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Peu d’entreprises s’autorisent à avoir une véritable stratégie de Marque Employeur

Attirer les talents comme s’ils étaient des clients, mener des entretiens humains pour créer des liens durables, soigner l’intégration pour fidéliser les nouveaux arrivants, créer le bon environnement de travail pour générer de la performance, impliquer les collaborateurs pour en faire des ambassadeurs… figurent parmi les grands thèmes abordés dans le livre : Entreprises : 7 leviers pour renforcer votre pouvoir d’attraction, cosigné par Florence Marty, Christel De Foucault et Laurence Tétrel. Une approche originale élaborée à partir des expériences des auteurs.

 

 

Bonjour Florence Marty, pourquoi avoir écrit ce livre… maintenant ?

 

Florence Marty : Même si le concept est ancien, très peu d’entreprises s’autorisent à avoir une véritable stratégie de Marque Employeur et lorsque c’est le cas, c’est souvent contraintes par des problématiques de recrutement. Elles se cantonnent alors à attirer des talents par des actions RH ciblées.

Pourtant, au travers de leur Marque Employeur, les entreprises de toute taille s’adressent non seulement aux candidats, mais aussi à l’ensemble de leur marché interne comme externe (leurs collaborateurs, leurs prospects, leurs clients leurs fournisseurs, leurs partenaires et leurs anciens collaborateurs).

Pour rester compétitives, les entreprises n’ont plus d’autres choix que de communiquer et de s’adapter aux évolutions de leur environnement économique et technologique. Avoir des équipes solides, fiables, fidèles et capables de se réinventer devient une priorité.

Dans ce contexte, le prochain marché le plus concurrentiel, sera celui de la compétence. On peut déjà le constater dans de nombreux secteurs d’activité.

D’autant plus que les individus ne veulent plus de rapports de force dans le travail et reprennent leur liberté en choisissant massivement d’être indépendants (3,8 millions en 2020). Ils se mêlent aux salariés dans les organisations qui n’ont parfois pas d’autres choix que d’y avoir recours pour pourvoir leurs besoins. Ces travailleurs d’un autre genre peuvent même remplacer les intérimaires et les CCD. Ce phénomène va s’accentuer et les RH vont bientôt devoir trouver des solutions pour gérer des populations de « travailleurs » que tout oppose et attirer non seulement des salariés mais aussi des indépendants.

C’était pour nous, Christel de Foucault, Laurence Tétrel et moi, le moment d’avoir une approche très globale qui implique l’ensemble des parties prenantes de l’entreprise.

Dans notre ouvrage, nous proposons une vision à 360 de la Marque Employeur qui tient aussi compte de la transformation du marché de l’emploi en marché de la compétence.

 

 

Une page de votre livre, ou un passage, qui vous représente le mieux ?

 

Je me reconnais dans tous les thèmes, celui sur le Management (thème 21 – Levier 4 : Créer le bon environnement de travail pour générer de la performance) est sans doute l’un de ceux qui a été le plus complexe à écrire. Sur les 6 pages du livre, j’en propose 2 (pages 124 et 125) qui posent le principe d’un manager « RH Partner », et qui pousse à un changement de culture managériale à la fois doux et profond.

 

La dimension « RH Partner » des managers

En entreprise, tout le monde trouve désormais normal que les RH soient des « Business Partners », c’est-à-dire qu’elles s’impliquent dans la réussite et la performance des équipes, en optimisant le fameux « capital humain » et les processus RH.

Cette évolution significative de la place des RH s’est encore amplifiée avec l’importance que prend aujourd’hui la Marque Employeur. Mais l’impact des actions RH sera d’autant plus grand que les relais opérationnels sont eux aussi impliqués dans ces missions.

Pour réellement répondre aux attentes des nouvelles générations (individualisation des parcours professionnels, communication transparente, réactivité, accompagnement, coaching…), les managers doivent opérer une transition pour devenir de véritables « RH Partners ».

