Si le gaspillage alimentaire est une honte, le gâchis humain l’est tout autant
Avec « L’Empreinte singulière ou la quête de sa raison d’être », Jean Watin-Augouard explore l’urgence existentielle de retrouver sa vocation, entre quête individuelle et responsabilité collective. Un ouvrage profond qui questionne notre place dans le monde et notre manière d’y laisser une trace.
Bonjour Jean Watin-Augouard, pourquoi avoir écrit ce livre… maintenant ?
Jean Watin-Augouard : L’Empreinte singulière ou la quête de sa raison d’être est le quatrième opus d’une réflexion sur la vocation destinée à réenchanter à la fois notre vie personnelle et professionnelle, et contribuer à un monde plus humain.
Pourquoi, aujourd’hui, parler de la vocation ? Parce que, tout simplement, tout le monde en parle ! Mais être dans l’air du temps ne vaut pas pour autant confirmation de son évidence ni d’être dans l’ère d’un nouveau temps. Le mot a resurgi en 2020 depuis la crise de la Covid. Il est sorti de la pénombre pour entrer dans la lumière. Il n’est d’articles de presse, d’émissions de radio, télévision… sans qu’il ne soit écrit ou prononcé.
Pour autant, on en parle mal, car le mot a encore, dans l’imaginaire de bon nombre de personnes, une connotation religieuse. Il suffit d’interroger son entourage pour s’en convaincre. Il est également trop souvent synonyme de métier quand celui-ci n’est qu’une manière d’accomplir sa vocation.
Parler de la vocation, car il y a urgence. Si le gaspillage alimentaire est une honte, le gâchis humain, gâchis de talents l’est tout autant. Les combattre et les éradiquer doivent être placés au cœur des combats sociétaux. Ne pas y participer c’est se rendre coupable de non-assistance à personne en danger, d’ignorer sa raison d’être et d’agir dans le monde, de ne pouvoir accomplir sa vocation. Combien de personnes ont glissé, glissent ou glisseront sur leur vie sans exister réellement ? Même si la vocation ne résume pas la vie, ne contient pas toute la vie, que de destins contrariés. Que de jeunes conduits vers des impasses, des frustrations après avoir été bercés d’illusions avant d’avoir été sensibilisés à leur… vocation ! Que d’emplois subis par obligation pour répondre aux besoins essentiels (se nourrir, se vêtir, se loger soi-même et sa famille…) quand le métier devrait être choisi, si possible, par vocation. On promeut le salaire « décent ». Quid alors du travail qui doit lui aussi être décent grâce au métier choisi par vocation ?
Urgence toujours, car depuis la crise de la Covid, des questions existentielles – quel sens donner à sa vie, que peut-on en attendre, pourquoi, pour quoi, pour qui et comment donner le meilleur de soi-même ? etc. – témoignent d’un malaise et mal-être. Comment s’exprime-t-il ? Qui par un désarroi, qui par une angoisse, sur fond de désenchantement pour certains, de crainte de décadence pour d’autres, de régression, d’incertitude des lendemains qui ne promettraient plus de chanter.
La vocation répond à un triple enjeu :
Un enjeu personnel
La vocation participe de la raison d’être de la personne et de sa finalité sur terre. Elle est amenée à donner le meilleur d’elle-même en apportant sa pierre à l’édifice et à accomplir son destin.
Un enjeu sociétal
Par sa vocation, l’être humain se sociabilise en s’intégrant par ses place, rôle et contribution dans la société. Notre « moi individuel » doit se conjuguer avec notre « moi social ».
Un enjeu universel
L’humanité est « appelée », de génération en génération, à poursuivre, de manière singulière, la construction du monde pour le parfaire, chaque être humain y apportant sa part.
Une page de votre livre, ou un passage, qui vous représente le mieux ?
J.W.-A. : La question de l’origine et la cause de l’appel (ou vocation) nous bousculent, nous interpellent, nous dérangent parfois, satisfaits que nous sommes de demeurer souvent dans notre zone de confort. Émettons l’hypothèse que la vocation est le fruit d’une rencontre provoquée par un double appel, celui qui vient de soi en quête d’une raison d’être sur Terre (in-vocation) et celui lancé par le Monde (pro-vocation) à la recherche d’une harmonie, d’une paix. Ce double appel est au cœur du réacteur. De la tension, insatisfaction, frustration, inconfort, souffrance entre les deux pôles, soi et le Monde, et leur confrontation, surgit l’étincelle créatrice, celle de la vocation pour défendre une cause, engager un combat qui nous fait vibrer. Loin de tout dolorisme, puisque de la souffrance, de l’inconfort va naître la joie, la délivrance, l’émancipation. Nous sommes convoqués (con-vocation) au tribunal des flagrants défis pour expérimenter notre réponse au double appel, la valider puis enfin contribuer, laisser notre empreinte (voc-action) !
Les tendances qui émergent à peine et auxquelles vous croyez le plus ?
J.W.-A. : La quête de notre raison d’être sans laquelle la vie n’a que peu de sens.
La quête de la vocation, c’est la rencontre entre l’individu, son histoire, ses talents… et le monde qui l’attend.
Si vous deviez donner un seul conseil à un lecteur de cet article, quel serait-il ?
J.W.-A. : Chercher avec patience mais détermination ce qui ne peut pas ne pas être en lui, sa vocation, pour l’accomplir.
Explorer ses talents uniques pour trouver sa « signature » personnelle ;
Réconcilier aspirations individuelles et contribution au monde.
En un mot, quels sont les prochains sujets qui vous passionneront ?
J.W.-A. : Je m’interroge sur les relations entre emploi, travail et métier. On semble focaliser les priorités sur le travail (le comment faire ?) quand c’est le métier (comment être ?) qui semble primer.
Si les personnes ne veulent plus ou moins travailler c’est, je présume, parce qu’elles n’ont pas trouvé le métier avec lequel elles peuvent laisser leur empreinte, le métier qui les fait lever le matin avec enthousiasme, avec lequel elles peuvent, professionnellement, s’accomplir.
Le ministère du travail devrait devenir le ministère des métiers, et France travail, France métiers !
Merci Jean Watin-Augouard
Merci Bertrand Jouvenot
Le livre : L’Empreinte singulière ou la quête de sa raison d’être », Jean Watin-Augouard, Nombre7, 2025