Et si les anciens pouvaient nous aider à mieux gérer notre vie de tous les jours ?

Le développement personnel remonterait à l’Antiquité. Il aurait été inventé par Cicéron, Sénèque, Aristote, Plutarque. Et leur sagesse peut encore nous aider aujourd’hui, au quotidien. C’est ce que montre Nicolas Lisimachio dans son livre : Ils avaient tout compris: Le développement personnel selon les penseurs antiques. Interview.

 

Bonjour Nicolas Lisimachio, pourquoi avoir écrit ce livre… maintenant ?

Platon a dit : « Aux enfants, il faut laisser un bel héritage de conscience plutôt que d’or ».

Père de trois enfants et sous l’impulsion de Platon, j’ai souhaité leur transmettre un recueil de toutes les phrases, de toutes les pensées, de tous les passages d’œuvres qui m’ont marqué, auxquels je crois et qui constituent MA philosophie. Au départ, j’avais acheté un joli cahier dans lequel j’avais entrepris de tout recopier à la main. Je me suis dit, peut-être naïvement, que si un jour ils devaient s’intéresser à ce en quoi leur père croit (ou croyait), ils pourraient prendre ce cahier et le découvrir facilement (outre le fait de bénéficier ainsi d’une synthèse accessible d’une partie de la philosophie antique). Puis après avoir commencé ce travail de retranscription, je me suis dit que je n’étais finalement pas très courageux et que moyennant davantage de travail et d’investissement, je pourrais en faire bénéficier le plus grand nombre et pas uniquement mes enfants. Voilà pourquoi, et comment, j’ai écrit ce livre.

 

Une page de votre livre, ou un passage, qui vous représente le mieux ?

Pages 15 et 16 :

Je suis un homme ordinaire. Élève moyen à l’école (tant au collège qu’au lycée), la littérature et la philosophie sont passées devant moi sans que je ne les aperçoive. Une fois adulte, ma curiosité s’est principalement portée sur l’histoire, essentiellement celle – tragique – du xxe siècle. Mais cette curiosité était surtout alimentée par un goût prononcé pour les faits d’armes. En aucune manière, mon intérêt pour l’histoire ne m’a conduit à réfléchir à l’Homme : sa condition, ses capacités (bonnes ou mauvaises) ou sa destinée.

Tu ne peux donc me taxer d’être, depuis toujours, un rat de bibliothèque ou même d’avoir été conditionné à être un tel animal par mes parents. Quant à mes études de droit, elles ne m’ont pas orienté vers une réflexion existentielle. Et mon entrée précoce dans le monde du travail a certainement consommé tout le temps et toute l’énergie que j’aurais pu imaginer consacrer à des lectures approfondies.

Puis le hasard m’a conduit à m’intéresser à d’autres faits d’armes, ceux de l’Antiquité. La guerre de Troie, la bataille de Marathon, celle des Thermopyles, les conquêtes d’Alexandre le Grand… Progressivement, je me suis plongé dans l’histoire de l’Antiquité. J’ai alors trouvé mon « terreau ». J’appelle « terreau » le mélange diffus d’histoire, de culture, de centres d’intérêt, voire de passions, sur lequel un être humain grandit et se construit. Toute personne oriente sa vie, parfois sans le savoir, à partir de ces ingrédients qui la rendent, par leur mélange, unique. Mon terreau couvrait à peu près 600 ans : de la bataille de Marathon (490 avant J.-C.) à la fin du règne d’Auguste (14 après J.-C.). C’est alors que, inévitablement, j’ai découvert les penseurs grecs et romains.

Ces premiers détails biographiques ont simplement pour but de t’expliquer que je n’ai pas été conditionné à m’intéresser à la philosophie. C’est librement (voire accidentellement) que j’ai été amené à m’y plonger. Et mes (très) faibles notes en philo au lycée ou mon profil peu académique n’ont, en aucune manière, constitué un obstacle à ce que j’embrasse, progressivement et au fil des années, cette pratique.

Ainsi, sache tout d’abord que ce qui suit est accessible à tous.

Les tendances qui émergent à peine et auxquelles vous croyez le plus ?
Nous avons connu le temps de la « motivation » (motivational speakers, motivation videos, etc.). J’ai le sentiment, et l’espoir, que le culte de la motivation laisse progressivement la place à une vertu bien plus saine et efficace : la discipline.

La motivation est éphémère. Elle repart aussi vite qu’elle est arrivée. Surtout, on ne la contrôle pas. Ce sont un ensemble de facteurs qui vont la faire naître puis la faire disparaitre et ces facteurs nous échappent. Du coup, bâtir un projet ou se fixer des objectifs en comptant sur la motivation, c’est la recette parfaite pour échouer. La discipline en revanche, peut être maitrisée. Une fois installée, elle nous offre des résultats stupéfiants. Elle fait progressivement partie de nous.

Aujourd’hui, je perçois que la discipline occupe de plus en plus de terrain et ce, sous des formes variées. Je m’en réjouis et j’en serai un fervent promoteur comme la réponse à votre cinquième question le suggère ☺ .

 

Si vous deviez donner un seul conseil à un lecteur de cet article, quel serait-il ?

Mon unique conseil serait de suivre ces trois préceptes qui me sont chers (désolé de détourner ainsi la limite « d’un seul conseil » ☺) :

Réfléchir pour agir : lire oui, se cultiver oui, mais dans le but d’agir sur soi et pour les autres. Construire son « terreau » (cf. ci-dessus), sa propre philosophie à partir des expériences et du savoir des autres pour ensuite vivre sa vie et générer son propre savoir et ses propres expériences et, à son tour, les partager.

Cultiver la nuance : refuser les cases, qu’on nous impose ou dans lesquelles on loge les autres. La beauté, la liberté et le succès résident dans la nuance.

Embrasser l’adversité : « Il n’est d’arbre vigoureux et résistant que sans cesse battu par le vent : ce sont les secousses mêmes qui le consolident et fixent plus fermement ses racines. Ceux qui ont poussé dans des vallées bien exposées sont fragiles. » (Sénèque)

 

En un mot, quels sont les prochains sujets qui vous passionneront ?

Continuer à animer mon podcast Fortitude, dans lequel je mets en avant les parcours de vie variés de mes invités qui ont, pour point commun, d’avoir fait face à l’adversité, qu’elle soit choisie ou subie. L’animation de ce podcast est une source d’inspiration et de satisfaction inestimable. Je réfléchis d’ailleurs à écrire un livre pour retranscrire les enseignements que j’ai tirés de mes conversations avec mes invités.
Détrôner la « motivation » pour lui substituer la discipline. Projet confidentiel en cours…

Merci Nicolas Lisimachio

 

Merci Bertrand Jouvenot

 

Le livre : Ils avaient tout compris: Le développement personnel selon les penseurs antiques, Nicolas Lisimachio, Hachette Pratique, 2021.