Premiers acteurs des ressources humaines, ils doivent en connaître les ressorts et se positionner comme des amplificateurs des bonnes pratiques RH. C’est en intégrant ces nouvelles missions qu’il sera possible pour les organisations de basculer d’un management conventionnel à un management moderne.

Pour opérer ce changement et impulser un nouveau souffle managérial dans des organisations établies, il convient de structurer sa démarche.

Porter le changement au plus haut niveau avec sincérité

L’exercice n’est pas aisé et demande même un investissement personnel important de la part de l’équipe de direction. Pour être efficaces, les leaders doivent incarner le changement. Leur parole doit être authentique. Il ne s’agit pas de porter des idées mais de les traduire en actes.

Si cette condition est remplie et, après avoir fait le travail d’analyse et de positionnement préconisé précédemment, il est alors possible de passer à une phase plus opérationnelle.

Communiquer largement sur la volonté de changement

Chaque collaborateur doit savoir qu’un changement culturel est en train de s’opérer. Attention, donnez-vous du temps et, surtout, ne culpabilisez pas les équipes ! Au contraire, apportez du sens à ce changement et appuyez-vous sur vos motivations réelles. Mettez en avant l’idée qu’il s’agit d’un projet d’entreprise à réussir ensemble.

Construire un plan de déploiement

Il dépend de la taille de votre entreprise et de sa structuration. L’erreur pourrait consister à tout vouloir faire en même temps, alors qu’il peut être judicieux d’opérer un déploiement segmenté par direction, par site, par entité… Il sera nécessaire d’identifier les étapes, les délais et les effectifs concernés. Privilégiez le volontariat, et fixez-vous des indicateurs clés de réussite qui vous permettront de passer d’une étape à l’autre. Rien ne sert de précipiter les choses. Les premières actions mises en place doivent avoir des effets positifs pour emporter l’adhésion naturelle des plus réticents.

Révolutionner ses recrutements

Si vous recrutez toujours les mêmes profils, vous arriverez toujours aux mêmes résultats. Pour opérer un changement de culture managériale, il est nécessaire de rompre avec votre mode de sélection des managers.

Accompagner et former les équipes managériales

Vos managers vont avoir besoin de trouver comment faire évoluer leurs habitudes comportementales, leurs réflexes, et devront envisager de nouvelles manières de communiquer. Il vous appartient, en tant qu’employeur, de les accompagner sur ce chemin, sans culpabilité et sans être trop pressé, afin d’opérer une évolution à la fois paisible et durable.

Accompagner et former les collaborateurs

Qui dit « manager » dit « managés ». On oublie trop souvent que c’est bien l’ensemble de l’effectif qui est concerné par la culture managériale, et que, pour la faire évoluer, chacun a un rôle à jouer. Autonomie, prise de responsabilité, empathie, tolérance, communication, sont autant de soft skills à développer qui permettent d’amorcer les changements dans les entreprises. L’idée du manager tout-puissant est révolue. Aujourd’hui, la modernité se conjugue au pluriel, chacun dans l’équipe devant pouvoir contribuer à davantage de bien-être, de collaboration et de performance.

Observer et mesurer les résultats

Indispensable dans tout projet, il sera particulièrement pertinent pour vous de définir, dès le début, les éléments de reconnaissance et les indicateurs qui vous permettront de mesurer votre succès. S’il est important d’avoir des éléments quantitatifs, les objectifs qualitatifs sont aussi nécessaires.

 

 

Les tendances qui émergent à peine et auxquelles vous croyez le plus ?

 

Florence Marty : Je peux identifier 3 grandes tendances, certaines sont déjà bien présentes, mais les entreprises n’en ont pas suffisamment conscience ou se trouvent encore démunies devant le phénomène :

  • Le raccourcissement des cycles de vie professionnelle.

