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L’arbre du bien-être : quand le management devient source d’épanouissement

Dans un monde professionnel en mutation, Michel Jonqueres propose une méthode concrète pour cultiver le bien-être individuel en entreprise, sans sacrifier la performance. Une réflexion essentielle pour les dirigeants et les équipes. Interview de l’auteur de « Bien-être individuel en entreprise » (AFNOR).

 

Bonjour Michel Jonqueres, pourquoi avoir écrit ce livre, maintennant ?

Michel Jonqueres : J’ai écrit ce livre, issu de ma thèse de doctorat en science de l’Education , soutenue  le 30 mars 2023, sur le thème de “Manager, malgré les contraintes, le bien être individuel en entreprise “, car mon mémoire de thèse, représentant 400 pages , est trop long pour être lu par les personnes intéressées par le sujet. J’ai donc décidé de publier un livre “grand public” de moins de 200 pages plus facile d’approche.
Pourquoi cette thèse?
J’ai été ,pendant toute ma carrière d’ingénieur, et des le début, en tant que directeur de fabrication et très rapidement directeur général de filiales d’un groupe français ( Hutchinson / Totalenergie), responsable de  diriger  de multiples personnes de toutes cultures et de toutes origines dans plusieurs pays ( Afrique du Sud, Italie, France). J’ai toujours pensé qu’il était plus facile de réussir et d’atteindre  les objectifs entrepreneuriaux avec des collaborateurs “bien” dans leurs emplois.
Plus facile et plus agréable!
Pendant mes quatre décennies de responsabilités directoriales  , je mettais en place des actions afin que cela ( avoir des collaborateurs bien dans leurs emplois) soit une réalité dans les différentes entreprises que je dirigeais , mais sans avoir vraiment le temps d’analyser si ma façon d’agir étais bonne ou non, sauf de constater  que mes salariés n’étaient pas trop mécontents et les résultats de croissance et de rentabilité acceptables . Maintenant à la retraite,  et après avoir présidé pendant près de 20 ans une Association de centaines d’entreprises , je décidai de prendre du recul pour analyser scientifiquement si les actions que je prenais étaient les bonnes et surtout s’il était possible d’établir une  méthode , un modèle , pour tenter d’assurer un bien-être individuel en entreprise , quelle qu’elle soit (en incluant dans le mot entreprise tout organisme gérant des personnes) , tout en assurant sa réussite, malgré les nombreuses contraintes qu’elle subit.
Ces contraintes sont bien connues : la concurrence, l’obligation de réaliser un minimum de rentabilité, les cultures et personnalités différentes des clients, les innombrables règlementations , le monde “responsable” actuel obligeant toute entreprise à travailler pour les multiples transitions afin de minimiser le réchauffement climatique…
Une revue de littérature de ce qu’ont proposé les chercheurs jusqu’à présent sur ce sujet du bien-être en entreprise ( une recherche qui n’a vraiment démarré dans le monde qu’au début du 20ème siècle dans l’univers anglo-saxon) m’a fait constater que seul le pourquoi du bien-être avait été analysé et non le comment.
Mon apport à la science, comme on dit dans le milieu académique, a donc été la recherche du « comment » ainsi qu’une proposition d’un modèle ludique facilement compréhensible par tout lecteur.
