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Un livre à ne pas mettre entre toutes les mains

Dark web, projets de vos concurrents, reconnaissance faciale, prise de contrôle de caméras de sécurité dans le monde entier, pistage des meilleurs candidats à un poste, vérification de la santé financière d’une entreprise… Tout est possible et expliqué dans le livre Le renseignement offensif. Info ou intox, pour vérifier nous avons interviewé l’auteur.

Bonjour Philippe Dylewski, pourquoi avoir écrit ce livre… maintenant ?

Philippe Dylewski : Partout, on parle de la protection de la vie privée. Des réglementations sont mises en place. Ça n’est qu’une vaste blague. La seule façon d’avoir une vie réellement privée est de ne pas toucher à un ordinateur. Ou mieux encore, de n’avoir aucune vie sociale. J’ai remarqué que tout ce qui parlait de prévention et de sécurité n’avait pas beaucoup d’impact. Probablement parce que nous pensons tous que les problèmes n’arrivent qu’aux autres. Alors j’ai décidé de me mettre dans la peau de l’attaquant et de montrer à quel point il était facile d’obtenir des informations précises sur les personnes, en employant des méthodes simples. Je suis un ex détective privé, je fais toujours de la recherche de personnes disparues via le réseau que j’ai créé, Stillmissing, mais à la base, je n’ai aucune formation technique. J’étais psychologue.

 

Une page de votre livre, ou un passage, qui vous représente le mieux ?

« Un site polonais se démarque complètement de tout ce qui existe. Avec Pimeyes, nous rentrons dans la science-fiction. Ou plutôt dans la reconnaissance faciale. Il ne s’agit donc plus de retrouver une même photo diffusée à divers endroits. Il s’agit de retrouver des photos d’une même personne. »

Ces trois lignes résument tout notre univers actuel. Ce qui semblait incroyable hier, devient banal. La science-fiction devient rétro. Et je crois que rien ne peut arrêter cette tendance. Je ne sais pas si ça me désole ou me fascine. Les deux, je suppose, et oui, ça doit être quelque chose qui me représente bien.

 

Les tendances qui émergent à peine et auxquelles vous croyez le plus ?

Philippe Dylewski : En matière de renseignement, les avancées sont très rapides. Et la frontière entre le matériel qui est exclusivement du ressort de l’état et ce que vous trouvez sur Amazon est de plus en plus mince. Avant, les agences de renseignement et les services de police avaient une grande longueur d’avance par rapport à ce à quoi le simple citoyen pouvait accéder. Ça n ‘est plus le cas. Enfin si, mais de moins en moins.

Pa exemple, on a fait tout un scandale à propos de la société israélienne Pegasus, qui vend une technologie qui permet d’espionner des téléphones à distance, après installation d’un logiciel sur le smartphone de la victime. Vos trouvez à peu près la même chose en ligne pour 30 dollars.

 

Si vous deviez donner un seul conseil à un lecteur de cet article, quel serait-il ?

Si vous voulez vous protéger, sachez comment attaquer.

La psychologie humaine est ainsi faite que nous avons plus facile à nous identifier à celui qui tient le manche, qu’à celui qui le reçoit sur la tête. On peut observer le phénomène dans les cours d’école. Les enfants veulent jouer le rôle de l’attaquant victorieux et pas celui de la victime.

En matière de protection de la vie privée, c’est pareil. D’un point de vue pédagogique, j’ai décidé de placer le lecteur du côté de celui qui tient le manche. Et le résultat est là. D’abord parce que mon livre se vend, mais aussi parce que je reçois les réactions que j’espérais et ça donne des choses du genre: « waw, maintenant que je vois ce que je peux faire et comme c’est facile de le faire, je fais attention aux traces que je laisse, parce que je ne veux pas que les autres puissent me faire ce que moi, je suis capable de faire. » Bien sûr, personne ne m’a écrit exactement ce message, mais l’idée y est et je m’en réjouis. Ca me fait penser à mon instructeur de boxe thaïe, quand j’avais 20 ans, qui avait coutume de dire « en apprenant à ces jeunes à se battre, je fais bien plus pour lutter contre la délinquance que tous les assistants sociaux de la région. » Et c’était vrai.

 

En un mot, quels sont les prochains sujets qui vous passionneront ?

Le monde du renseignement, toujours. La psycho et les sciences du comportement en général. Pourquoi ne pas mixer les deux ?

Le maillon faible dans le monde du renseignement est plus souvent l’humain que la technologie. L’humain est influençable, manipulable et ce d’autant plus que beaucoup de gens croient qu’on peut manipuler les autres mais pas eux. La psychologie sociale nous apprend que tout le monde peut être influencé en fonction du contexte. Je commence à écrire un manuel d’influence dans les organisations. Ou comment modifier durablement les comportements de groupe. Encore une fois, la morale n’y sera pas au rendez-vous…mais j’espère, l’efficacité du message.

 

Merci Philippe Dylewski

Merci Bertrand

Le livre : Le Renseignement Offensif, Philippe Dylewski, Agakure, 2022.