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Osez-vous remettre en question le travail comme valeur

Quand il écrit un article intitulé « 27 ans, en CDI, 2 700 €/mois mais je quitte mon job », Valentin Brunella ignore qu’il sera l’article français le plus liké sur LinkedIn avec plus de 38 000 likes et près d’un million de lecteurs. La suite logique est un livre : La semaine prochaine je démissionne ! Interview de l’auteur.

Bonjour Valentin Brunella, pourquoi avoir écrit ce livre… maintenant ?

Valentin Brunella : « 27 ans, en CDI, 2700€ par mois mais je quitte mon job », c’est le titre un peu racoleur de l’article que j’ai publié il y a 6 ans quand, après seulement trois années dans le monde du travail, j’avais la sensation d’avoir été trahi par les promesses du tout-ira-bien-avec-un-bon-job. Cet article a fait un mega buzz (1 millions de lecteurs ; 39 000 likes) et confirmait l’intuition que j’ai eu à ce moment-là : malgré le fait d’avoir objectivement réussi dans la vie (bonne étude, bon job, bon salaire) on était nombreux à être mal à l’aise avec notre travail. Mes lecteurs se sont reconnus dans mon Je : J’ai la sensation de faire un job à la con, je m’ennuie à mourir au travail, ou au contraire de je m’y épuiser émotionnellement et physiquement, je manque de reconnaissance, etc.

Alors, si j’ai écrit ce livre c’est, à la fois pour que chacun soit en capacité de mettre des mots sur ses souffrances, mais aussi pour permettre à mes lecteurs d’oser remettre en question le travail comme valeur. En bref, dans mon livre je leur dis : la valeur travail est en train de mourir, vous devez vous questionner sur votre rapport au travail si vous ne voulez pas souffrir !

 

Une page de votre livre, ou un passage, qui vous représente le mieux ?

V.B. : C’est l’une des premières pages du livre mais une des dernières que j’ai écrites. C’est une sorte de personnification du travail pour se rendre compte de l’absurde relation que l’on entretien parfois avec lui.

Travail, qui es-tu ? J’ai entendu parler de toi quand j’étais jeune ; d’ailleurs tu étais souvent au centre des conversations. On parlait de toi comme étant parfois trop présent, parfois trop violent, mais rarement trop généreux. Tu es entré dans ma vie par nécessité, mais je m’y attendais puisque l’on m’y préparait depuis bien des années. On m’avait expliqué qu’il fallait que je compose avec toi, que je le veuille ou non. Néanmoins, on ne m’a jamais dit comment. Alors j’ai appris, malgré moi. Quand je suis arrivé, tu m’as souhaité la bienvenue, tu m’as pris sous ton aile et tu m’as dit que, dorénavant, tout irait bien. Tu m’as dit que je pourrais faire de grandes choses avec toi et que je pourrais acheter de belles choses grâce à toi. Je ne voyais pas de raison de ne pas te croire, alors je t’ai cru. Nos débuts étaient formidables et enthousiasmants ! D’une simple signature sur un contrat, tu as changé ma vie. Je nageais dans le bonheur de me sentir enfin utile à quelque chose et tu m’as sorti de la tête la peur du dénuement. J’étais en sécurité avec toi.

Et puis un jour, nous avons commencé à avoir des problèmes. On n’arrivait plus à se comprendre, tu ne m’écoutais pas. Tu m’imposais des règles que j’arrivais de moins en moins à supporter. Tu me demandais de faire des choses dont je ne voyais pas l’utilité. J’ai fini par m’ennuyer dans la petite case que tu m’avais assignée. Alors, j’ai fini par faire mes valises, on a rompu notre contrat, et je suis allé voir ailleurs pour trouver plus de liberté et plus de sens qu’à tes côtés.

 

Les tendances qui émergent à peine et auxquelles vous croyez le plus ?

V.B. : Je pense que l’on est sur la fin d’un monde, celui où le travail est une valeur, où le travail guidait des vies entières, 40 ans de carrières au même endroit parce qu’on croyait au projet collectif. Et si la valeur travail est en train de disparaitre ce n’est pas que les salariés soient devenus flemmards ces dernières années, c’est que leurs aspirations ont changé, elles sont moins statutaires (monter les échelon), moins liées au confort (le seuil de salaire après lequel le niveau de bonheur ne bouge plus est, en France, de 2100 euros) et évidemment plus liées aux enjeux climatiques, jeunes et moins jeunes confondus.

Un dernier point, je suis persuadé que le rapport au travail des individus va changer massivement et rapidement de nature, d’une valeur en soi, le travail, même pour les cadres, va devenir de plus en plus un simple moyen de s’épanouir en dehors du travail.

 

Si vous deviez donner un seul conseil à un lecteur de cet article, quel serait-il ?

V.B. : Tu n’as qu’une vie alors ne perds pas trop temps à la gagner, remets le travail à sa place et pense-le comme un moyen au service d’autres finalités ! Et puis jette un coup d’œil à mon livre ! 😉

 

En un mot, quels sont les prochains sujets qui vous passionneront ?

V.B. : Le fil rouge de mes écrits est toujours le même : penser la liberté d’être et de faire !

 

Merci Valentin Brunella

 

Merci Bertrand,

 

Le livre : La semaine prochaine, je démissionne !: Mode d’emploi pour imaginer le nouveau chapitre de sa vie, Valentin Brunella, Vuibert, 2020.