à interagir avec le monde extérieur, restent également des hommes.

 

Il est donc peut-être prématuré de conclure que l’IA et les robots emmèneront les gains de productivité que l’on nous annonce en fanfare. Au contraire, ils donneront peut-être davantage du travail aux hommes. D’ailleurs cette année, au salon dans lequel le chariot avait fait ses premiers pas, il était précédé par un humain qui se chargeait d’indiquer aux visiteurs comment se positionner ou quels passages emprunter pour le laisser passer.