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Ayons le courage de faire évoluer notre métier, et ne marchons plus seul

La France compte plus de 30 000 architectes, architectes d’intérieur et/ou décorateurs : un marché fructueux et audacieux. La Crèmerie ambitionne de mutualiser ce marché via un réseau de mandataires. Pour comprendre comment cette alchimie entre projets architecturaux et ameublement opèrera, nous avons interviewé son co-gérant Quentin Bourlet.

 

Bonjour Quentin, quel problème vous proposez-vous de résoudre avec votre entreprise ?

Quentin Bourlet : Après les différentes augmentations ( notamment coût de transport et de matériaux ) observées lors de la période COVID, les répercussions liés notamment à l’invasion russe en Ukraine ( hausse du coût de l’énergie et augmentation de coût de fabrication ), l’impact du resserrement des conditions de crédit sur l’investissement des ménages et des entreprises, les effets inflationnistes négatifs sur le pouvoir d’achat et la consommation des ménages plongent notre secteur dans un futur proche rempli d’incertitude.

Dans l’esprit d’Henry FORD qui disait “Se réunir est un début ; rester ensemble est un progrès ; travailler ensemble est la réussite.” La Crèmerie propose aux indépendants de se rassembler autour d’une un service d’ameublement à travers son réseau de mandataires. Ces professionnels sont parrainés, formés et accompagnés par nos équipes.

Cet outil à tout d’abord été créé pour nous en interne. Dans un second temps nous l’avons mis en place pour nos confrères architectes, architectes d’intérieur, décorateurs. Par la suite d’autres acteurs de différents secteurs d’activité se sont rapprochés de nous afin de proposer à leur tour notre service d’ameublement. Aujourd’hui, nous avons mis à disposition notre service d’ameublement à des agents immobiliers, des agents commerciaux, agenceurs / cuisinistes ou encore à des artisans de second œuvre.

Nous permettons à chaque indépendant de proposer un service complémentaire à leur métier premier et donc de se différencier par rapport à leur marché concurrentiel.

Le sujet du service complémentaire permet en définitive de monter en gamme avec la notion d’un service clé en main et de qualité.

Pour finir, en prenant en compte les enjeux de la conjoncture actuelle, proposer une solution clé en main par le service autour de son activité, permet d’augmenter son panier moyen, ainsi que de pouvoir proposer de la vente additionnelle. N’oublions pas qu’un complément d’activité est aussi et surtout un complément de revenus.

Quelle est votre recette magique ?

Quentin Bourlet : Le marché de l’équipement de la maison réalise en 2022 un chiffre d’affaires de 26 milliards d’euros. De plus, nous dénombrons aujourd’hui en France, plus de 30 000 architectes et architectes d’intérieur, auxquels nous pouvons ajouter 45.000 agents immobiliers indépendants, 30 000 Agents Commerciaux et pas moins de 135 000 indépendants dans le domaine des finitions du bâtiment et installations. Un marché de plus de 240 000 indépendants fructueux et audacieux. La Crèmerie ambitionne de mutualiser ce marché autour de l’équiment et l’ameublement via un réseau de mandataires. Objectif : 200 mandataires dans les deux ans à venir et un ancrage à l’échelle nationale.

Le réseau La Crèmerie permet à un indépendant vendant du service, de vendre du produit et ainsi de s’ouvrir à un marché différent et complémentaire de celui de son cœur d’activité, le tout en rassemblant des professionnels exerçant majoritairement seules autour de valeurs humaines.

Le concept du marketing relationnel est assez semblable à celui du service. Il intègre les notions de valeur humaine et d’éthique de travail. Pour créer une équipe et associer des indépendants – seul – en équipe dans leur intérêt personnel, la clé de la réussite est la confiance dans l’humain, de l’ambition et de l’exigence, pour faire que le business et le relationnel puissent marcher ensemble.

