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Au-delà de l’écran : La revanche du retail

Dans un monde où le e-commerce semble régner en maître, le livre « Store Impact, la revanche du retail » arrive comme un manifeste revigorant pour le commerce physique. À travers cette interview Arielle Monnerot-Dumaine partage une vision optimiste et des stratégies pour redonner au retail traditionnel ses lettres de noblesse. Découvrez comment envisager la transformation du secteur et les clés pour se démarquer dans l’ère numérique.

 

Bonjour Arielle Monnerot-Dumaine, pourquoi avoir écrit ce livre… maintenant ?

 

Arielle Monnerot-Dumaine : Le retail souffre sur certaines catégories et je rencontre beaucoup de directeurs de réseau et de managers de boutique qui ont besoin de reprendre les rênes de leur business. Ce livre est fait pour eux, pour leur redonner de la maîtrise sur la performance de leur point de vente et les encourager à actionner de nouveaux leviers de performance.

Une page de votre livre, ou un passage, qui vous représente le mieux ?

Extrait du chapitre 6 : Piloter ses KPI

Les KPIs et l’équation retail : c’est logique !

La performance d’un point de vente, que ce soit une boutique de 30 m2 ou un flagship store de 2 500 m2, se pilote.

Piloter une boutique, c’est reprendre le pouvoir sur le chiffre d’affaires en analysant chacun des Key Performance Indicators (KPIs) qui le compose. Une fois le chiffre d’affaires décortiqué par indicateur de performance, il peut être expliqué et donc amélioré.

La décomposition du chiffre d’affaires en indicateurs liés les uns aux autres s’appelle l’équation retail.

 

Figure 15

Source Arielle Monnerot-Dumaine – Alexis de Prévoisin

 

Dessinée sous la forme d’une arborescence, elle devient très visuelle. Elle facilite la prise de décision et la motivation des équipes.

Dans l’équation retail, tous les KPIs se multiplient et se divisent entre eux.

Si le trafic augmente mais que le POS fait le même nombre de transactions, alors le taux de transformation baisse. Si le panier moyen augmente, cela peut être que le UPT a augmenté et le Prix par unité a baissé, ou le contraire.

Quelles sont les définitions de chaque KPI ?

 

Le trafic, c’est le nombre de personnes entrant dans votre boutique. Cela paraît simple mais c’est probablement le chiffre appréhendé de la façon la plus diverse par les boutiques.

En effet, si le système de comptage est automatique (Shopper Tracker ou autre), alors il compte les vendeurs à chacun de leur passage.

Si le système est manuel (en général fait par les vigiles à la porte), alors comment compter les enfants ? Difficile de leur demander leur âge et à partir de quel âge est-on un client potentiel ?

Dans certains points de vente, les couples, les duos ou trios qui arrivent ensemble comptent seulement pour 1. On supposerait que seulement un seul de ces duos ou trios pourrait acheter.

Finalement, peu importe la façon de compter, ce qui est important c’est de toujours compter de la même façon, jour après jour, année après année, afin de pouvoir faire des comparaisons.

C’est pourquoi il est recommandé de compter tous les entrants, sauf les enfants dans leur poussette !

 

Le nombre de transactions ou nombre de tickets est le nombre de transactions enregistrées dans la caisse. Il est en général égal au nombre de clients ayant acheté. Mais, pas toujours, notamment quand le client passe à la caisse une deuxième fois, soit parce que le magasin est grand et organisé par départements, soit parce qu’il a eu envie d’un autre article sur le chemin de la sortie.

Dans l’équation retail, nous gardons le nombre de transactions car le nombre de clients est une information qui n’est pas en lecture immédiate sur la caisse mais ne peut être obtenue qu’en obtenant la data venant du CRM.

 

Le taux de transformation est le pourcentage de personnes ayant fait un achat sur le nombre d’entrants. Si un trio de copines achète un rouge à lèvres, il sera de 33 %. Mais si chacune choisit un rouge à lèvres, il sera de 100 %.

En général, dans les surfaces alimentaires, le taux de transformation est proche de 80 % : il est rare de sortir d’un Franprix ou d’un Auchan sans rien, mais certains couples font les courses à deux.

Dans les boutiques haut-de-gamme et luxe, le taux de transformation varie selon la zone d’implantation du magasin : dans un lieu à fort trafic, il peut être entre 8 % et 15 %. Dans un lieu qui a moins de passage, quand la boutique est un lieu de destination, ou que les vendeurs sont très efficaces, il peut monter à 20-22 %.

On voit que le taux de transformation est lié à la façon dont la boutique gère le flux client : si elle décide de le maîtriser en créant une file d’attente à l’extérieur, elle va réduire le trafic en décourageant certains entrants et donc augmenter artificiellement le taux de transformation.

