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Les JO pour raviver un mieux vivre ensemble

Dans son livre Equipes gagnantes, Bérenger Briteau fusionne dynamiques collectives et grandes échéances, comme les JO de Paris, pour inspirer un meilleur vivre ensemble. Explorez l’importance du collectif pour l’épanouissement personnel et la performance d’équipe. Interview.

 

Bonjour Bérenger Briteau, pourquoi avoir écrit ce livre… maintenant ?

Bérenger Briteau (B.B.) : Il faut demander au livre ! Au lendemain d’un Premier de l’an 2022 bien triste, je suis sorti de mon lit et je me suis mis à écrire. Sans vraiment savoir pourquoi. Cela faisait plus de 20ans que je travaillais sur le sujet des dynamiques collectives et que je l’enseignais. Il faut croire que le fruit était mûr. Trois mois après, la structure, les histoires et tous les passages clés étaient là. C’est à ce moment que j’ai réalisé que 2024 était l’année des JO à Paris ! J’ai alors tout mis en œuvre pour trouver un éditeur qui soit capable de m’accompagner sur ce projet en si peu de temps. Les évènements symboliques, tels que les JO, sont importants pour marquer la mémoire collective et renforcer ou faire évoluer notre culture. Or, ce qui m’anime particulièrement, c’est de contribuer à faire évoluer notre rapport au collectif. Les JO sont donc une opportunité incroyable de raviver la flamme d’un mieux vivre ensemble ! Peut-être qu’inconsciemment c’est la raison du pourquoi maintenant.

 

Une page de votre livre, ou un passage, qui vous représente le mieux ?

« C’est enfoncer une porte ouverte que de dire que dans notre vie de tous les jours, savoir travailler en équipe est une compétence incontournable pour l’épanouissement individuel et la performance collective. Or, comment nos enfants et nos adolescents apprennent-ils « à vivre et à performer en équipe » ? Comment se forgent nos futurs managers, dirigeants et équipiers de demain ?

  • À l’école ? Où l’on passe 80% du temps assis à écouter et à réciter…
  • Dans nos familles ? Où l’on apprend, dans le meilleur des cas, à « vivre ensemble » mais en aucune façon à « performer ensemble »…
  • Dans la rue ? Où l’on joue entre copains…
  • À l’armée ? À l’église ? Chez les scouts ? Où force et de constaté que ces institutions ne touchent plus beaucoup nos jeunes.
  • Dans les sports collectifs ou autres tissus associatifs ? Où il faut mettre tout son talent au service d’une « cause commune » ?

Il semble donc que les Sports collectifs se taillent la part du lion dans cette histoire.  Or, il n’y a que 10% des jeunes qui pratiquent un sport collectif. Alors la question se pose encore, comment véhicule-t-on « l’esprit d’équipe » à nos enfants ?  Et bien tout simplement, en grande partie, par les histoires qu’ils entendent ou que nous leur racontons. L’une des plus grandes compétences pour vivre et performer ensemble se construit sur des histoires, sur de l’imaginaire collectif.  Et actuellement, les histoires les plus médiatisées au sujet du collectif sont des histoires de sport.

Je travaille depuis plus de 13 ans pour des entreprises diverses et variées, et j’ai ainsi eu la chance de discuter avec des centaines de dirigeants et de managers sur le sujet du sport et du management. Le constat que j’en fais est que les histoires que les gens se racontent sur ce qui fait qu’une équipe performe est majoritairement erronées.  Il y a malheureusement énormément de croyances… et très peu de vécu.