Les missions de chacun restent les mêmes, cette opportunité leur permet un service complémentaire et donc un complément de revenus. Le modèle économique du professionnel évolue en partie, en intégrant la vente de mobilier sur la base du Marketing Relationnel, un modèle qui existe depuis plus de 80 ans bâti sur la notion d’échange et de partage. Ce réseau de mandataires (sans droit d’entrée) permet à ses membres d’augmenter leur panier moyen avec de la vente additionnelle, le tout en s’appuyant sur le savoir-faire et le catalogue mobilier négocié par La Crèmerie.. D’après L’INSEE, un peu plus d’un indépendant sur dix gagne moins de la moitié du Smic annuel et vit sous le seuil de pauvreté. Néanmoins, le mandataire reste un professionnel indépendant, doté de son expertise et de sa propre clientèle.

 

Pourriez-vous me parler d’un sujet relatif à votre domaine, que nous ne connaissons pas et nous apprendre quelque chose à son propos ?

Quentin Bourlet : Le jour où nos compléments de services nous ont fait passer de créatif à innovant.

Le problème de la créativité, voire même de la “signature” de l’architecte, implique un lourd impact : une solitude souvent basée sur un modèle vieillissant.

Si l’on en croit les chiffres, l’exercice individuel de la profession, à titre libéral, correspondant au cœur de notre profession, est en net repli :  51% des architectes inscrits exercent de manière libérale en 2013 contre 83% en 1983. Pour autant, structurellement, si les architectes travaillent de moins en moins seuls, la taille moyenne d’une agence d’architecture est de moins de 2 salariés. Aujourd’hui l’architecture est donc pratiquée de manière néo-libéral, c’est-à-dire généralement en appuie une personne pour la production ou encore la gestion. L’architecte met donc avant tout au cœur de son activité son propre sens créatif et c’est cette vision égocentrique qui est à mon sens dépassée. Je dois bien admettre que l’architecture est pourtant bel et bien un art tridimensionnel, ceci étant dit je suis contre la notion de créativité et d’esthétique avant tout. Premièrement, je pense de manière pragmatique que c’est la fonctionnalité qui doit être au service de l’esthétique et non l’inverse. Pour aller plus loin, je pense que la manière de pratiquer notre métier influe sur le modèle économique que nous appliquons et que certains subissent. Pour conclure, pour changer les choses, tout me porte à croire que l’activité d’architecture doit être vécue avant tout comme une aventure entrepreneuriale comme dans tout autre secteur d’activité et que notre processus créatif si chère à l’architecte doit en découler.

Afin d’appuyer mes propos, et comme nous l’indique le rapport d’information du sénat n° 64 (2004-2005), déposé le 16 novembre 2004 du sénat, nous assistons à une “ paupérisation” de la profession. Nous subissons l’évolution structurelle de notre secteur d’activité et ainsi les métiers de l’architecture doivent élargir leur champ d’intervention. L’architecte ne doit plus être créatif mais innovant, et l’innovation nous apportera en finalité cette créativité tant recherchée.

Antoine Riboud disait que l’innovation est une alliance entre recherche, marketing, instinct, imagination, produit et courage industriel. Ayons le courage de faire évoluer notre métier, et ne marchons plus seul. Assumons nos différences dans nos spécialités et rassemblons-nous. Par ailleurs, la notion de clé en main doit nous permettre de créer des regroupements de compétences, où encore s’ouvrir à de nouveau complément de service afin de se différencier et de s’ouvrir de nouvelles recettes. Notre modèle économique doit évoluer et ne plus être basé à 100% sur des honoraires de conseil. Servons-nous de la mondialisation 3.0 pour faire évoluer notre modèle économique et avancer philosophiquement dans ce monde moderne interconnecté fait d’hyper-réactivité. La révolution numérique impacte d’ailleurs au retour des services de proximité. Les Français veulent dorénavant plus de proximité, de qualité et de convivialité et notre métier doit évoluer en intégrant la notion du clé en main et être assumé comme un service de grande qualité.

