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Notre cerveau, ce si précieux collègue de travail

Le cerveau humain est de mieux en mieux connu. Les nombreuses avancées récentes de la neuroscience permettent désormais de mieux le comprendre et peuvent être mises à profit au travail. Une synthèse complète, pratique et exploitable manquait. Une entreprise colossale à laquelle s’est malgré tout attelé Bernard Anselem, armé de son cerveau, pour l’écriture de son livre Les talents cachés de notre cerveau au travail.

 

Bonjour Bernard Anselem, pourquoi avoir écrit ce livre… maintenant ?

 

Il existe de nombreux livres brillants traitant du management et par ailleurs autant de livres passionnants abordant scientifiquement les progrès en psycho comportementale et en neurosciences cognitives. Mais à ma connaissance, on trouve peu d’ouvrage faisant la synthèse entre ces connaissances et les applications pratiques au travail. Des avancées utiles sont apparues dans les domaines de la régulation émotionnelle, de la prise de décision, de l’adaptation au stress et au changement, de la motivation et engagement, de la culture de relations sociales de qualité et de l’organisation collective. C’est ce que nous avons voulu réunir dans cet ouvrage avec une volonté de lecture facile, accessible à tous et d’orientation vers des applications concrètes.

 

Une page de votre livre, ou un passage, qui vous représente le mieux ?

 

« Une forêt qui pousse fait moins de bruit qu’un arbre qui tombe. Il n’est pas toujours possible d’éviter les arbres qui tombent car nous avons naturellement tendance à nous inquiéter de ce qui ne va pas, mais nous avons du pouvoir pour faire pousser notre forêt neuronale et développer ainsi de nouveaux comportements, qui seront bénéfiques pour tous. Toutes nos pensées et nos actions découlent du bon développement des arborescences de notre cerveau. Faire pousser nos neurones s’avère non seulement épanouissant, mais très efficace pour progresser personnellement et collectivement. Il est établi que le plaisir, la motivation ou encore la curiosité favorisent cette croissance neuronale et renforcent ainsi nos aptitudes, et ce tout au long de notre vie et jusqu’à notre mort ».

 

Connaître son corps pour mieux avancer !

 

Les sportifs de haut niveau doivent connaître leurs capacités physiques pour espérer gagner. Tout navigateur doit maîtriser la technicité de son voilier pour en tirer le meilleur. Alors pourquoi prendre le risque de dériver en nous laissant mener passivement par notre cerveau ? Comment espérer cultiver la relation à soi et aux autres si nous ne comprenons pas déjà nos propres modes de fonctionnement ?

Nous avons l’énorme chance de vivre une révolution de la connaissance : des ponts se construisent sous nos yeux entre les mondes du corps et ceux de l’esprit. Les psychologies scientifiques et les neurosciences ont progressé comme jamais ces dernières années. En deux décennies elles ont investi l’ensemble de nos activités. Elles nous guident pour créer un environnement favorable à l’épanouissement de nos nombreuses aptitudes humaines. Leur éclairage nous permet de mieux comprendre les forces qui animent notre cerveau, ainsi que nos automatismes avec leurs avantages et leurs pièges.

Les sciences cognitives étudient les grandes fonctions cérébrales telles que les perceptions sensorielles, l’attention, les émotions, la motivation, la prise de décision, la mémorisation, les mécanismes de raisonnement ou le lien social, entre autres. Leur exploration nous permet de définir progressivement les conditions optimales d’épanouissement de nos capacités mentales et nous aide à utiliser plus finement notre cerveau, sans perdre de temps ou d’énergie. Mais pour cela, nous devons connaître le potentiel et les limites de ce cerveau pour mieux anticiper les épreuves, faire de meilleurs choix, collaborer plus efficacement avec notre entourage ou vivre le changement plus sereinement

Les liens entre les disciplines de neurologie, de psychologie expérimentale, de sciences de l’éducation, d’économie, de sociologie ou encore de leadership nous permettent d’aborder concrètement des domaines aussi impalpables et subjectifs que la prise de décision complexe, l’intelligence émotionnelle, la relation à l’autre ou la créativité.

En somme, connaître les rouages de notre cerveau nous permet de cultiver les conditions optimales pour obtenir le meilleur de nous-mêmes. Ces savoirs renforcent nos capacités à affronter les difficultés de la vie, ils nous apportent une vision plus sereine et plus de détermination pour les actions à entreprendre.

