C’est pas parce qu’on a rien à twitter, qu’il faut fermer sa gueule
Ceux qui savent ne parlent pas et ce qui parlent ne savent pas, disait le sage chinois Lao Tseu. Pourtant, l’époque ne nous a jamais plus encouragé à nous exprimer autant et si souvent, pour dire que… nous n’aurions finalement peut-être plus rien à dire.
Quoi de neuf ? nous demande Twitter, lorsque nous arrivons sur sa page d’accueil. Exprimez-vous ! nous dit Meta (Facebook) lorsque nous arrivons sur sa page d’accueil ou que nous visualisons notre profile. What in your mind ? nous assène la version anglaise du même site. C’est à croire que nous n’avons plus droit au silence, qu’il est impératif de s’exprimer et que se taire serait un mal.
Pourtant, chacun sait qu’à trop utiliser les réseaux sociaux, la question qui vient à l’esprit, du moins ce qui l’en reste, est davantage celle que poser le groupe de pop rock Pixies qui chantait Where is my mind ? plutôt que le sempiternel What in your mind ? de Facebook. Et ce ne sont pas les Sex Pistols qui nous contredirait en chantant Silly Things. Ni Lou Reed qui assénait « There is no time for learning speech » dans sa chanson There is no time. Mais chanter c’est encore parler, d’une autre manière certes, mais c’est parler.
En réalité, les réseaux sociaux ne nous incitent pas réellement à parler, ni même à écrire, mais davantage à nous exprimer au moyen d’ailleurs d’une nouvelle grammaire faite de pictos, de termes simples (Like, Poke…) compréhensibles de tous, au point même qu’un analphabète pourrait parvenir à utiliser Meta (Facebook). Tout comme Gandhi eut ce trait de génie de concevoir un programme révolutionnaire compréhensible mêmes par les centaines de millions d’illettrés que comptait alors l’Inde, les Zuck et consort ont offert aux hommes un moyen d’interagir, de se confirmer les uns aux autres, qu’ils existent, qu’ils ne veulent pas être oubliés, qu’ils sont bien présents, qu’ils se sont mutuellement croisés (virtuellement), qu’ils sont là. Comme s’il fallait le regard de l’autre pour s’assurer de sa propre existence. Une existence dont on s’assurera si nécessaire en réalisant des selfies que nous pourront regarder, encore et encore, sur nos smartphones devenus des miroirs.
Sous le vacarme assourdissant produits par ces milliards de signaux, on ne parle plus. Pire on ne se parle plus. Assis dans le bus à côté de quelqu’un qui est peut être notre voisin ou qui sans doute travail dans le même coin que nous, puisqu’il prend les transport à la même heure et pour aller dans la même direction, nous ne lui adressons pas la parole. C’est à peine si nous lui accordons un regard. A la place, nous discutons avec notre ancienne colocataire partie en Australie, tandis que celui assis sur une banquette comme nous, échange avec ses parents partis en voyage au Japon. Comme le disait le philosophe Paul Virilio, les nouvelles technologies me rapproche de mon lointain mais m’éloigne de mon prochain.
Et si vous leviez les yeux de votre téléphone grâce auquel vous lisez cet article qui touche à sa fin, pour simplement regarder la fille ou le garçon assis à côté. Il est peut être mignon et elle jolie. Et si vous lui expliquiez que vous venait de lire cet article qui vous a donné envie, non plus de partager sur les réseau sociaux, mais de partager avec quelqu’un, en vrai, en discutant. Bonne conversation. Et ne ratez pas votre station.