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Ils ont traduit, ils ont appris… à en faire plus en travaillant moins

Le traducteur d’un livre entretient nécessairement une relation particulière avec son auteur et finit par connaître son oeuvre mieux que quiconque. C’est pourquoi nous interviewons régulièrement ces hommes et ces femmes de l’ombre afin qu’ils partagent avec nous leur compréhension intime des meilleurs ouvrages. Dans le cadre de notre série « Ils ont traduit. Ils ont appris… », voici donc l’interview de Jean-Yves Katelan, traducteur de Et si on se reposait ? d’Alex Soojung-Kim Pang.

Bonjour Jean-Yves Katelan, quelles réflexions vous a inspiré ce travail de traduction ?

Aux Etats-Unis, la « valeur travail » est ancrée dans la société de façon quasi religieuse. J’ai bien aimé observer la façon dont un Américain remettait en cause cette notion. Effectuant un travail à la fois mécanique, créatif et long – la traduction –, j’étais moi-même assez bien placé pour juger, voire mettre en pratique, les idées d’Alex Pang. Il est clair en particulier que, sur des travaux de longue haleine de ce type, il arrive un moment (de la journée ou de la semaine) où continuer à travailler ne sert à rien; le rythme est lent, la qualité médiocre, les erreurs fréquentes, les oublis nombreux, et il faut tout reprendre le lendemain. Donc, oui, la notion de « repos » mérite d’être prise au sérieux. Même sur le plan de la productivité.

Qu’aimeriez-vous nous apprendre sur l’auteur ?

Je n’en sais pas long sur lui. Mais il incarne malgré lui plusieurs stéréotypes: un Américain (pays où aime « travailler dur »), d’origine sud-coréenne (un des pays où on travaille le plus depuis le plus jeune âge), spécialisé dans la high-tech (secteur où on travaille volontiers jour et nuit, « en mode 24/7 » comme on dit)… Son message, qui vient prendre le contre-pied de cette triple caricature, n’en est que plus audible.

Qu’imaginiez-vous trouver dans ce livre en l’ouvrant pour la première fois ?

Je craignais qu’il ne s’agisse d’une nouvelle mouture de la recherche du « bonheur au bureau ». L’équivalent du green-washing dans le monde corporate, où on ne sait plus très bien comment justifier les aspects les plus rigides et/ou absurdes de la vie au bureau. Mais en décortiquant les illustrations de sa « révélation », j’ai eu le sentiment que l’auteur était sincère. Et donc convaincant.

Qu’aviez-vous appris en définitive, lorsque vous avez écrit le mot FIN de cette traduction?

Pas mal de choses intéressantes. L’essentiel étant que le repos, ce n’est pas rien faire, que ça fonctionne en symbiose avec le travail – on retrouve le yin et le yang –, et surtout qu’il faut se battre pour oser lui laisser de la place et du temps. J’ai par exemple adopté les routines matinales et les courtes siestes. (Au passage, Bertrand, on n’écrit presque plus jamais le mot FIN à la fin des livres. A la prochaine, donc.)

Merci Jean-Yves Katelan,

Merci Bertrand.

Le livre, Et si on se reposait ? d’Alex Soojung-Kim Pang, De Boeck Supérieur, 2019