Mieux connaître son cerveau a donc surtout un aspect pratique ! Cela améliore la performance au travail, les choix stratégiques et même notre bonheur au quotidien, en agissant sur des éléments aussi variés que :

  • notre efficacité au travail : en nous donnant les moyens de mieux utiliser notre potentiel, de savoir sur quels leviers agir et surtout comment agir ;
  • nos décisions : en nous rendant capables de sélectionner les informations primordiales dans des environnements complexes, voire stressants ;
  • notre intelligence émotionnelle : en nous permettant de trouver en nous les motivations pour être plus entreprenant, plus endurant, plus résistant aux difficultés ou au surmenage et mettre à distance nos pensées toxiques pour développer des relations humaines de qualité ;
  • notre flexibilité mentale : en développant notre capacité au changement, en levant les freins de nos croyances limitantes, ces convictions inadaptées qui font que l’on se limite soi-même dans son champ d’action ;
  • nos relations aux autres : en améliorant la compréhension de leurs réactions, en cultivant une meilleure écoute.

Les tendances qui émergent à peine et auxquelles vous croyez le plus ?

Il me semble que les sciences de la motivation vont permettre de mieux comprendre comment favoriser un travail plus satisfaisant, plus épanouissant et plus efficace pour tous. L’état d’esprit de progression (growth mindset) change beaucoup de choses.  Il existe déjà beaucoup de travaux de psychologie expérimentale sur ces sujets, Les progrès en psycho scientifique sont impressionnants, mais le terme « psychologie » reste encore connoté négativement dans les esprits de nombreux décideurs. Les avancées en neurosciences cognitives vont montrer que ces résultats psychologiques reposent sur des substrats neurologiques incontournables et donnent ainsi un pouvoir de conviction supplémentaire à toutes ces études. Leurs conclusions sont déjà intégrées dans certaines entreprises privilégiées, mais restent encore mal connues de la plupart.

 

Si vous deviez donner un seul conseil à un lecteur de cet article, quel serait-il ?

 

Nous avons beaucoup plus de pouvoir sur notre cerveau que nous le pensons, à condition de savoir activer les bons leviers et de savoir comment mobiliser durablement son énergie sans lassitude.

Avant de tenir à diffuser ces connaissances comportementales, je les ai appliquées à moi-même : ce qui a changé ma vie est l’acceptation des ressentis émotionnels désagréables mais utiles et incontournables, et la mise en place de stratégies basées sur une motivation par la joie et le plaisir. Mais entendons-nous bien, pas forcément le plaisir immédiat et matériel : le plaisir de progresser, apprendre, tisser des liens et gagner en autonomie. Progresser pas à pas, tous les jours, sans se comparer aux autres, ni se juger négativement, s’accepter avec ses imperfections et ses potentiels, accepter l’autre avec ses imperfections et ses talents propres, accepter les événements sur lesquels nous n’avons pas de prise et se concentrer sur les solutions, les défis et la réalisation de soi par mille moyens différents. L’avantage de ces motivations internes c’est qu’elles ne dépendent que de nous, pas des circonstances ni des autres, qu’elles ne s’usent pas car elles sont renouvelables chaque jour, et qu’elles sont adaptée à notre singularité puisqu’elles correspondent à nos besoins profonds.

 

En un mot, quels sont les prochains sujets qui vous passionneront ?

 

Mon projet est de créer toujours plus de ponts entre les connaissances académiques fascinantes et foisonnantes mais réservées à une élite et le monde du travail en attente de solutions concrètes pour plus d’épanouissement, moins de pression et plus d’efficacité personnelle. Apprendre aux gens à retrouver leur espace de liberté, « Entre les événements et notre comportement, existe un espace. Cet espace est notre pouvoir de choisir. C’est là que se situe notre liberté ». Viktor Frankl

Le chantier est immense, le cerveau humain est la structure la plus complexe actuellement connue dans l’univers mais il est cependant possible de faire bouger les lignes, de s’améliorer individuellement et collectivement, pas à pas. La prise de décision, la gestion de crise, la gestion du stress, la régulation des émotions, les motivations durables, l’apprentissage et le lien relationnel sont pour moi autant de sources de progressions. L’interface homme/machine et l’IA sont également des perspectives de progrès incroyables, à encadrer bien entendu pour éviter les dérives. Les recherches bouillonnantes tant en psychologie qu’en neurosciences cognitives autorisent de nombreux espoirs.

 

Merci Bernard

Merci Bertrand

Le livre : Les talents cachés de votre cerveau au travail, Bernard Anselem, Emmanuelle Joseph-Dailly, Eyrolles, 2019


Propos recueillis par Bertrand Jouvenot | Conseiller | Auteur | Speaker | Enseignant | Blogueur