Plus personne en rentrant dans une entreprise n’imagine y passer 40 ans et l’ancienneté moyenne diminue à vue d’œil. Dans la gestion de la fidélisation des profils, il faut tenir compte de cet élément et proposer des solutions d’accompagnement sur 3, 4 ou 5 ans maximum. Il faut passer du concept de fidélisation « continue » des collaborateurs à une fidélisation « discontinue » des individus, en considérant la fidélité comme un « attachement durable » à l’entreprise. Est fidèle un ancien collaborateur qui continue de communiquer positivement sur son ancien employeur et qui pourrait dans l’avenir, repostuler pour saisir une nouvelle opportunité ou travailler comme indépendant, d’où l’importance grandissante de l’offboarding.

  • Le développement du travail indépendant.

Il va encore s’amplifier et va grandement impacter, à 10 ans, la structuration des « effectifs » de l’entreprise. Nous allons passer de la gestion des effectifs « salariés » à la gestion des « compétences » salariés et non-salariés et toutes les dimensions des ressources humaines vont être transformées. Deux populations de travailleurs très singuliers vont cohabiter et les RH ne vont plus seulement devoir contribuer à devenir des employeurs de marque mais aussi des entreprises marquantes et respectueuses des indépendants pour continuer à collaborer avec les meilleurs.

  • L’incontrôlabilité de la communication

Toutes les personnes qui croisent le chemin de l’entreprise doivent être considérées comme des relais de communication importants. C’est le cas évidemment des collaborateurs, et aussi des indépendants, des candidats et des anciens collaborateurs, qui vont utiliser les sites de notation ou les réseaux sociaux pour diffuser des messages sur l’entreprise et parfois faire le buzz à cette occasion. Chacun peut alors avoir une force de frappe communicationnelle plus forte que celle de la plus grande entreprise. Les rapports de pouvoir changent, et devront s’effacer au profit de relations plus « partenariales » y compris dans le cadre du travail, afin d’éviter de créer des détracteurs, ou même des « haters » et d’entretenir son vivier d’« ambassadeurs ».

 

 

Si vous deviez donner un seul conseil à un lecteur de cet article, quel serait-il ?

 

Florence Marty : Il est temps pour les entreprises de comprendre quelles sont leurs forces d’employeur, de les développer et de le faire savoir pour être reconnues comme un Employeur de Marque en passant du déclaratif à l’action.

 

 

En un mot, quels sont les prochains sujets qui vous passionneront ?

 

Florence Marty : J’ai toujours été passionnée par l’organisation et la manière dont les hommes et les femmes collaborent. Après plusieurs années à accompagner les entreprises et aussi les collaborateurs, dont les managers, le sujet qui me mobilise aujourd’hui c’est la démocratisation des ressources humaines.

Je crois fermement à l’autonomie, à la confiance, à l’adaptation, à l’importance de réinventer les pratiques managériales et aussi les relations entre collaborateurs. Nous vivons désormais dans un monde plus « horizontal » où chacun contribue et peut apporter énormément de valeur ajoutée à l’entreprise.

Je crois que l’assainissement des certains modes de fonctionnement, que l’amélioration des conditions de travail et aussi de la communication sont autant de facteurs de performance pour les organisations que de motivation pour les collaborateurs.

Je crois surtout que c’est l’affaire de tous. Il n’y a pas d’un côté les RH et de l’autre tous les autres. Chacun à son niveau est responsable de l’impact qu’il a dans la société.

Il faut travailler sur l’interdépendance entre les individus et leur donner les moyens de participer aussi positivement que possible à la réussite du collectif.

C’est ce que nous comptons faire avec Christel de Foucault, l’une des co-auteures sur le livre, dans notre conférence « Marque Employeur ? Même pas peur ! ».

 

 

Merci Bertrand pour cette interview. C’est toujours un vrai plaisir de pouvoir parler de notre livre et de ce sujet qui me tient tellement à cœur.

 

C’est moi qui vous remercie Florence Marty

 


Le livre : Entreprises : 7 leviers pour renforcer votre pouvoir d’attraction, Christel De Foucault, Florence Marty, Laurence Tétrel, Eyrolles, 2022.