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Le «lu/vu sur les réseaux sociaux » a remplacé le «vu à la TV»

Le pouvoir que l’on acquière grâce aux réseaux sociaux, en tant qu’individu ou que marque, implique des droits et il y a des devoirs. C’est le fil conducteur que suit Philippe Deliege dans son livre Devenir une #MarqueTotem. Interview d’un auteur atypique.

Bonjour Philippe Deliege, pourquoi avoir écrit ce livre… maintenant ?

Philippe Deliege : Mes livres – de manière sous-jacente – sont toujours des coups de gueule. Ma lutte actuelle, c’est de se battre contre les phrases toute faites ou des récitations par cœur de listes à puces sans savoir et comprendre pourquoi ces différentes phrases ou synthèses sont fortes. Par exemple, Il suffirait d’être authentique pour être bon patron et/ou excellent commercial. Ah bon, depuis quand ?  Cette dérive vers cette recherche d’authenticité, je la ‘dézingue’ lors des premières pages de mon quatrième livre en relatant la trame romanesque d’un des romans de Marcel Pagnol.

«…pour être bon commercial et/ou excellent patron, il suffit d’être authentique. Ah bon ! Ça me rappelle Ugolin Soubeyran et son oncle César qui s’inquiétèrent de constater que leur rival, Jean de Florette, se mit à semer de l’authentique afin de réussir sa vie de paysan avec cette prétendue plante, d’anéantir ainsi, chez les deux Soubeyran, le désir farouche de racheter sa terre (Les Romarins) à vil prix. Néanmoins, leurs craintes s’estompèrent vite car la compétence première de Jean de Florette fut, avant tout, celle d’être comptable, pas celle d’être éleveur-agriculteur, aussi cultivé soit-il en matière agricole. La suite du roman de Marcel Pagnol nous démontra, magistralement, que croire aux vertus des connaissances livresques n’est jamais suffisant. Il est plutôt préférable de disposer d’expériences de terrain ainsi que des conseils des anciens qui connaissent, eux, les aléas de la vie rurale — qui est toujours moins linéaire que celle relatée dans les ouvrages (aussi bons soient-ils) et/ou telle que racontée par certains prestidigitateurs de l’art oratoire. » 

Autre énervement de ma part, le manque de mode d’emploi réel pour créer une marque personnelle (#PersonalBranding) forte + Un manque d’exploitation des leçons des plus belles réussites marketing.

Mon bouquin est donc une invitation à suivre les meilleurs praticiens du marketing, d’éviter de réinventer la roue, de mettre en œuvre ce qui fonctionne le mieux quand nous désirons se démarquer de nos pairs via le marketing de soi. Dont la forme la plus aboutie consiste à être devenu un véritable référent ou phare de son secteur d’activité.

En d’autres mots, une redoutable #MarqueTotem qui va imposer le ‘la’ de ce qu’il convient d’acheter. Tout simplement parce que, sur les réseaux sociaux et dans la vie réelle, gravitera autour d’elle : ses clients, ses futurs clients, ses fournisseurs, ses partenaires ainsi que ses compétiteurs qui deviendront alors des perroquets ce que raconte la #MarqueTotem Renforçant par état de fait le statut de leader de la #MarqueTotem

Une page de votre livre, ou un passage, qui vous représente le mieux

Philippe Deliege : Mon livre se termine par du lourd. C’est-à-dire par des conseils donnés aux CEO qui me liront. Cependant, mon livre commence de manière assez badine. Ce qui me ressemble assez, tant je suis souvent considéré comme le clown de service. M’amusant alors à définir un certain nombre de comportements qui m’exaspèrent via un pré-lexique.