Ainsi, il n’est pas étonnant de constater que 73% des managers de 18-24 ans souffrent du « syndrome de l’imposteur » et 68% pour les 25-34 ans (comme le montre une très large étude réalisée en 2022 par Yougov pour « capital / management »). Or, alors que la performance et le leadership sont souvent associés, leadership et syndrome de l’imposteur font quant à eux rarement bon ménage.  La conséquence en est que beaucoup de managers se « protègent » derrière des « principes » de management qui ne fonctionnent pas si bien que ça (ou parce qu’ils sont dépassés, ou mal assimilés, ou appliqués sans nuance).  Ainsi, pour « garder la face », beaucoup préfèrent se mettre dans une posture d’autoritarisme plutôt que dans une posture d’humilité (souvent associé à de la faiblesse et à de la vulnérabilité), car ils ne veulent pas se « laisser bouffer par l’équipe », et qu’un manager doit être « un Homme/ une Femme forte » qui inspire confiance.  D’autres managers décident de prendre le chemin inverse en recherchant « la paix sociale », en écoutant tout le monde, mais en s’oubliant parfois eux-mêmes et, bien souvent, en oubliant du même coup leur responsabilité décisionnelle et l’autorité inhérente à leur fonction.  Nos organisations souffrent ainsi de manque de Yin, ou de manque de Yang, et peu trouvent l’équilibre de l’autorité et de l’humilité, de l’écoute relationnelle et de la responsabilité décisionnelle.  Mais comment trouver l’équilibre sans expérimentation, comment trouver l’équilibre quand notre rapport à l’équipe repose essentiellement sur des « histoires », des croyances et des représentations souvent dépassées ?

Malheureusement, on constate de plus en plus de mal être au sein des équipes d’entreprise : la charge mentale, la fatigue et les phénomènes de burnout n’ont jamais étaient aussi élevé. Pour autant, il semble que ceci ne soit pas lié au fait que les gens travaillent plus qu’avant car, comme nous le verrons, l’épuisement vient moins d’une surcharge de travail que de sentiments d’incohérence, d’inefficacité, de doute, de solitude et de manque de reconnaissance.

Mais sans parler de mal-être, parlons de performance !  Même si de nombreuses équipes ne vont pas mal, beaucoup admettent tout de même qu’elles fonctionnent assez loin de leur plein potentiel. Demandez donc à vos amis si, au sein de leur équipe « 1+1= 3 » ? Vous verrez alors que presque 100% des réponses seront « non » (« 1+1=3 » symbolisant le fait que plusieurs personnes travaillant harmonieusement ensemble produisent des « qualités émergentes », une intelligence collective qui dépasse la simple addition de leurs talents). Or, c’est pourtant ce fameux « 1+1 = 3 » qui permet à la « petite » France d’être en 2021 la seconde nation mondiale en sport collectif. »

 

Les tendances qui émergent à peine et auxquelles vous croyez le plus ?

B.B. : Je constate la tendance à vouloir donner du sens aux choses, non pas du haut vers le bas, mais du bas vers le haut. Je dirais donc, plus précisément, qu’il y a une demande forte de la base de la pyramide à se sentir utile et relié aux autres. Que ce soit dans le travail ou en dehors. Je crois que nous passons d’une aire où « le groupe » attendez de ses dirigeants qu’ils donnent un sens et une cohérence aux choses, à une aire où « le groupe » n’attend plus. Il va le chercher ! Si l’entreprise sait en donner un… l’aventure sera belle. Sinon, le collaborateur partira dès qu’il trouvera une meilleure opportunité. Je crois au sens et à la cohérence.

Si vous deviez donner un seul conseil à un lecteur de cet article, quel serait-il ?

B.B. : Une dynamique collective est avant tout une question de vision et de stratégie. Non pas une stratégie opérationnelle (qui est bien sûr nécessaire) mais une stratégie concernant le management de la dynamique collective. Si vous laissez le hasard vous porter, et que vous comptez sur « la bonne intelligence » des membres de l’équipe, vous risquez d’être déçu. Non pas que les gens ne soient pas intelligents, mais parce que « l’alchimie collective » est une affaire de Science… Tout comme les meilleurs musiciens du monde ne pourraient jouer ensemble dans un orchestre symphonique sans chef d’orchestre, une dynamique collective a besoin d’un pilote.

 

En un mot, quels sont les prochains sujets qui vous passionneront ?

B.B. : Dans ce livre je pars de l’équipe… puis je reviens régulièrement à l’individu (sans qui l’équipe n’est rien). Dans un prochain livre, je parlerais de l’individu… pour ouvrir au collectif. Les deux chemins sont intéressants et mettent en lumière des choses différentes. L’individu me passionne, mais sans les autres, nous ne serions pas qui nous sommes.

Merci Bérenger Briteau

 

Merci Bertrand Jouvenot

 

Le livre : Equipes gagnantes, Bérenger Briteau, Diateino, 2023