Inspirons-nous de LE CORBUSIER architecte, urbaniste, décorateur, peintre, sculpteur, mais surtout précurseur. Il est considéré comme l’architecte le plus important de l’époque moderne. Il a façonné la perception de l’architecture moderne et de la modernité elle-même. Il est l’inventeur des unités d’habitation et créateur des 5 théories de l’architecture moderne. Faisons évoluer notre modèle économique en intégrant la vision de LE CORBUSIER. Je ne me revendique ni artiste ni créateur mais être un architecte d’intérieur, pragmatique, au service de la créativité avec une vision globale intégrant le clé en main. C’est cette nouvelle ère numérique nous sert au développement afin d’avoir des services complémentaires pour nos clients. Aujourd’hui nous devons parler de réalité virtuelle et d’intelligence artificielle avec de la proximité et de l’humain.

 

Quelle entreprise, autre que la vôtre bien sûr, auriez-vous été fier de créer et pourquoi ?

Quentin Bourlet : Je choisirais Le Montpellier Hérault Sport Club car il y a un histoire incroyable avec des valeurs qui mêlent le travail, l’exigence du sport de haut niveau, des valeurs humaine et d’entraide entre la vie de quartier de la paillade et l’entreprise familiale de collecte de déchets (le groupe nicollin) ou les joueurs amateurs étaient embauché ainsi qu’en reconversion, le tout en partant de zéro.

Le club à été fondé par Louis Nicollin en 1974. Il passe de l’amateurisme de la Division d’Honneur (DH) au titre de Champion de France. J’aime cette histoire car on il y a eu plusieurs pivots, pour devenir professionnel puis pour perdurer à travers la nouvelle économie du sport. C’est le seul club professionnel du football français à appartenir encore à ses fondateurs et à être encore géré de manière familiale. Il est aussi précurseur car il est le premier à créer la section féminine d’un club professionnel. En quatre décennies, il est devenu l’une des institutions du football français.

 

Quel message feriez-vous passer si vous deviez donner une conférence à TED ?

Quentin Bourlet : C’est une question assez difficile pour moi, car je n’ai pas la prétention de vouloir faire changer les mœurs. Mais il y a un sujet qui me tient particulièrement à cœur : l’avenir de la planète. Naturellement par la paternité, une fois que l’on devient parent on s’interroge sur le futur mais aussi car je suis chef d’entreprise donc un acteur qui doit répondre à des normes et législations. C’est un sujet délicat, car engagé mais surtout à double tranchant. Dans notre monde en mutation, il est de plus en plus évident que le comportement des entreprises a un impact profond sur la santé de notre planète. Alors que nous sommes confrontés aux défis du 21ème siècle, je suis convaincu que les entreprises qui adoptent l’idée de responsabilité écologique sont non seulement bénéfiques, mais essentielles.

Le concept de responsabilité écologique va au-delà du respect de la réglementation, il traduit un changement fondamental des mentalités. Les entreprises d’aujourd’hui doivent reconnaître leur rôle en tant qu’acteurs de l’écosystème mondial et, ce faisant, assumer la responsabilité de minimiser les impacts environnementaux négatifs. Et cela, qu’importe la taille de l’entreprise et son secteur d’activité, nous sommes toutes et tous concernés. Ce que j’essaie de dire, c’est que le sort de notre planète est intrinsèquement lié au comportement des entreprises. Le passage à la responsabilité écologique n’est pas un luxe, mais une nécessité.

 

Quels sites trouve-t-on dans vos favoris ?

Quentin Bourlet : Je serai tenté de parler du site de rencontre de meubles de La Crèmerie, évidemment. On retrouve sur le site un catalogue de meubles interactifs, aux airs d’un site de rencontre. Les meubles fabriqués en France et en Europe, sont personnifiés et présentés sous la forme de « profil » : photo, description, date de naissance ou encore style vestimentaire. Interface, vocabulaire, couleurs, tout est fait pour faciliter l’expérience et trouver son meuble coup de cœur. Vous vous doutez bien que celui-ci fait partie de mes favoris !

J’aime également m’informer sur de l’actualité en France mais aussi dans le monde, donc naturellement on peut retrouver Harvard Business Review et Les Echos dans mes favoris.

 

Merci Quentin Bourlet

 

Merci Bertrand