«Riri, Fifi et Loulou font du marketing : expression permettant de synthétiser ce que pense l’auteur des jeunes pousses du marketing digital qui sont convaincus que leurs différents jobs consistent à tout mesurer, compter le nombre de vues obtenues sur les réseaux sociaux (le trop fameux reach). Par exemple, quand on change la couleur du logo, ou lorsque l’on insère des expressions LOL dans les textes, ou des smileys comiques. A ce niveau, dommage que les Riri, Fifi et Loulou font du marketing ne mesurent jamais l’impact négatif quand ils se mettent à tutoyer les futurs clients dès le premier contact. Tu vois ? Pardon, vous voyez OK boomer : cette dénomination est employée de manière péjorative pour balayer, contrecarrer, ou tourner en dérision des jugements perçus comme mesquins, dépassés ou condescendants, et émis part des baby-boomers. C’est-à-dire des personnes nées pendant la période dite du baby-boom. Selon la théorie générationnelle Strauss-Howe, cette génération comprend les personnes nées entre 1943 et 1960 (source : Wikipédia). L’auteur, pourtant né en 66, est, maintes fois, catalogué comme parmi les OK boomers car opposant acerbe des pratiques des Riri, Fifi et Loulou font du marketing. Du coup, autant le savoir. L’auteur a choisi son camp. Du coup. Tante Ursule et cousin Jacky : cette expression permet d’illustrer la nouvelle réalité de nos années 10 et 20 dont la spécificité est d’avoir accès à l’ensemble des informations. Désormais, tout le monde pense avoir un avis pertinent sur tout et/ou connaître dans son réseau quelqu’un qui détient la vérité. Cet ultracrépidarianisme touche tous les métiers. Encore davantage le secteur des réseaux sociaux, puisque tout un chacun a activé au moins un compte social sur l’une des plateformes sociales, s’estime titulaire d’une réelle expertise et s’en vante. Par voie de conséquence, du coup, l’auteur est parfois très irrité par ce que Proust appelait les savants de la veille. Afin d’éviter la reprise de cet éculé cliché, l’auteur préfère les nommer tante Ursule et cousin Jacky. Du coup : le pré-OK boomer Philippe Deliège est, de temps à autre, dans ce livre, victime de la pandémie du DU COUP — lancée par la génération à laquelle appartiennent les Riri, Fifi et Loulou font du marketing — qui remplace « par voie de conséquence », ou « donc », ou « par conséquent », ou « or », ou « dès que », ou « conséquemment », ou « à partir de là », ou « dès lors » ou « dorénavant », ou « désormais », ainsi que bien d’autres expressions qui expriment la notion de causalité. Du coup, reconnaissons-le, avec la dynastie générationnelle des Riri,Fifi et Loulou font du marketing tout devient très simple. Du coup. Car oui, « du coup » peut également remplacer le point final ou une virgule. Du coup, il semblerait que tante Ursule et, du coup, au surplus cousin Jacky ».?

Enfin, plus sérieusement, ce dont je suis le plus fier dans ce livre. C’est qu’il soit ‘bouclé’ à deux niveaux. D’une part, j’indique au début que je lutte contre les Riri, Fifi et Loulou du marketing, et à la fin j’indique comment j’arrive à le faire percevoir à tous par la rhétorique – Why ? How ? What ? – inventée par Simon Sinek. D’autre part, le premier chapitre relatif aux dix droits et devoirs du Personal Branding relate un résultat – une accélération exponentielle de la notoriété – qui est la conséquence du 10ième droit et devoir du Personal Branding. Je réalise donc ces deux loopings en parallèle.

Cerise sur le gâteau, il y a aussi une troisième boucle car j’explique que Simon Sinek représente un point de bascule. Avant, il fallait observer les marques ‘classiques’ et ceux qui en prennent soin (les responsables marketing) alors que maintenant certaines marques ‘humaines’ donnent le ‘la’ à tout le marketing. Il y a donc là un total renversement de paradigme.

Enfin, autre fierté, c’est de conclure en conscientisant les patrons qu’il y a une nouvelle manière de conquérir la planète entière. Et qu’il est préférable de s’orienter vers une croissance horizontale que verticale.

