jouvenot.com

Aucun pilote de rallye ne partirait sans copilote

Kylian Mbappé-Didier Deschamps, Teddy Riner-Franck Chambily, Antoine Dupont-Fabien Galthié… Et si les chefs d’entreprise s’inspiraient de ces binômes de légende ? Immersion dans un métier encore méconnu des dirigeants français : dans le livre Operating partner, Isabelle Saladin partage son expérience de terrain et lève le voile sur ce rôle clé venu des États-Unis. Un véritable binôme au service des chefs d’entreprise, pour naviguer dans un monde économique toujours plus complexe.

Bonjour Isabelle Saladin, pourquoi avoir écrit ce livre… maintenant ?

Isabelle Saladin : Il y a 7 ans, lors d’une grande soirée d’entrepreneurs à Poitiers, j’ai parlé des operating partners. C’était tout nouveau en France, le métier n’était pas connu. Mais il a interpellé : plusieurs personnes sont venues me voir à la fin de mon intervention en me demandant si j’avais écrit un livre sur le sujet et voulaient en connaître les références. À ce moment-là, il n’y avait pas de livres qui parlaient des operating partners, en tout cas pas en français. De mon côté, je venais de lancer une nouvelle entreprise – c’était les débuts d’I&S Adviser – et j’avais davantage à cœur d’être sur le terrain plutôt que d’écrire des livres.

Et puis le mot « operating partner » s’est diffusé, avec des acceptations diverses et variées. La confusion avec d’autres métiers de l’accompagnement du dirigeant grandissait. Un événement dédié aux operating partners, l’Operating Partners Day, a aussi vu le jour. Il m’a semblé alors important de donner des clés de lecture aux chefs d’entreprise et aux investisseurs pour que tous parlent de la même chose. Ma rencontre avec une directrice de collection de Dunod a fini de me convaincre de l’intérêt du projet de livre – et c’était parti !

Une page de votre livre, ou un passage, qui vous représente le mieux ?

I.S. : Je dirais l’introduction. Elle rappelle ce qu’est la vie vraie du chef d’entreprise, les questions que l’on se pose, les écueils qui peuvent nous rattraper. Et ce sont certainement des situations dans lesquelles beaucoup de dirigeants se reconnaîtront.

Cette entrée en matière explique pourquoi le métier de l’operating partner a retenu mon attention. Il est fondamental que les chefs d’entreprise en France sachent ce que fait un operating partner, ce qui lui donne sa légitimité, pourquoi et sur quoi ils peuvent le solliciter. C’est précieux pour réussir un projet d’entreprise.

Trop souvent, en tant que dirigeant, nous restons seuls et cherchons sans aide des réponses à nos questions, des solutions à nos problèmes. L’aide de celui qui l’a déjà fait est un vrai plus pour éviter les erreurs basiques et gagner du temps. Or les chefs d’entreprise que nous sommes sont, dans leur grande majorité, très (trop ?) impatients et nous avons tous un égo avec lequel nous devons apprendre à composer…

La comparaison avec le sportif dont parle David Douillet dans la préface éclaire aussi beaucoup. Aucun sportif n’imagine se préparer à de grandes compétitions sans l’appui de ceux qui l’ont fait avant eux. Alors pourquoi les chefs d’entreprise le feraient ?

Et puis, les bonnes idées ne sont pas réservées aux Américains. Je suis très chauvine et ai eu envie que les chefs d’entreprise français aient les mêmes cartes en main que leurs compétiteurs. C’est pour cette raison que j’ai ramené le concept des États-Unis. Cette introduction éclaire sur les motivations à plonger dans le grand bain des operating partners ; le reste du livre donne des pistes pour savoir comment faire et bien s’y prendre.

Quelles tendances émergentes vous semblent les plus prometteuses ?

I.S. : La première tendance que j’observe est une demande croissante de garanties par les dirigeants d’entreprise sur l’impact qu’aura l’intervention d’un operating partner. Ils ont besoin de mesurer le retour sur investissement (ROI). Pour cela, deux leviers existent : s’appuyer sur des operating partners certifiés – la première certification vient d’être lancée par l’Operating Partners Academy – et travailler avec des professionnels qui s’engagent sur les résultats.

La seconde tendance, c’est l’élargissement des prescripteurs et des missions. Les acteurs du M&A, du restructuring et du corporate venture capital s’intéressent de plus en plus à ce rôle. Ils voient dans l’operating partner un expert capable de sécuriser des deals, d’assurer la mise en œuvre opérationnelle post-acquisition, ou encore d’accompagner des startups sur la structuration et la gouvernance.

Quel est le conseil que vous donneriez à un lecteur ?

I.S. : Ne restez pas seul ! Face au contexte de crise et d’incertitudes, il est tentant de tout mettre à l’arrêt. Or c’est la pire des options. L’operating partner peut être un appui précieux pour éviter l’inaction, rester concentré sur ses leviers de création de valeur, structurer les projets. Aucun pilote de rallye ne partirait sans copilote, aucun sportif de haut niveau ne se lancerait dans une compétition sans sparring partner.

Quels sujets vous passionnent pour la suite ?

I.S. : Deux thématiques me stimulent. D’abord, l’intelligence artificielle : elle soulève des questions sur la standardisation de la pensée, les risques de manipulation des idées, les impacts sur la capacité à innover. Ensuite, les monnaies numériques nationales : elles promettent plus d’inclusion et d’efficacité mais posent des questions majeures sur la cybersécurité, la stabilité financière et les effets sur les entreprises.

Merci Isabelle Saladin

Merci Bertrand Jouvenot

Le livre : Operating partner, Isabelle Saladin, Dunod, 2024.