Chaque chercheur propose une ou quelques causes de bien ou mal être , chacun proposant des raisons différentes à l’obtention du bien-être et évidemment chacun a raison, sauf que si une des actions est mise en place et non les autres, le bien être obtenu par l’action bénéfique est transformé en mal être par les autres actions non mises en place : ex si le management offre les bons moyens pour accomplir un travail ( effet positif sur le bien-être) mais n’accorde jamais le droit à l’erreur , le salarié reste constamment en mal-être!
Le comment du bien-être individuel est de faire en concomitance ( en même temps) un certain nombre d’actions qui toutes sont causes de bien-être, en tentant d’être le plus exhaustif possible.
Les propositions des chercheurs sur ce sujet alliées à mon expérience personnelle et des interviews d’une trentaine  de salariés de tous niveaux dans deux entreprises différentes ( grande consommation et industrielle) m’ont amené à établir une liste de 20 actions concomitantes à faire, sans en oublier aucune sous peine d’ éclosion d’un mal-être individuel.
Le modèle ludique proposé est basé , lui, sur le fait que bien-être ou mal-être individuels sont des conséquences de conséquences ( des méthodes de management, bienveillantes ou brutales,  conduisant à la mise en place des 20 actions ou à leurs antonymes, créant un climat harmonieux ou délétère pour obtenir bien-être ou mal-être…).
La nature produit en permanence des objets issus de conséquences de conséquences: la plante , de la graine à la fleur ,et plus visible, « l’arbre ».
Le modèle est donc basé sur la métaphore de l’arbre : les arbres du bien-être et du mal-être dont les graines sont les contraintes, qui créent des racines qui sont les méthodes de management, bienveillantes ou brutales selon l’arbre, qui sont à l’origine des 20 actions à faire en concomitance dans l’arbre du bien-être , ou indépendantes dans l’arbre du mal-être, actions qui forment la sève de l’arbre dans le tronc, sève qui crée le branchage qui est le climat de l’entreprise ( un climat de confiance ou de méfiance selon la nature de l’arbre) , climat qui donne des salariés en bien ou mal-être. Ceux ci, les fleurs des arbres, sont sous  les nuages du ciel, nuages qui représentent les parties prenantes ( clients , fournisseurs, actionnaires, environnement faiseur de réputation): si les collaborateurs sont en bien-être individuel, , les nuages brillent car ils sont au dessus de belles fleurs et sont attirées par un effet centripète qui aide au succès de l’entreprise, par une pluie bénéfique de commandes.  Sinon,  des salariés mécontents dans l’arbre du mal-être repousseront ces nuages (qui deviendront sombres)  par un effet éolien  centrifuge et l’entreprise sera à terme en cessation d’actions par pertes de commandes!
Le livre propose  en finale une boîte à outils à l’entrepreneur intéressé pour analyser l’état du bien-être individuel en demandant à tout le personnel d’évaluer e et bien-être (en 5 possibilités, du très rouge/ mauvais au très vert/ excellent) la réalité de la mise en place des 20 actions de la sève de l’arbre du bien-être , afin d’en mettre les résultats sur un eudemomètre coloré (eudemos : bonheur en grec), sorte de camembert qui montre par la couleur la plus importante l’état des lieux, et de définir les actions à améliorer où le vert (bon!) devienne plus important que le rouge ( excellent)