« Qui plus est, sans vouloir divulgâcher (spoiler) les conclusions de ce livre, il semblerait que l’utilisation des marques totem, en plus d’améliorer les anciennes stratégies, donne naissance à un nouveau modèle économique dans le domaine du service. Modèle permettant à certains acteurs de croître de façon horizontale plutôt que verticale. Par exemple, au niveau des agences de communication, nous pouvons constater que certaines d’entre elles renoncent à se présenter comme étant des entités 360° — qui pourraient tout prendre en charge de la création de la carte de visite jusqu’à l’e-commerce et le développement d’appli (croissance verticale) — et optent plutôt pour une stratégie de niche, avec des services « standardisés » qu’elles désirent écouler mondialement (croissance horizontale). Ceux-là bénéficiant alors d’importantes économies d’échelles. Ainsi qu’une avance considérable sur la concurrence, tant ils sont compétitifs. D’autant que leurs niveaux qualitatifs dépassent l’entendement et prouvent que « standardiser » ne veut pas nécessairement dire qu’il faille s’orienter vers la vente de solutions bas de gamme et/ou low cost. »

Les tendances qui émergent à peine et auxquelles vous croyez le plus ?

Philippe Deliege : Ce n’est plus une tendance d’affirmer que nous vivons tous dans monde oral basé sur l’écrit. C’est devenu une réalité. Dans mon livre, je le rappelle.

« D’un autre côté, tout aussi étrange que cela puisse paraître — je suis d’ailleurs, maintes fois, contesté lorsque je l’affirme —, les jeunes, qui sont nés avec et/ou dans les réseaux sociaux et/ou grâce à eux, en cas de panne de FACEBOOK J smiley positif — maîtrisent mieux ce Nouveau Monde oral basé sur l’écrit. L’ensemble des OK Boomers l’admettent volontiers, avec notre Smartphone nous écrivons plus que nous parlons. Quant aux jeunes, jamais ils ne téléphonent. Or, ils sont viscéralement enchaînés à leurs téléphones portables. Pas moins, en tout cas, que les OK Boomers. Du coup, les nouvelles générations, elles, savent écrire et structurer un texte court. Cependant, lorsque plus long, elles rament mode grave. Elles sont peu armées pour aller au-delà de trois bullets points. Cela se remarque d’ailleurs au niveau de leur oralité. La formule « du coup » viendrait d’ailleurs, peut-être, de là. Du coup. En clair, anciennes et nouvelles générations — en tout cas ceux qui ambitionnent d’user de leur personal branding ou d’obtenir le statut de marque totem — doivent, désormais, s’inscrire à des cours ou des ateliers d’écritures. »   

Si vous deviez donner un seul conseil à un lecteur de cet article, quel serait-il ?

Philippe Deliege : Je vais donner le même conseil que celui qui apparait à la fin de mon livre : Devenir une #MarqueTotem | Droits et devoirs du personal branding.

« Rappelons, une dernière fois, que le personal branding et son apogée — la marque totem — sont des instruments qui permettent d’augmenter les ventes et/ou de les réaliser promptement et/ou avec une meilleure efficience. Encore mieux si ces marques humaines fortes sont adoubées à une véritable stratégie commerciale construite autour de leur notoriété. Avec le bémol que la bataille de l’attention, sur les différents réseaux sociaux, augmentera sans cesse, demandera de plus en plus de temps et/ou d’organisation et/ou d’argent pour la gagner — même si les supports d’expression resteront en grande partie gratuits. Avec pour conséquence que les meilleures places seront rares. Maximum trois à cinq marques totem par secteur d’activité. Avec le contre bémol que le nombre de ces mêmes secteurs est quasi infini — rappelons-nous, par exemple, du nombre affolant de disciplines différentes qui s’abritent sous l’appellation « marketing ». Si bien qu’il y a beaucoup de podiums disponibles. Avec le deuxième contre bémol que, grâce à la pandémie COVID, tout cadre, tout acheteur est, désormais, initié aux principes de la téléconférence. Dorénavant, il est possible d’élargir les zones de chalandise à toute la planète. Surtout s’il s’agit de répondre à l’anéantissement d’une problématique ou douleur universelle. Avec le troisième contre bémol que les réseaux sociaux, monde sans frontières, autorisent à s’offrir des marques totem de renommées internationales. Ainsi, viser une croissance mondiale est peut-être la seule vraie échappatoire pour amortir la croissance des coûts liés à la bagarre de l’attention. À partir de là, à quoi bon freiner son ambition et attendre ? Tarder à créer vos marques totem, ce n’est pas renoncer à la conquête de l’Ouest, mais bien à celle de la planète. D’où mon envie de vous suggérer de vous orienter vers un mode de croissance horizontal plutôt que vertical. »

Donc en une expression : dépêchez-vous !