Le nombre de transactions, le trafic et le taux de transformation composent le « haut de l’équation retail ». La performance de cette partie de l’équation représente la capacité des vendeurs à accrocher les clients.

L’autre partie de l’équation retail décompose les transactions, ou tickets :

 

Le UPT (nombre de Units per Ticket or per Transaction) ou IDV (indice de vente) est le nombre moyen de produits par transaction.

Il dépend de la nature des produits vendus : pour les voitures ou les bagues de fiançailles, il sera très proche de 1 (il est rare qu’un client achète deux voitures le même jour) ; pour des assiettes, des draps ou de l’alimentaire, il sera très haut. Dans le textile, il peut monter à 2 et dans le luxe, pour les accessoires et la beauté, un UPT entre 1,5 et 1,9 est un bon score.

Relié au UPT est le % de cross-selling. Le cross-selling est aussi appelé vente complémentaire. C’est la technique de vente qui fait acheter aux clients des produits de catégories différentes. Par exemple, une cliente cherche une robe et le vendeur lui propose des chaussures en plus de celle-ci.

Une vente d’un deuxième produit de la même catégorie sera appelée vente additionnelle mais ne sera pas un cross-selling.

Le cross-selling est un axe stratégique pour les marques afin d’augmenter la perception d’une marque lifestyle. Par exemple, en 1998, Louis Vuitton s’est lancé sur de nouveaux métiers comme le prêt-à-porter, les souliers, l’horlogerie et la joaillerie. La capacité des vendeurs à faire du cross-selling de la maroquinerie vers les nouveaux métiers a été cruciale pour s’imposer comme une marque globale.

 

Le prix moyen à l’article est le montant moyen d’un article acheté. Si un client achète deux produits pour un montant total de 100 €, le prix moyen à l’article sera de 50 €, même si le premier produit vaut 5 € et le second 95 €.

Le prix moyen à l’article dépend de l’assortiment de la boutique. Si l’assortiment comprend des articles à des prix avec un fort écart type, il sera possible de le faire augmenter. Si les articles ont un prix moyen proche (chez Uniqlo quasiment toutes les mailles sont à 35€ !), ce prix moyen à l’article sera une variable plus difficile à actionner.

 

Le panier moyen est le montant moyen dépensé par transaction. Il est le produit du nombre d’articles dans le panier et du prix à l’article.

Le panier moyen peut augmenter sous l’effet de l’augmentation du nombre d’articles par transaction ou d’une hausse du prix moyen à l’article. On pressent bien que les stratégies sont différentes.

Les tendances qui émergent à peine et auxquelles vous croyez le plus ?

 

A M-D : Je crois beaucoup à l’IA pour enrichir l’expérience client en boutique en créant des environnements immersifs, pour transformer des lieux en bulles de voyage et de rêve. Arrêter le temps, faire une pause, déconnecter, c’est ce qu’on désire tous, non ?

Si vous deviez donner un seul conseil à un lecteur de cet article, quel serait-il ?

 

A M-D : Store Impact est un ouvrage qui se lit en picorant les chapitres deci delà en fonction des enjeux auxquels vous êtes exposés. Une réflexion, une analyse, une recommandation vous parlera aujourd’hui ou peut-être dans quelques semaines. Pas besoin de tout lire d’une traite !

En un mot, quels sont les prochains sujets qui vous passionneront ?

 

A M-D : Je suis de plus en plus intéressée par l’engagement des équipes de vendeurs dans la performance. Depuis quelques mois, j’ai constaté l’impact phénoménal de plonger les vendeurs dans des sujets que la plupart des marques réservent aux managers comme le pilotage des KPI. Plus les vendeurs se sentent acteurs de la performance, plus ils retrouvent le sens de leur labeur et s’épanouissent dans leur job. Et restent fidèle à leur employeur !

De plus en plus de mes missions chez mes clients concernent les sujets de référentiels de compétence, de rémunération et de parcours de carrière.

L’autre sujet d’avenir est comment on ancre les apprentissages. Toutes les Retail Académies travaillent sur le « blend learning » depuis des années mais peu ont trouvé la méthode idéale. Je m’oriente de plus en plus vers la production de vidéos format Tik Tok (1 minute) que les formés peuvent consommer facilement, quand ils veulent, où ils veulent. Mes méthodes de facilitation graphique permettent un meilleur ancrage en sollicitant l’intelligence visuelle.

 

Merci Arielle Monnerot-Dumaine

 

Merci Bertrand

 

Le livre : Store Impact, la revanche du retail, Alexis de Prévoisin, Arielle Monnerot-Dumaine, Dunod, 2024.