Une page de votre livre, ou un passage, qui vous représente lere mieux ?

Michel Jonqueres : Page 115 – “L’originalité de notre apport est la notion de concomitance des 20 actions qui apportera un contexte où les salariés se sentiront individuellement bien, chacun dans leurs emplois. En effet, si une seule de ces 20 actions n’est pas mise en œuvre, cette action manquante empêchera le bien-être d’advenir et permettra, par son absence, du mal-être ou, tout au moins, du non-bien-être. À terme, cela pourrait causer de la perte de sens pour certains, donc du brown-out, qui a des conséquences pathologiques aussi graves que le burn-out, selon les spécialistes. À titre d’exemple, si 19 des actions de l’arbre du bien-être sont effectuées, mais que la vingtième, la reconnaissance, par exemple, n’est pas individualisée par la hiérarchie, le sentiment d’être mal apprécié crée un réel mal-être qui supprime les bonnes conséquences des autres 19 actions. Il en est de même pour chacune des 20 actions : si une manque, le mal-être est proche ! Cela confirme la citation, basée sur un autre sujet, celui des relations amoureuses : « Un seul être vous manque et tout est dépeuplé ! », que nous pouvons paraphraser par « une seule des 20 actions manque et le mal-être ou tout au moins le non-bien-être est assuré ». Je sais gré à Carol Ryff d’avoir simplifié l’approche de ces bien-être ou mal-être psychologiques par un questionnaire, qui peut aider à comprendre les attitudes des plus récalcitrants aux bien-être subjectifs. Nous avons ainsi découvert que cette part psychologique de bien-être ou de mal-être n’est pas à laisser de côté si l’on veut obtenir des relations humaines agréables dans une équipe ou un groupe de travail. L’entreprise est responsable de la qualité des recrutements et, pour les salariés déjà en place, est aussi responsable de tout faire pour que les collaborateurs n’apportent pas trop de problèmes psychologiques anxiogènes à l’intérieur des équipes : le questionnaire de Ryff que nous proposons sert à déterminer si les individus sont en souffrance psychologique et de déterminer ceux dont la direction doit potentiellement s’occuper par différents moyens existants actuellement en milieu entrepreneurial, tel le coaching individuel ou le divan du psy. Au final, du fait des réactions positives de toutes les personnes à qui ce modèle a été présenté, nous pouvons en déduire avoir trouvé une méthode simple et précise pour permettre à tout entrepreneur qui désire s’occuper de bien-être individuel dans son entreprise, malgré les contraintes, de le faire de façon pratique et contrôlée avec des résultats satisfaisants. La perfection n’étant pas de ce monde, la volonté d’amélioration continue, l’acceptation générale de coresponsabilité, l’écoute et le dialogue permanent peuvent permettre au management et au personnel réunis de faire de grandes avancées dans ce domaine difficile du bien-être individuel.”

Les tendances qui émergent à peine et auxquelles vous croyez le plus ? ?

Michel Jonqueres : Les jeunes diplômés veulent des emplois  qui donnent du sens a leur vie:
Ce mouvement va obliger les chefs d’entreprises à  agir  non seulement dans leurs responsabilités liées aux multiples transitions, mais aussi à une façon d’être ( de savoir-être ) qui permette à leurs nouveaux embauchés d’être satisfaits  non seulement de la raison d’être officialisée (ou non ) de l’entreprise mais de l’ambiance intérieure  et extérieure ( vis a vis des parties prenantes ) favorable à un bien-être individuel général.

Si vous deviez donner un seul conseil à un lecteur de cet article, quel serait-il ?

Michel Jonqueres : Expliquer à tous les collaborateurs la pourquoi de chacune des actions , avant de leur demander de valoriser les 20 actions dans chacun des deux arbres, car elles ne sont pas toutes compréhensibles par tous.
Ex: première question : assurer la veille technologique n’est pas de nature à enthousiasmer chacun des salariés. Mais cette action, bien comprise , donnera confiance sur la compétence et la volonté de l’entreprise à ne pas se laisser dépassé par les concurrents et donc d’assurer au mieux les emplois

En un mot, quels sont les prochains sujets qui vous passionneront ?

Michel Jonqueres : Sustainable growth v/s développement durable
On parle ,en anglais , de sustainable growth , “croissance soutenable “, un terme qui me plaît beaucoup plus que développement durable , car dans “soutenable”, il y a une volonté que l’homme (et la femme!) soit partie prenante    « avec satisfaction » de la croissance.
Il ne faut pas qu’il soit ou devienne esclave d’un développement imposé, aussi durable soit il, et , peut-être, dans certains cas, difficile à vivre ( insoutenable, psychologiquement et physiquement)
Dans ce cas négatif,  le développement risque de ne pas être  longtemps durable si l’homme ( et la femme!) n’est pas considéré comme LA partie prenante essentielle de ce progrès , car il risque fort de réagir violemment s’il n’y trouve pas un bien-être individuel certain.
Ceci est un bien-ètre individuel hors lieu de travail : Le monde entier travaille maintenant plus qu’avant sur toutes les transitions possible pour endiguer le réchauffement  climatique : il nous faut ,en concomitance, faire que ces transitions soient heureuses, c’est à dire apportent du bien-être à  chacune et chacun.

Merci Michel Jonqueres

Merci Bertrand Jouvenot

Le livre : Le Bien-être individuel en entreprise, Michel Jonqueres, AFNOR, 2025.