Nous sommes chacun entrepreneur de notre vie
Jouer son rôle sans jouer un rôle. Voici un exercice que réussit à la perfection Frédéric Mazzella, le fondateur de BlaBlaCar, lorsqu’il répond aux questions de Laure Claire et Benoît Reiller. Il en ressort Mission BlaBlaCar, un livre inspirant sur l’entrepreneuriat et le rôle que pourrait bien jouer une génération montante aux valeurs fortes et responsables, qui imagine sans doute déjà de futures licornes, lors de déplacements en covoiturage. Interview de l’entrepreneur français le plus en vue de ces dix dernières années, sous le regard bienveillant de son chat Carbone.
Bonjour Frédéric, pourquoi avoir écrit ce livre… maintenant ?
Frédéric Mazzella : J’ai écrit le livre que j’aurais voulu avoir entre les mains quand j’ai lancé BlaBlaCar ! Je reçois depuis des années beaucoup de messages d’entrepreneurs qui veulent juste “prendre un café avec moi” pour parler des problèmes qu’ils rencontrent, et profiter de mon expérience. Si au début j’ai pris un nombre incalculable de cafés, j’ai ensuite établi une grande liste de questions/réponses et fait des sessions trimestrielles avec quelques dizaines d’entrepreneurs réunis ensemble, puis j’ai enregistré l’année dernière une masterclass entrepreneuriat avec Mentorshow. Vu que le nombre de sollicitations continuait à augmenter, je me suis dit que la meilleure manière de répondre à la demande serait de placer tous mes conseils et astuces dans un livre. La vraie révolution c’est Gutenberg… Cela dit je ne suis pas certain d’avoir réussi mon coup car depuis la publication du livre le nombre de demandes de cafés n’a pas baissé, il a plutôt au contraire augmenté, et maintenant les entrepreneurs qui me contactent me disent “merci pour votre livre, pourrait-on se voir” ! (rires)
J’ai travaillé sur la rédaction du livre avec deux co-auteurs experts des plateformes, Laure-Claire Reillier et Benoît Reillier. Nous voulions mettre en lumière que la création d’une entreprise ne repose pas seulement sur “la bonne idée au bon moment”. Il y a beaucoup de défis auxquels sont confrontés les entrepreneurs, ce livre leur montre qu’ils ne sont pas seuls, et qu’il existe des méthodes pour y répondre. J’espère que les conseils dans le livre les inspireront ou les aideront à relever les challenges entrepreneuriaux auxquels ils sont confrontés.
Quant au “maintenant” dans votre question… En réalité, cela fait deux ans que nous travaillons sur ce livre, entre la réflexion et l’écriture. Et le livre a mûri pendant un certain temps avant cela. Pendant deux ans, j’ai pris en note chaque question que me posaient les entrepreneurs que je croisais (je rencontre beaucoup d’entrepreneurs de part ma fonction de Co-président Entrepreneur de France Digitale) et j’écrivais également les réponses que le cas BlaBlaCar pouvait y apporter. L’entrepreneuriat s’est considérablement développé ces dernières années, et aujourd’hui presque la moitié des jeunes en dessous de 30 ans ont envie de créer leur propre entreprise ! Même si mon expérience et celle de BlaBlaCar ne sont pas LA solution aux défis et paliers de la vie d’une startup, c’est du moins l’une des solutions.
Une page de votre livre, ou un passage, qui vous représente le mieux ?
Frédéric Mazzella : Je dirais : “Ne cherchez pas d’ascenseur, il n’y en a pas : les entrepreneurs prennent toujours l’escalier !”. Je crois que cette phrase permet de démystifier l’entrepreneuriat, ce qui est un des objectifs de notre livre. En effet, elle symbolise à la fois le pragmatisme et la simplicité de l’entrepreneuriat : il n’y a pas de mystère, pas de formule magique, pour monter on prend un escalier. Et l’effort que cela représente : il n’y a pas de recette miracle, pas d’ascenseur qui permettrait d’échapper à l’effort.
Les tendances qui émergent à peine et auxquelles vous croyez le plus ?
Frédéric Mazzella : Très clairement l’impact, même si cette notion peut sembler floue à certains. Aux Etats-Unis, les fonds d’investissement impact fleurissent partout, ils réalisent bien qu’il faut agir. Avec ce positionnement, il y a un intérêt stratégique à anticiper ce problème évident qui permet d’acquérir de la souveraineté stratégique et économique. En Europe, nous sommes bien positionnés et il y a beaucoup de cartes à jouer. Il semblerait même que ce soit dans l’ADN de la FrenchTech en observant le nombre de plateformes françaises ou européennes qui deviennent leader mondiaux de leur secteur : à côté de BlaBlaCar, on trouve Back Market, Too good to Go ou encore Vestiaire collective et Ynsect.
Si vous deviez donner un seul conseil à un lecteur de cet article, quel serait-il ?
Frédéric Mazzella : Si je devais donner un seul conseil à tous ceux qui veulent entreprendre, ce serait de bien s’associer dès le départ, de partir avec des personnes avec qui on va s’entendre pendant très longtemps et très bien. Et qui sont complémentaires aussi, il ne faut pas prendre les mêmes que nous, des gens qui nous ressemblent trop.
Je suis très fier de la culture d’entreprise que l’on a réussi à créer chez BlaBlaCar : les personnes phénoménales qui y travaillent aujourd’hui ont l’envie et la passion pour que ça fonctionne. L’entraide entre les équipes est forte, et la culture est extrêmement bienveillante avec une volonté d’apprentissage, de soin et d’empathie pour chacun d’entre nous.
En un mot, quels sont les prochains sujets qui vous passionneront ?
Frédéric Mazzella : Tout ce qui a un réel impact environnemental et sociétal, et qui répond aux nombreux enjeux actuels. Quand on regarde les courbes de l’évolution du climat, n’importe qui comprend bien que l’on amplifie le problème, et que continuer en faisant la même chose n’est pas une solution. Le rôle des entrepreneurs est d’anticiper, d’innover, de trouver comment faire autrement. Je suis convaincu que la tech sera l’une des clés pour trouver ces solutions, mais ce ne sera pas la seule, car “autrement” peut tout aussi bien vouloir dire faire mieux que aussi faire moins, dans une société qui clairement, surconsomme.
Le livre : Mission BlaBlaCar, Frédéric Mazzella, Laure Claire et Benoît Reiller, Eyrolles, 2022