Vivre avec ce que nous avons déjà de disponible
Alors que notre modèle de développement semble à bout de souffle, Économie circulaire de François-Michel Lambert et Walter Stahel (Dunod) explore les conditions d’un basculement vers une autre économie. Loin des utopies, les auteurs tracent un chemin concret pour réconcilier croissance, innovation et durabilité.
Bonjour François-Michel Lambert, pourquoi avoir écrit ce livre… maintenant ?
François-Michel Lambert : Ne voyez-vous pas l’impasse de notre modèle de développement qui ne tient pas compte des limites planétaires et l’utopie des solutions technologiques qui ne répondent que marginalement à cet enjeu ?
A-t-on à ce point oublié le rapport Meadows-Club de Rome de 1972 ?
Ce livre ne fait que s’inscrire dans une continuité de plus de 50 ans d’alerte mondiale et reconnue, s’appuyant sur près de 50 ans de travaux de Walter Stahel et consorts pour repenser nos modèles afin de vivre avec ce que nous avons déjà de disponible plutôt que de croire au miracle d’un approvisionnement extra-terrestre une fois les ressources planétaires épuisées.
Walter Stahel a publié plus de 500 livres et publications scientifiques dont 12 livres sur l’économie circulaire, traduit dans 17 langues. Paradoxalement, cet ouvrage n’est que le 2e en langue française, après Les Limites du Certain de 1990 co-écrit avec Orio Giarini.
C’est d’une certaine manière un livre fondateur pour une nouvelle dimension de l’économie circulaire industrielle, bien plus qu’un concept : c’est ce qui est déjà en train de se mettre en place et inéluctable modèle de demain.
Une page de votre livre, ou un passage, qui vous représente le mieux ?
F.M.L. : Ce n’est pas un livre sur ma vie et mon œuvre, ma gloire. Et ce même si je m’appuie sur mon expérience de député et d’acteur majeur de la première heure sur l’économie circulaire.
Je recommande les 5 pages du sommaire.
Et pour ceux qui ne peuvent lire 5 pages, lisez l’épilogue qui vous donnera l’esprit du livre.
Les tendances qui émergent à peine et auxquelles vous croyez le plus ?
F.M.L. : Le cygne noir est la tendance qui émerge !
C’est-à-dire on ne sait pas ce qui va se passer.
Nous essayons dans ce livre, comme d’autres, de comprendre les tendances et les mutations profondes qui vont affecter notre société.
Est-ce la fin de la disponibilité abondante du cuivre ?
Est-ce une rupture brusque de notre modèle occidental de l’économie industrielle linéaire sous la pression de la raréfaction de l’accès aux ressources vierges et un basculement, grâce à l’IA et la performance numérique, vers un modèle exploitant le stock de produits déjà disponibles ?
Ce dont on est certain, c’est que la couleur de la prochaine tendance est noire comme un cygne.
Et un cygne noir c’est beau et majestueux ! Mais surprenant…
Si vous deviez donner un seul conseil à un lecteur de cet article, quel serait-il ?
F.M.L. : Merci au lecteur d’avoir lu jusqu’à la 4e question ! Je n’ai pas de conseil, qui suis-je pour le faire ?
Chacun naviguera dans mes affirmations et se construira avec son expérience son propre cheminement, en respectant toutefois les certitudes comme la loi de l’entropie, un indépassable physique que certains dépassent allègrement dans leurs modèles économiques… ils sont forts ces gars qui se pensent supérieurs aux règles de l’Univers !
En un mot, quels sont les prochains sujets qui vous passionneront ?
F.M.L. : En deux mots : « Empreinte Matières »
L’empreinte matières correspond au besoin annuel de matières vierges pour chaque individu. En France, il faut compter sur 20 tonnes de matières vierges arrachées quelque part sur la terre chaque année pour satisfaire notre modèle de vie.
Or, l’équilibre planétaire doit être en égalité parfaite à 5t/an et par habitant. Nous en sommes très loin et même les meilleurs scénarios prospectifs de l’ADEME ne peuvent descendre que jusqu’à 14t/an et par Français. L’ADEME d’ailleurs lance une grande démarche pour trouver des scénarios à 10t/an et par Français à l’horizon 2050. Et je peux vous dire que cela va être une rupture, un monde que l’on ne connaît pas. Et nous n’avons pas le choix, sauf à enclencher une guerre mondiale, de réussir ce défi.
« Empreinte matières » deviendra très vite la prochaine sémantique environnementale de toutes les entreprises, des engagements politiques et des médias.
Merci François-Michel Lambert
Merci Bertrand Jouvenot
Le livre : Économie circulaire, François-Michel Lambert & Walter Stahel, Dunod, 2025.