En un mot, quels sont les prochains sujets qui vous passionneront ?

Philippe Deliege : Au risque de me répéter, ce qui me passionne, c’est l’émergence d’un monde oral basé sur l’écrit et de ses conséquences en termes d’apprentissage.

Nous les OK Boomer ou pre-OK BOOMER nous avons dû retenir les choses et souvent avoir eu l’obligation de les étudier par cœur afin d’évoluer, obtenir un diplôme ou même gérer notre vie privée. Par exemple, je me souviens encore du numéro de téléphone de ma première petite amie séduite en 83. Alors qu’actuellement, je ne connais même pas un seul chiffre de celui de ma douce actuelle. Le monde a changé. Pareillement, je vous invite à tester un jeune serveur ou jeune serveuse sur une terrasse de café. En lui commandant un café, un croissant avec un peu de beurre. Et puis juste après « ah oui, avec du beurre salé ». En général, il ou elle va revenir – « Donc vous vouliez un croissant et quoi encore ? » – tant votre seconde commande les auras ‘perturbés’ dans leur processus de captation de l’info car, tout simplement, ils n’ont jamais eu besoin de retenir pendant toute leur vie. Toutes les infos dont ils ont eu besoins ont toujours été disponibles via leur Smarphone. Ce n’est pas un jugement de valeur, juste un constat.

A l’instant ‘t’, on voit, déjà, cette nouvelle génération qui agit autrement que nous. Parce qu’elle a appris autrement (sans avoir besoin de retenir), et est plus à même de faire des recoupements car leurs cerveaux ne se fatiguent jamais à mémoriser. Selon moi, l’émergence des startups vient aussi de là. Les jeunes voient plus vite des liens entre des choses éloignées et qui, en fait, ne le sont pas trop. Juste que nous, nous n’avions pas eu la créativité de voir cette cohérence potentielle. Nos neurones étant trop usés, par la mémorisation, pour l’entrevoir.

La prochaine étape, le plus grand gouffre, en termes de créativité sera effectué par celui des bébés actuels qui n’auront jamais rien à mémoriser ET qui vont être éduqués par des personnes n’ayant eu besoin de retenir de toutes leurs vies. Et ce à l’inverse de leurs propres parents qui avaient dû mémoriser beaucoup d’éléments pour s’en sortir dans leurs différentes vies pro et perso.

Nous sommes donc à l’aurore de l’émergence d’un monde hyper créatif. La meilleure des bonnes nouvelles. J’aimerais être écrire sur ce sujet et surtout avoir le temps de le vivre car il me faudra attendre que ces jeunes bébés deviennent ados.

Autre élément – ce qui me permettra de terminer par le propos de mon livre : Devenir une #MarqueTotem | Droits et devoirs du personal branding. Pour la jeunesse actuelle, une marque qui est obligée de payer pour s’exprimer n’est jamais une marque forte. Pire, pour ces jeunes, c’est déjà une marque morte. Pour eux les marques fortes sont celles qui sont porteurs d’un message fort. Si fort qu’il se viralise tout seul sans avoir à payer pour être entendu et surtout écouté. Mais là je n’écrirai plus un livre. Je l’ai déjà écrit. Il existe désormais 🙂

 

Merci Philippe Deliege

Merci Bertrand Jouvenot

 

Le livre : Devenir une #MarqueTotem: Droits et devoirs du personal branding, Philippe Deliege, Jean-Denis Garo (Illustrations), Loïc Pallage (Illustrations), 2022.