Nos points de fragilité peuvent devenir nos plus grands talents

Et si incarner son leadership, c’était avant tout réhabiliter son corps, ses émotions… et sa saine agressivité ? Dans Renforcer et incarner son leadership, Emmanuelle Mailliart partage une vision incarnée et profondément humaine du développement personnel et collectif, nourrie par la Gestalt et la sociologie clinique.
Bonjour Emmanuelle Mailliart, pourquoi avoir écrit ce livre maintenant ?
Emmanuelle Mailliart : Mon premier livre était arrivé suite à une demande d’un éditeur. Renforcer et incarner son leadership a émergé de manière différente, comme une évidence à un carrefour personnel et professionnel. Il s’est littéralement imposé à l’intérieur de moi, pas forcément bien sûr, dans sa forme finale mais comme un mouvement interne puissant.
Gestaltiste depuis 30 ans, coach depuis 18 ans, formatrice et superviseur de coach depuis 14 ans, j’avais le sentiment de plutôt bien maîtriser mon métier. J’ai beaucoup appris et j’apprends encore au contact de mes clients, je continue de me former, d’être supervisée, et suis donc toujours en mouvement, pleine d’une « en-vie » et d’un besoin d’explorer, de chercher, de penser…
En découvrant la sociologie clinique, à travers différents ouvrages, j’ai décidé d’approfondir cette voie en suivant un master 2 en psychosociologie et sociologie clinique, en parallèle de mon métier.
Ce livre est donc pour moi, à la fois, une capitalisation d’un certain nombre de mes apprentissages et une envie de transmettre, de rendre accessible des ouvertures de développement, au plus grand nombre.
Il marque un passage : une manière de clôturer et d’ouvrir.
Une page de votre livre ou un passage qui vous représente le mieux ?
E.M. : J’adore cette question, et à la fois il est difficile de sélectionner car les thèmes traités et choisis parlent tous forcément aussi de moi. J’ai choisi deux thèmes en polarité pour moi et qui représentent aussi toutes les différentes facettes de ce qu’un « je » peut être.
En premier lieu (page 87) ces deux phrases :
« Notre sentiment de sécurité interne est le support du développement de notre capacité à faire et à oser. La capacité à s’abandonner permet de mieux sentir ce qui se passe dans la situation et d’être davantage disponible pour son environnement ».
Le développement de la capacité à s’abandonner et s’appuyer sur les autres est un enjeu essentiel pour chacun afin de trouver les ressources de se mobiliser. Et c’est, à la fois, ce que je dois continuer à travailler moi-même (encore et encore) et une des choses que je sais le mieux faire dans mes accompagnements : donc nos points de fragilité peuvent devenir aussi nos plus grands talents !
En second lieu, cette 2e phrase (page 112) :
« Si la représentation commune de l’agressivité est plutôt négative, il s’agit d’un mouvement sain et nécessaire qu’il est intéressant de réhabiliter. Ad-gressere signifie « aller vers le monde » : c’est un mouvement qui nous permet de nous mobiliser ».
Cette réhabilitation de la saine agressivité est pour moi un enjeu essentiel pour chacun et notamment dans les collectifs, dans le développement de la capacité à se différencier. Je porte fortement (parfois trop) cette reconnaissance et cette mobilisation.
Les tendances qui émergent à peine et auxquelles vous croyez le plus ?
E.M. : Je reste convaincue et mobilisée sur l’importance de faire vivre le continuum corps, émotion, imaginaire et réflexif dans les organisations, remettre de l’incarnation dans des périodes de virtualisation (IA, Visio) et d’individualisation fortes.
Un autre enjeu est de renforcer les collectifs de travail, le lien social dans les organisations, et soutenir le développement des compétences collectives, tout en remettant le plaisir au centre du travail. Si le travail peut être source de souffrance, contrainte ou anxiété (selon les contextes professionnels vécus), il est ou devrait être avant tout vecteur d’épanouissement.
Pour cela, il serait bon de permettre aux leaders et managers de mieux comprendre les mécanismes plus globaux dans une organisation ou un groupe, voire dans les fonctionnements personnels. Plus nous pouvons mettre de la conscience et de la compréhension sur les situations, plus nous sommes à même de trouver des réponses ajustées.
Si vous deviez donner un seul conseil à un lecteur de cet article, quel serait-il ?
E.M. : La posture de coach n’est pas une posture de conseil donc j’ai plutôt envie de vous faire confiance et de simplement vous inviter à quatre choses :
- Explorer et expérimenter ce que la dimension corporelle peut vous apporter et lui faire confiance
- Ne pas chercher à faire toujours tout seul, nous avons tous besoin d’un Autre pour trouver du support et se déployer
- Ouvrir les possibles : il ne s’agit pas de chercher à atteindre des idéaux ou de s’illusionner mais s’autoriser à rêver des autres possibles
- Rechercher la tendresse pour soi : nous bloquons tous, nous avons tous nos freins, nos empêchements. Ce n’est peut-être pas agréable mais ils nous disent quelque chose de nous, tentons de ne pas les rejeter mais apprivoisons-les.
En un mot, quels sont les prochains sujets qui vous passionnent ?
E.M. : Ils sont multiples ! Et avec cette année de Master et l’approfondissement de la Gestalt, je vais me laisser le temps de voir ce qui émerge. Disons que j’ai quelques envies : développer les notions de collectif et de lien, la question de l’engagement, la question de la place, le plaisir au travail…
Merci Emmanuelle Mailliart
Merci Bertrand Jouvenot
Le livre : Renforcer et incarner son leadership, Emmanuelle Mailliart, Pearson, 2025.