De PDG à SDF : Senior Devenu Freelance
Dans Le jour où j’ai quitté Bill Gates, Christophe Aulnette l’ ancien président de Microsoft France propose une réflexion lucide sur l’emploi des seniors, ainsi que des clés concrètes pour se réinventer après une carrière en entreprise. Il plonge dans les tumultes de la reconversion en eaux profondes. Interview pour sortir la tête de l’eau.
Bonjour Christophe Aulnette, pourquoi avoir écrit ce livre… maintenant ?
Christophe Aulnette : Au fil d’une carrière qui n’a jamais été un long fleuve tranquille, j’ai mesuré à quel point la transition hors du monde corporate peut être périlleuse. Cette difficulté est largement partagée, alors même que des cohortes de quadragénaires et quinquagénaires devront, de façon volontaire ou non, se réinventer en dehors de la grande entreprise avant une retraite à la fois lointaine et incertaine.
Avec ce livre, je veux alimenter le débat sur un enjeu de société — l’emploi des seniors — en offrant des clés concrètes de reconversion aux cadres et en alertant les entreprises sur leur part de responsabilité.
Une page de votre livre, ou un passage, qui vous représente le mieux ?
C.A. : Je choisirais cet extrait où avant d’aborder les différentes options de re-orientation avec leurs risques et opportunités, j’insiste sur l’importance d’aborder cette transition avec un état d’esprit de Neo, tourné avec appétit vers le futur, et non pas celui d’un Ex, qui porte le fardeau de sa gloire passée.
« L’Ex et le Néo
La sortie du cocon nécessite un effort personnel encore plus important si l’on quitte une entreprise très visible avec une forte marque ou une société avec un impact sociétal qui est au cœur de l’actualité. En tant que cadre dirigeant, si l’on se confond avec sa marque, que l’on se laisse persuader qu’on l’incarne et que toutes les attentions extra-financières sont davantage dues à son talent qu’à son rôle dans l’organisation, il faut se préparer à une sévère gueule de bois le jour où tout s’arrêtera.
Et si l’on a perdu le recul salvateur qui rappelle que l’on est seulement un représentant temporaire de quelque chose de plus grand que soi, que l’on se pense indispensable, alors à la gueule de bois s’ajoutera une amertume décuplée lorsqu’on réalisera qu’on est loin d’être irremplaçable ! Les systèmes de management bien huilés des grandes entreprises sont d’ailleurs conçus pour limiter la dépendance à l’individu, ce qui fait une différence fondamentale avec les PME. »
Les tendances qui émergent à peine et auxquelles vous croyez le plus ?
C.A. : Avec le choc démographique, les aspirations des nouvelles générations et la révolution de l’IA générative, le travail va se recomposer en profondeur.
Il faut donner aux individus les moyens d’être entrepreneurs d’eux-mêmes, de combiner plusieurs activités et de dépasser les binaires « salarié ou rien » / « retraite ou rien » au profit de modèles hybrides, durables et contributifs pour l’économie.
Si vous deviez donner un seul conseil à un lecteur de cet article, quel serait-il ?
C.A. : Muscler sans cesse votre employabilité.
C’est le passeport dans un monde plus incertain et où les carrières linéaires et mono entreprise appartiennent au passé.
En un mot, quels sont les prochains sujets qui vous passionneront ?
C.A. :
La puissance transformatrice des agents IA me fascine.
Cette révolution peut mener à deux voies diamétralement opposées :
Soit une logique d’automatisation renforcée, de substitution, voire d’asservissement des individus à des robots IA.
Soit devenir un formidable outil d’émancipation et de réallocation intelligente des ressources — notamment en redonnant de la valeur aux acteurs de terrain, en première ligne.
C’est à cette réflexion cruciale que j’espère pouvoir contribuer.
Merci Christophe Aulnette
Merci Bertrand Jouvenot
Le livre : Le jour où j’ai quitté Bill Gates, Christophe Aulnette, Novice, 2025.