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Même le produit le mieux conçu au monde peut faire un flop

S’inspirant des géants de la Silicon Valley (Apple, Netflix, Microsoft et Salesforce), l’auteure de LOVED nous montre le chemin d’une politique produit inspirante et innovante grâce à quatre fondamentaux faciles à retenir : ambassadeur – stratège – storyteller – évangéliste. Martina Lauchengco nous livre les « recettes » des marques qui ont fait leurs preuves : raconter, avant même le lancement d’un produit, une histoire que le consommateur s’approprie pour prêcher la bonne parole et « recruter » des ambassadeurs(drices) de la marque. Interview.

 

Bonjour Martina Lauchengco, pourquoi avoir écrit ce livre… maintenant ?

Martina Lauchengco : J’ai constaté que le marketing produit était souvent confondu avec ses résultats (lancements, documentation produit, aide à la vente) plutôt qu’avec son objectif principal : favoriser l’adoption du produit en façonnant la perception du marché par le biais d’activités de marketing stratégique qui répondent aux objectifs commerciaux. Je voulais que les gens comprennent à quoi ressemblait la collaboration entre le responsable du marketing produit, les chefs de produit et les équipes de mise sur le marché (marketing et ventes).

Dans le domaine du marketing technologique, le marketing produit est à la base d’un go-to-market produit réussi. Il n’est pas nécessaire que quelqu’un occupe ce rôle pour que le marketing de produit ait lieu. J’ai écrit ce livre pour tous ceux qui essaient d’apporter une forte connaissance du marché et des clients à la façon dont ils mettent leurs produits sur le marché.

Avec plus de 5,5 millions d’applications, des dizaines de milliers de logiciels, et chaque catégorie de logiciels devenant plus encombrée chaque année, cela n’a jamais été aussi essentiel… ou difficile.

 

Un extrait de votre livre qui vous représente le mieux ?

M. L. : Lorsque Blue a franchi ma porte, j’ai su que ça ne pouvait pas être bon. La seule autre fois où le directeur de l’unité commerciale Word s’est assis dans mon bureau, c’était à l’époque où il faisait sa tournée pour apprendre à vous connaître. Il est allé droit au but.

« Je viens de recevoir un e-mail de Bill Gates. Il disait : ‘Word pour Mac fait baisser le cours de l’action Microsoft. Répare-le.’ Donc, je suis ici pour demander, que faisons-nous ? »

J’étais un jeune chef de produit pour Word pour le Mac, et c’était la première fois qu’on me confiait un produit majeur. Quelques mois plus tôt, la toute dernière version de Word pour Windows était sortie, concrétisant un plan stratégique qui avait été élaboré pendant des années. Jusque-là, les versions Windows et Mac avaient des bases de code, des fonctionnalités et des cycles de sortie différents. Cette nouvelle version utilisait une base de code unique pour les deux, ce qui signifie que pour la première fois, les deux auraient les mêmes fonctionnalités et seraient livrées simultanément.

Mais la version Mac était en retard – très en retard. Chaque jour de retard par rapport à la version Windows était considéré comme un échec public. Nous nous sommes précipités pour terminer le produit, en décidant que ses nouvelles fonctionnalités valaient bien un coup dans les performances du produit.

Les utilisateurs de Mac l’ont DÉTESTÉ. Il était si lent, à leurs yeux, qu’il était à peine utilisable. Et les fonctionnalités plus centrées sur le Mac leur manquaient.

À l’époque, Word et Excel étaient les produits de productivité les plus importants sur le Mac. Apple était une société assiégée, et si Word ne fonctionnait pas bien, la communauté Mac craignait réellement que cela ne sonne le glas d’Apple.

Les groupes de discussion déversaient une haine vitriolique envers Microsoft. Lorsque je postais pour défendre sincèrement nos décisions, ils dirigeaient cette haine vers moi. Je finissais parfois mes journées en larmes, me demandant : « Les gens ne se rendent-ils pas compte que je suis une personne ? »

La seule façon de « régler le problème » était d’améliorer les performances et les fonctionnalités auxquelles les utilisateurs de Mac tenaient le plus. Nous avons publié une mise à jour importante accompagnée d’un bon de réduction et d’une lettre de ma part présentant mes excuses à chaque utilisateur de Mac enregistré.

Ce fut une expérience pleine d’humilité. Mais elle m’a appris une leçon importante : le marché détermine la valeur d’une stratégie. Et même dans une entreprise aussi douée en stratégie que Microsoft, les choses peuvent toujours mal tourner lorsqu’un produit est mis sur le marché.

 

Les tendances qui émergent à peine et auxquelles vous croyez le plus ?

M. L. : Je suis en admiration devant ce qui est désormais possible avec les données, l’apprentissage automatique et l’intelligence artificielle. Je pense que le rythme auquel nous allons assister à des changements dans notre vie quotidienne – téléphone, systèmes domestiques, transports, médecine – va s’accélérer massivement. Je suis à la fois excité et effrayé par les possibilités.

Si vous deviez donner un conseil à un lecteur de cet article, quel serait-il ?

M. L. : Lorsque les gens pensent à « faire du marketing », c’est comme si un interrupteur se déclenchait dans leur tête. Ils commencent à utiliser du jargon. Ils cessent de garder les choses réelles. L’intelligence et la créativité ont toutes leur place, mais lorsqu’il s’agit de faire comprendre à quelqu’un ce qu’un produit technologique peut lui apporter et pourquoi il doit s’y intéresser, la clarté et l’authenticité l’emportent. C’est beaucoup plus difficile à faire qu’il n’y paraît, mais vous n’y arriverez pas en trouvant de grandes idées dans une pièce. Sortez et parlez aux clients. Ils ne vous donneront pas la réponse, mais vos idées ne pourront que s’améliorer grâce à ce processus.

 

En un mot, quels sont les prochains sujets qui vous passionneront ?

M. L. : Je suis toujours passionné par l’idée d’aider le monde à comprendre le marketing produit et comment mieux le faire. J’ai l’impression que cette conversation ne fait que commencer. Mais je suis tout aussi passionnée par le fait de veiller à ce que les produits technologiques soient conçus et commercialisés par les diverses personnes qui les utilisent. Pour cela, nous devons tous faire preuve de plus d’intention et d’inclusion que ce qui est souvent la norme dans le domaine de la technologie.

 

Merci beaucoup Martina Lauchengco

Merci Bertrand Jouvenot

 

Le livre : Les leçons du marketing de la tech: LOVED, Martina Lauchengco, Pearson, 2022