Le marketing redevient stratégique et enthousiasmant

Le marketing durable n’est pas une option. Dans Marketing : l’indispensable transition environnementale et sociétale, Bertrand Espitalier plaide pour une réinvention complète du métier. Un appel clair aux marketeurs, à la croisée de leurs convictions personnelles et de leurs pratiques professionnelles.
Bonjour Bertrand Espitalier, pourquoi avoir écrit ce livre… maintenant ?
Bertrand Espitalier : Ça fait 25 ans que je fais du marketing et de la communication, et ces derniers temps, j’ai rencontré tellement de marketeuses et de marketeurs, de communicantes et de communicants aussi, tiraillés entre d’un côté leurs convictions personnelles, liées à la prise de conscience des enjeux environnementaux et sociétaux, et de l’autre côté leurs obligations liées à leur job dans le marketing.
J’ai une amie, j’espère qu’elle ne m’en voudra pas de raconter ça… Il y a quelques années elle m’a dit “tu sais Bertrand, à titre perso, j’ai fait ma transition : je suis vegan, je ne prends plus l’avion, je ne prends que les transports en commun, etc. En revanche dans mon boulot je fais des emailing pour vendre ton deuxième polo à moins 70%. Je contribue à la société de surconsommation. Ma pratique du marketing n’a pas changé. Et je suis bien malheureuse de ce grand écart.”
C’est un drame pour les gens du marketing : sentir cette société qui évolue, et moi marketeur qui continue, comme avant.
C’est pour ces marketeuses et ces marketeurs que j’ai écrit ce livre. Pour qu’ils prennent conscience que certaines de leurs pratiques font partie du problème, mais qu’ils peuvent faire partie de la solution. Pour qu’ils intègrent le fait qu’après avoir passé des années à faire vendre plus, ils peuvent basculer dans le vendre mieux.
Parce que si on veut que la société réponde aux enjeux environnementaux et sociétaux auxquels nous sommes confrontés, il va falloir changer les comportements, donc transformer les usages et la consommation, basculer sur des offres beaucoup plus durables.
Et qui est-ce qui créent les offres ? Qui est-ce qui les rend désirables ? Qui fait ça de façon massive ?
Ce sont les marketeuses et les marketeurs.
Tous les marketeurs.
L’intention de ce livre, c’est de contribuer à la transition de toutes les marketeuses et tous les marketeurs. C’est de parler de marketing durable et de communication responsable pour tous. Le marketing durable, ça n’est pas la cerise sur le gâteau, ça n’est pas une nouvelle couche de marketing. C’est une réorientation de nos pratiques que chacune et chacun d’entre nous doit s’approprier. Ça doit devenir massif, pour un changement massif.
Je sais que parmi les lecteurs de ton blog, il y a des personnes particulièrement convaincues et avancées. C’est formidable. Néanmoins, elles ne sont pas encore légion, elles ne sont pas la majorité. Les pratiques du marketing durable ne sont pas encore universelles. Et c’est pour ça que j’ai écrit ce livre Marketing, l’indispensable transition environnementale et sociétale. Pour que demain, cette vision du marketing durable soit la base.
Une page de votre livre, ou un passage, qui vous représente le mieux ?
B.E. : Le plus beau rôle des marketeurs
Après avoir connu son heure de gloire entre les années 1950 et 1990, le marketing a perdu de son aura, il a connu des dérives et fait désormais l’objet de nombreuses critiques. Le terme « marketing » est devenu synonyme d’arnaque : C’est du marketing. Pourtant, on vient de le voir, la transition environnementale passe par le mariage de la durabilité et du marketing. En revoyant ses pratiques, en rendant désirables les offres durables, en inspirant une consommation différente, en encourageant la réutilisation, le recyclage et la réparation de produits, le marketing redevient stratégique et enthousiasmant. Il aide les entreprises à réduire leur empreinte environnementale tout en offrant une valeur ajoutée aux consommateurs. Là où on considérait que le marketing faisait partie du problème, il s’avère en fait faire partie de la solution.
Les tendances qui émergent à peine et auxquelles vous croyez le plus ?
B.E. : À l’image de la « permacrise », ce terme décrivant une crise permanente, je pense que nous devons nous préparer à une « permatransformation ». Les professionnels du marketing ont déjà vécu la transformation numérique et vivent actuellement celle de l’IA, parallèlement à la transition environnementale et sociétale. Nous évoluons dans un monde VUCA (volatilité, incertitude, complexité et ambiguïté). Nous ne sommes pas au bout de nos surprises et la transformation devient une vraie tendance de fond. D’où cette idée de “permatransformation”. L’adaptation et la résilience deviennent donc essentielles pour les marketeurs.
Si vous deviez donner un seul conseil à un lecteur de cet article, quel serait-il ?
B.E. : Mon conseil est de prendre conscience de votre immense pouvoir d’influence sur les comportements et les usages. Utilisez ce pouvoir pour servir non seulement votre entreprise, mais aussi les femmes et les hommes, et la planète. Créez de la valeur étendue en adoptant de nouveaux indicateurs, pas uniquement financiers, mais aussi sociaux et environnementaux. Par exemple, la marque « C’est Qui Le Patron ?! » utilise des indicateurs comme le nombre de familles de producteurs soutenus ou le taux de fierté de leurs fournisseurs, renforçant ainsi sa proposition de valeur.
En un mot, quels sont les prochains sujets qui vous passionneront ?
B.E. : Un des sujets qui m’intéresse et sur lequel je vais peut-être me pencher, c’est l’usage responsable de l’IA générative dans le cadre des pratiques marketing. Le numérique a déjà une empreinte environnementale très forte, mais les marketeuses et les marketeurs doivent prendre conscience qu’une requête sur une IA générative a en moyenne une empreinte carbone cinq fois plus importante qu’une requête Google. Pourtant le recours à ces outils est devenu un réflexe pour certains, qui y font appel de façon massive. J’en parle dans le livre. Mais j’aimerais aller plus loin sur le sujet, notamment en interrogeant les conséquences sur la créativité, sur l’esprit critique et sur notre capacité de discernement.
Merci Bertrand Espitalier
Merci Bertrand Jouvenot