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Je voudrais que la formation devienne un lieu de réanimation

La formatrice Anne-Claire Prévost publie La petite boîte à outils de la Ludopédagogie chez Dunod. Elle y partage des outils concrets pour transformer la formation professionnelle en une expérience engageante, stimulante et durable, en misant sur les leviers du jeu.

 

Bonjour Anne-Claire Prévost, pourquoi avoir écrit ce livre… maintenant ?

Anne-Claire Prévost : La formation professionnelle change : il devient difficile de mobiliser les personnes deux ou trois jours, le temps d’attention se réduit, l’envie et le besoin d’ »optimiser » le temps passé forcent à repenser la manière dont on aborde la formation.
L’ancienne formule « descendante » où le formateur est l’expert qui parle pendant 7 heures, ce n’est plus d’actualité aujourd’hui, cela ne marche pas. Il est donc important de créer des « expériences apprenantes » dans lesquelles le participant va tirer le plus de bénéfices possibles de sa formation : applications dans son environnement professionnel, échanges avec les participants, engagement cognitif, etc.
C’est face à ce changement de perception que la ludopédagogie est l’un des outils à disposition pour créer ces expériences apprenantes, en utilisant les ressorts du jeu au service de l’apprentissage.

Une page de votre livre, ou un passage, qui vous représente le mieux ?

A.-C.P. : J’aime beaucoup la partie consacrée à la création de jeu, car c’est en fait plus facile qu’on ne pense. Surtout tous les sujets peuvent être valorisés par la ludopédagogie, il n’y a pas de thématique impossible à ludifier. J’ai ainsi créé des jeux autour du Droit du travail, du Contrôle Interne ou encore de l’économie circulaire.
La création de jeux spécifiques à une thématique de formation peut apporter un vrai plus en termes d’engagement des apprenants, de compréhension d’un sujet, d’attention et de cohésion de groupes. Je vous propose 3 méthodes de création, de la plus simple à la plus complexe.

Utilisez un jeu existant : Vous le verrez dans le livre, je vous montre comment utiliser facilement des jeux existants comme Time’s up ou les Storycubes. Peu de préparation est nécessaire pour les adapter à votre contexte de formation. Cela vous permet ainsi d’intégrer le jeu sans vous lancer dans une création trop complexe ou coûteuse en temps.

Détournez des jeux existants : le Memory. Ce jeu est très intéressant pour réactiver des connaissances, ou aborder une nouvelle thématique. On peut imaginer des paires concept/définition, mot/traduction, personnage/invention, etc. Le Memory peut être joué en grand groupe, en petits groupes, voire avec des trios de cartes pour plus de complexité.

Créez un jeu de A à Z : les Mécanicartes sont un jeu de cartes créé par Prismatik pour aider à concevoir des jeux. Elles sont accessibles gratuitement sous licence Creative Commons. Le site www.mecanicartes.com propose aussi un Wiki pour accompagner leur utilisation. On y trouve des cartes « Compétences », « Mécanique de jeu » et « Matériel ». Elles aident à enclencher la réflexion ou à modifier un jeu existant.

Les tendances qui émergent à peine et auxquelles vous croyez le plus ?

A.-C.P. : Je crois à la création de nouveaux formats de formation, plus adaptés aux attentes, aux enjeux et aux contraintes. Des formats hybrides qui mêlent présentiel et distanciel pour permettre notamment des sessions de retour d’expériences et voir comment la formation a impacté les pratiques professionnelles.
Je pense à l’AFEST qui facilite la formation en situation de travail. Je pense à une réorganisation du temps de formation, en proposant des formats plus courts mais plus réguliers pour impulser une dynamique de formation et laisser le temps aux apprentissages de se déployer.
Comme je l’évoquais plus haut, je crois de plus en plus à des formations « expériences » dans lesquelles l’apprenant vit quelque chose de différent, de motivant et d’engageant. Nous vivons une époque incroyablement anxiogène, pétrie d’incertitudes, où tout va très vite, tout le temps. Je voudrais que la formation puisse devenir un lieu Ressource où le lien humain reste central, où l’envie de transmettre soit communicative et d’où l’on ressorte « oxygéné » !
Je sais que cela paraît utopique, peut-être naïf mais évoluer, avancer, apprendre, n’est-ce pas là source d’espoir ?

Si vous deviez donner un seul conseil à un lecteur de cet article, quel serait-il ?

A.-C.P. : Osez ! Osez faire les choses autrement pour être plus efficace. Quand j’emploie ce mot d’ »efficacité », je pense à l’impact de la formation sur les apprenants : que vont-ils en retenir ? Que vont-ils mettre en œuvre ?
Visons peut-être des objectifs moins hauts mais atteignables. Multiplions les offres de formation pour mieux coller aux attentes et aux besoins. Sortons des clous en quelque sorte !
La ludopédagogie est l’un des moyens de le faire, en redonnant ses lettres de noblesse à l’aspect « ludique » qui facilite l’ancrage des connaissances et renforce l’engagement. Mais on peut jouer aussi sur des formats plus courts comme des demi-journées, faciliter la création d’ateliers pratico-pratiques, former en marchant dehors… et explorer d’autres manières de faire de la formation…
Les apprenants en sortiront gagnants !

En un mot, quels sont les prochains sujets qui vous passionneront ?

A.-C.P. : J’ai hâte de voir ce que les générations qui arrivent vont demander en termes de formation. Comment elles verront le rapport à leur métier, à leurs évolutions professionnelles, au fait d’acquérir de nouvelles connaissances « tout au long de la vie » comme on dit.
Je suis sûre que nous allons être bousculés dans nos manières de faire et d’appréhender la formation et que cela va nous pousser à plus de créativité, à sortir du cadre.
Je pense à cela aussi d’un point de vue de l’éducation des enfants, des adolescents, des étudiants. Comment repenser notre façon de former dans notre monde ?

Merci Anne-Claire Prévost

Merci Bertrand Jouvenot

Le livre : La petite boîte à outils de la Ludopédagogie, Anne-Claire Prévost, Dunod, 2025.