De Google à Gogol il n’y a qu’un pas
Le nom de Google a sa légende
Le digital fourmille de légendes, anecdotes et histoires en tout genre. L’une des plus célèbres concerne Google que ses fondateurs voulaient, à ce qu’on dit, initialement appeler Goggle (avec deux « g » et un seul « o ») en référence au verbe anglais to goggle, difficile à traduire en français, mais pouvant être compris comme : ouvrir grand les yeux, regarder avec stupéfaction qu’elle que chose de très grand, être ébahi, etc.
L’origine du nom Google proviendrait d’une faute d’orthographe ?
Il se raconte, qu’au moment du dépôt de la marque, une faute d’orthographe aurait conduit à enregistrer Google (avec deux « o » et un seul « g » cette fois-ci) au lieu de Goggle.
La faute de frappe, l’erreur d’orthographe, sont humaines. La preuve, les meilleurs en font aussi. C’est bien pour cela que les correcteurs orthographiques comme celui de Word ont vu le jour.
Mais derrière l’apparente banalité de ces simples correcteurs, une surprenante mutation est à l’œuvre.
Larry Page et Sergey Brin n’auraient pas utilisé convenablement le correcteur orthographique de Word au moment de la création de Google ?
Si Larry Page et/ou Sergey Brin avaient écrit « google » dans Word, c’est-à-dire le mot « goggle » avec une faute, deux phénomènes auraient pu se produire :
- Soit Word aurait souligné en rouge le mot mal orthographié invitant Larry ou Sergey à consulter une liste de mots suggérés en guise de corrections.
- Soit Word aurait corrigé automatiquement la faute, sans passer par la phase décrite précédemment, parce que Larry ou Sergey ont certainement activé l’option de correction automatique qui corrige le mot comprenant une erreur au moment même de sa frappe, instantanément. C’est ainsi que les deux enfants prodiges du web auraient laissé une machine, un algorithme, une intelligence artificielle, intervenir sur ce qu’ils écrivent, comme la plupart d’entre nous aujourd’hui (sur nos ordinateurs ou nos téléphones).
Jusqu’ici rien de bien effrayant puisque la machine n’intervient que sur la forme et non sur le fond du texte.
Larry et Sergey pensent tellement au future qu’ils en oublient le présent ?
Mais l’AI (Artificial Intelligence ou Intelligence Artificielle en français) de Google permet désormais à un utilisateur d’autoriser la machine à corriger même le fond du texte qu’il écrit. Google parle à ce sujet de son truth-checker (vérificateur de vérité) auquel il a donné le nom de Knowledge-Based Trust (sans erreur d’orthographe cette fois-ci).
Ainsi, si nous écrivons : « Marc Levy est un peintre Hollandais du dix-neuvième siècle ». A l’instant même où nous frappons sur les touches de notre clavier, l’algorithme de Google contrôlera la cohérence de l’information en allant effectuer des vérifications dans les différentes encyclopédies en lignes, les dictionnaires des noms propres, les sites littéraires et autres Wikis, pour changer le texte et remplacer « peintre » par « écrivain », « Hollandais » par « Français » et « du dix-neuvième siècle » par « contemporain ».
De la même manière, si nous écrivons : « Nicolas Gogol est un philosophe Allemand auteur du Journal du séducteur ». Même scénario. Google rétablira la phrase pour que soit écrit en définitive : « Nicolas Gogol est un écrivain Russe auteur du Revizor(restituant par la même occasion le Journal du séducteur à son auteur Danois Soren Kierkegaard).
Google va faire de nous les co-auteurs les uns des autres
C’est donc assistés par des millions de données, elle mêmes servies par l’intelligence artificielle d’un Google, que nous écrirons demain.
A chacune des phrases que nous rédigerons, des suggestions nous seront faites, issues de ce que d’autres avant nous auront écrit.
Le style, compris comme un écart par rapport à une norme littéraire, sera immédiatement ramené à l’expression la plus commune.
Toute tentative de pensée divergente, originale ou authentique sera immédiatement invitée par la technologie à rentrer dans le rang, à s’inscrire dans la norme, à converger vers ce qui la précède.
La somme de ce qui fut un jour écrit deviendra l’aimant qui attire tout ce qui se dit de nouveau à retourner vers le passé pour mieux s’y enraciner et encore moins s’en émanciper.
Sous couvert de modernité, de progrès et de future, la technologie contribuera davantage à une implosion qu’à une explosion des connaissances, du moins de leur diversité.
Les grands esprits ne se rencontreront plus, aux toilettes, mais derrières des écrans.
Google sera un prescripteur, un professeur et un percepteur
L’algorithme de Google tenant compte des comportements de tous les utilisateurs en les combinant à nos comportements propres, deux personnes différentes se verront corrigées différemment :
- Une jeune maman veillant à éveiller ses enfants se verra proposer : « 7X7 est un jeu de stratégie, basé entièrement sur les couleurs, téléchargeable sur cotre mobile » en correction de la phrase « 7X7 est une opération dont le résultat est égal à 49 ».
- Un citoyen féru d’actualités et d’informations, quant à lui se verra plutôt suggérer : « 7X7 est un nouveau média numérique d’information dont le contenu est entièrement constitué de listicles : articles sous formes de listes».
Nous resterons, ou non, les maîtres du jeu
Pour l’heure et depuis cette faute d’orthographe à l’origine du nom de la plus puissante société du monde, le nom de Google est devenu un verbe « to google » qui fit son entrée dans le très exigeant Oxford Dictionnaries.
Le monde change, la langue change… et la technologie s’immisce partout. Charge à nous de savoir lire entre les lignes pour débusquer ce qui est à l’œuvre, derrière nos propres mots, à défaut d’écrire des chefs d’œuvre comme Marc Levy ou Nicolas Gogol.