Une histoire de la lingerie française
L’antiquité
Les quelques huit siècles de l’Antiquité romaine, cachèrent la lingerie féminine sous de longs drapés trop géométriques pour être sensuels.
Assombri par un excès de religion, traversé par les invasions, déstabilisé par les guerres et les famines, le Moyen-âge ne parvint pas davantage à libérer le corps de la femme. Des draps rugueux et des velours épais constituèrent les bases de robes chatoyantes mais grossières, retenues sans élégance par de larges épaules, emprisonnant le désir au fond des âmes, comme l’amour courtois éloigne les amoureux l’un de l’autre.
La Renaissance
La Renaissance mis à bas mille ans d’obscurantisme et introduisit son florilège d’idées nouvelles. Les arts fleurirent. Les mœurs évoluèrent. Le vêtement entama timidement sa mutation sans dévoiler encore ses dessous.
Le grand siècle
L’imposant dix-septième siècle se fit le théâtre de la suprématie française, de sa richesse, de son armée victorieuse, de son rayonnement culturel, de son savoir vivre, de ses jardins, de sa cour, de sa noblesse, qu’un Louis XIV s’enorgueilli d’incarner à lui seul. La magnificence des toilettes masqua trop bien la pudeur des corps.
La révolution française
Le libertinage que le dix-huitième siècle introduisit, la galanterie qui l’accompagna, les jeux qui devinrent son prétexte, formèrent le canevas d’une nouvelle relation entre les hommes et les femmes. La soie, le satin et les volants des robes parfois décolletées aérèrent la peinture de Jean Honoré Fragonard. L’esprit du siècle pourtant si grand, n’empêcha point Denis Diderot d’aimer épistolairement Sophie Volland, sur fond de transparence et de légèreté.
1801
Trop occupé par les conquêtes Napoléoniennes, par ses comptoirs d’outre-mer, par ses colonies, puis par le retour de la monarchie au pouvoir, la France de la première moitié du dix-neuvième siècle oublie un temps le corps des femmes.
1850
1880
1900
1910
Bandeaux et brassières aplatissent la poitrine. Le mot soutien-gorge entre dans le dictionnaire. En 1913, un soutien-gorge séparant les deux seins est inventé. Au même moment, un soutien-gorge composé de deux triangles croisés devant et dans le dos est lancé. Les premiers soutiens-gorge sont en lin avant d’être fabriqués, à partir des années vingt, en soie, mousseline ou en batiste.
1920
1930
Les premiers « soutiens-gorge à la Gaby » de Maison Lejaby se fabriquent déjà dans l’arrière salle du cinéma de Bellegarde, près de Lyon, sous l’œil de Gabrielle Viannay. Mademoiselle Simone Pérèle obtient en 1935 son diplôme de corsetière.
La même année, la belle Joséphine Baker ravit les cœurs du Tout-Paris dans le film Princesse tam.tam qui inspirera plus tard les sœurs Hiridjee, fondatrices de l’entreprise éponyme.
1945
Simone Pérèle se singularise par la prise en compte de critères esthétiques en créant des soutiens-gorge en satin, coupés puis assemblés dans l’atelier de la rue Montyon. Charles Fossez, dit le « Fakir Birman », astrologue et star du Tout-Paris, vend déjà des gaines Barbara, par correspondance.
André Faller est depuis quelques années le pygmalion de Lucienne, avec laquelle il a créé la société Lou. L’allure et le confort sont associés avec une armature que l’on sent à peine. Lou compte alors déjà parmi les leaders de la corseterie française.
Empreinte signe son plus célèbre lancement : celui des soutiens-gorge en profondeur de bonnet, avec un « effet lifting révolutionnaire ».
1955
Simone Pérèle crée, à cette époque, des dizaines de modèles de soutiens-gorge dont la durée de vie atteindra jusqu’à vingt ans. En mariant confort et esthétisme, elle lance le soutien-gorge à pinces dit « Soleil » ainsi que le « Sole Moi« , premier soutien-gorge en lycra. Lou impose ses premiers dessous en tissus imprimé, avec de l’élasthanne extrêmement souple, puis le « Pantylou » invisible sous le pantalon.
1965
Gilbert Bena prend la direction de Barbara, s’apprêtant à transformer l’entreprise familiale en une entreprise industrielle. A l’orée de la naissance du prêt-à-porter, Chantelle dessine des soutiens-gorge ultra-féminins en les parsemant de détails « mode ». Empreinte lance le premier soutien-gorge sans bretelle.
1970
Dix ans après la création de « Soleil » par Simone Pérèle, le modèle « Pétale », dépouillé, sans dentelle, devient la seconde locomotive de la marque, et la maison lance parmi les premières parures du marché, le « Papillon ». Les fameux Filet de Lou et V de Lou épousent les envies des femmes en quête de liberté.
Chantelle signe son premier soutien-gorge moulé qui offre une poitrine enfin naturelle et parfaitement tenue. Le modèle « Fête » devient un best-seller pour la maison. Lejaby s’implique dans le mouvement de libération des femmes : la ligne Liberty s’affiche comme une véritable révolution, puisque sans armature et ponctuée par six coloris acidulés.
Aubade lance le premier soutien-gorge dos nu, puis enchaîne les créations destinées à permettre aux femmes de taquiner les hommes : l’Agrafe Cœur, le Tanga. La Maison Dior confie l’exclusivité de la fabrication de ses collants et bas à Gerbe.
1980
1990
La maille microfibre réussit son entrée chez Chantelle avec Essensia. Nuagede Lejaby exploite elle aussi cette matière alors très nouvelle. Avec Divine, Chantelle affirme sa maîtrise de l’innovation dans les modèles à coques et s’internationalise en devenant la première marque de lingerie française haut de gamme dans le monde. La saga des « Leçons de séduction » d’Aubade débute et annonce le prêt-à-séduire.
2000
Empreinte offre aux « poitrines généreuses » la profondeur du bonnet G, tandis qu’Aubade lance le plus petit string du monde. Gerbe obtient le label « Entreprise du Patrimoine Vivant de Cent ans et plus », décerné par le gouvernement français, récompensé pour sa culture du produit de qualité « made in France ».
Les prochaines pages de l’histoire de la lingerie française seront écrites par vous. L’innovation textile continuera d’y jouer un rôle de premier plan, sachant toujours s’effacer derrière la main des créateurs, préférant servir l’auteur que d’attirer la lumière à soi.
Pourvu que l’esprit chic et libre, l’élégance toute parisienne, la French Touch qui ne s’explique pas, continuent à troubler le monde, au hasard d’un geste, d’une attitude, d’un regard, d’un « je ne sais quoi » tellement français et dont nous conserverons jalousement le secret encore longtemps.