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Ils ont traduit. Ils ont appris… l’incroyable pouvoir du NON

Le traducteur d’un livre entretient nécessairement une relation particulière avec son auteur et finit par connaître son œuvre mieux que quiconque. C’est pourquoi nous interviewons régulièrement ces hommes et ces femmes de l’ombre afin qu’ils partagent avec nous leur compréhension intime des meilleurs ouvrages. Dans le cadre de notre série « Ils ont traduit. Ils ont appris… », voici donc l’interview de Marion Issard, traductrice de « L’incroyable pouvoir du NON » de Vanessa Patrick (Pearson)

Bonjour Marion Issard, quelles réflexions ce travail de traduction vous a-t-il inspirées ?

Qu’on ne dit pas assez « non », mais aussi (et surtout ?) qu’on le dit souvent pour les mauvaises raisons : parce qu’on a peur de froisser, parce qu’on veut faire plaisir, parce qu’on n’a pas envie de passer pour la casse-pied de service… Et qu’on a globalement du mal à accepter le « non » de l’autre, parce qu’on prend souvent ce refus comme un affront personnel.

Cette drôle de façon de faire m’a rappelé un certain nombre de situations, personnelles ou professionnelles, où j’ai dit « oui » pour être bien vue, tout en me disant que cela inciterait la personne en face à me dire « oui » la prochaine fois, au risque d’être déçue… Je pense que ces situations ubuesques parlent à tout le monde : que de nœuds au cerveau !

La démarche de Vanessa Patrick est à la fois plus dépassionnée, si j’ose dire, et plus respectueuse. Elle prône une façon simple et personnelle de refuser, ce qui m’a beaucoup fait réfléchir sur mon attitude quand je veux dire « non » ou quand on me le dit.

Qu’aimeriez-vous nous apprendre sur l’auteur ?

Que c’est quelqu’un qui remercie sa traductrice (rires). Cela peut sembler anodin, mais il est assez rare qu’un auteur dise merci pour la traduction. Le faire, pour moi, c’est donc démontrer une vraie conscience de l’importance du collectif – dont Vanessa Patrick parle d’ailleurs : il faut une tribu pour avancer. Je suis heureuse et flattée d’en faire partie.

Elle a aussi une créativité foisonnante : les œillets d’Inde côtoient les lasagnes et les cordons de velours. Excellent pour la mémorisation !

Qu’imaginiez-vous trouver dans ce livre en l’ouvrant pour la première fois ?

J’imaginais un ouvrage plus classique dans sa façon d’aborder les choses, un livre qui donne des recettes ou des directives. Or c’est tout le contraire : il n’y a aucune solution miracle, ce qui peut sembler un peu frustrant à première vue. J’ai d’ailleurs été passablement agacée par moments, parce que j’aurais voulu qu’on me livre les solutions sur un plateau alors que ce n’était pas le cas.

Et pourtant, c’est ce qui fait la force de L’incroyable pouvoir du non : deux jours après, vous vous surprenez à repenser à une phrase, à réfléchir à vos choix, à vous demander si, vraiment, vous allez encore dire « oui » à contrecœur… Un peu comme le sport : les résultats ne sont pas immédiats, mais ils sont durables !

Qu’aviez-vous appris en définitive, lorsque vous avez écrit le mot FIN de cette traduction ?

L’importance de bien se connaître pour faire des choix professionnels cohérents avec la personne que l’on est, et pas forcément la personne que l’on s’imagine devoir être.

Après une fin d’année 2023 très intense, qui s’est d’ailleurs terminée par la livraison du manuscrit de L’incroyable pouvoir du non à mon éditrice, 2024 s’est ouverte sur une période plus calme, que j’ai mise à profit pour réfléchir à mon activité de freelance. Le livre m’a beaucoup aidée à me demander ce que je me souhaitais pour la deuxième moitié de ma carrière, ce que je voulais changer et ce à quoi je tenais. J’ai d’ailleurs dit « non » à un client en étant capable d’exposer sereinement mon point de vue : il l’a compris et nous sommes restés en très bons termes.

Le livre : L’incroyable pouvoir du NON » de Vanessa Patrick (traduction Marion Issard), Pearson, 2024