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IA, alliée ou ennemie de l’écologie ?

L’IA est une source de pollution importante. Or, beaucoup d’avancées en matière environnementale ne pourraient voir le jour sans elle. C’est au cœur de ce paradoxe qu’ Arnault Pachot et Céline Patissier se sont courageusement aventurés pour écrire le livre : Intelligence artificielle et environnement : alliance ou nuisance ?. Interview d’ambassadeurs de l’AI for Green.

Bonjour Céline Patissier et Arnault Pachot, pourquoi avoir écrit ce livre… maintenant ?

Céline Patissier : Parce qu’il y a urgence. Urgence climatique, urgence de modifier notre façon de se servir du numérique et par extension de l’IA. En démarrant mes recherches pour l’écriture du livre je me suis rendue compte qu’il y avait deux courants de pensées qui s’opposaient : les défenseurs du solutionnisme technologique contre ceux qui défendent la low-tech à tout prix et préconisent un retour en arrière sociétale. Avec Arnault, nous avons décidé de nous positionner à la croisée des chemins, dans l’esprit du mouvement « numérique responsable » et du GreenIT / IT for green. Notre objectif avec ce livre n’était pas de trouver des coupables mais plutôt d’apporter des solutions, de vraies pistes concrètes pour une utilisation de l’IA réellement utile à la planète. Avec ce livre nous voulions provoquer une prise de conscience sur les dérives d’une IA trop énergivore, tout en démontrant qu’il était encore temps de changer la donne, de rediriger le bateau de l’IA dans la bonne direction, celle de l’éthique, de l’humain et de la planète.

Une page de votre livre, ou un passage, qui vous représente le mieux ?

Arnault Pachot : « L’intelligence artificielle fascine autant qu’elle inquiète. Les temps de calcul nécessaires aux nouvelles architectures de type deep learning ont été multipliés par 300000 en six ans. Les importantes puissances de calcul requises nécessitent une grande quantité d’énergie, laquelle accentue l’impact déjà négatif de l’industrie du numérique sur l’environnement. Des voix s’élèvent pour mettre en garde contre le désastre écologique de l’IA. Pourtant, cette technologie est aussi pleine de promesses. En lui donnant un cadre écologique, l’IA ouvre la porte à des applications nouvelles. Depuis quelques années, les usages se développent dans tous les domaines. En offrant la possibilité d’analyser des volumes de données conséquents, l’IA ouvre une voie dans l’optimisation des ressources naturelles et la compréhension de notre écosystème. »

CP : « L ‘intelligence artificielle fait partie de ces technologies innovantes qui ne résoudrons certainement pas tous les problèmes, mais qui pourront sans nul doute être une aide précieuse dans cette course contre la montre face au dérèglement du climat. »

Les tendances qui émergent à peine et auxquelles vous croyez le plus ?

AP : Nous croyons beaucoup aux principes du biomimétisme, c’est-à-dire les innovations directement inspirées par ce que fait déjà très bien la nature. C’est une tendance qui prend de l’ampleur dans la recherche d’une IA plus verte. En comparaison des consommations d’énergies parfois délirante pour entraîner un modèle d’IA, la très faible consommation du cerveau humain est une piste intéressante pour les chercheurs qui travaillent sur de nouvelles méthodes d’IA moins énergivores. En observant le fonctionnement du cerveau ils cherchent à économiser de l’énergie, en particulier dans le choix des hyper-paramètres à partir d’optimisation bayésienne ou d’algorithmes évolutionnaires. La société française Another Brain développe d’ailleurs une nouvelle approche de l’IA bio inspirée qui s’oppose au deep learning et à la quantité de données et de traitements qu’il nécessite. Peu de données et de puissance de calcul sont nécessaires pour cette IA prometteuse. Il y a aussi l’apprentissage par transfert (transfert learning) qui est une branche de l’IA consistant à réutiliser tout ou partie d’une autre IA et de l’adapter pour de nouveaux besoins. De cette manière, les IA apprennent les unes des autres, à la manière des humains qui se transmettent un savoir. Le principe est d’économiser du temps de calcul, puisqu’il n’est pas nécessaire de tout réapprendre et de réaliser ainsi les économies d’énergie associées.

Si vous deviez donner un seul conseil à un lecteur de cet article, quel serait-il ?

CP : Le numérique produit 4 % des émissions de gaz à effet de serre au niveau mondial et le nombre de déchets électroniques a augmenté de + 21 % en 5 ans selon une étude de GreenIT.fr. Ce sont des chiffres qu’il faut répeter et répéter encore. Il ne faut pas nier l’impact néfaste de notre manière de concevoir et de consommer les services numériques. En ayant les yeux grands ouverts sur les catastrophes humaines et écologiques de l’industrie du numérique, on pourra faire évoluer dans le bon sens nos usages afin de stopper l’hémorragie. Si on ne sait pas, on ne peut pas changer nos habitudes. Donc mon conseil s’adresse à tout le monde, informez-vous sur les bonnes pratiques « numérique responsable », nous sommes tous acteurs du changement chacun à notre niveau.

En un mot, quels sont les prochains sujets qui vous passionneront ?

CP : Ce livre sur l’intelligence artificielle et la protection de l’environnement est le premier d’une série d’ouvrages consacrés à la vulgarisation de l’IA. Le prochain livre sortira en 2023 et il sera dédiée à l’IA pour la vente en ligne. Je l’ai co-écrit cette fois avec Cédric Sibaud, expert en e-commerce, et il abordera notamment comment les plus petits e-commerçants peuvent se servir de cette technologie pour survivre face aux géants du secteur. Là encore il s’agira de montrer comment il est possible d’innover pour soutenir sa croissance économique mais sans faire payer une facture exorbitante à la planète.

Merci Céline Patissier et Arnault Pachot

Merci Bertrand


Intelligence artificielle et environnement : alliance ou nuisance ?

L’IA face aux défis écologiques d’aujourd’hui et de demain

Arnault PachotCéline PatissierOPEN STUDIODunod

Extrait, texte, couverture : https://www.dunod.com/entreprise-et-economie/intelligence-artificielle-et-environnement-alliance-ou-nuisance-ia-face-aux