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Va-t-on enfin pourvoir concilier maternité et développement professionnel

Dans leurs carrières, les femmes se heurtent souvent à leurs « plafonds de mères » faute de pouvoir atteindre le plafond de verre. Comme les sujets de la maternité et du développement professionnel sont très peu traités « ensemble », Bérangère Touchemann les a réunis dans un livre : Working Mum 10 séances d’autocoaching pour réinventer sa vie. L’auteure, avec un « e », nous parle de son livre.

 

 

Bonjour Bérangère Touchemann, pourquoi avoir écrit ce livre… maintenant ?

 

Pour moi, il y a deux questions dans votre question 🙂

La première, est « pourquoi avoir écrit ce livre ? ». Pour vous répondre, revenons 7 ans en arrière, à la création de mon cabinet. Je lance alors en ligne une activité d’accompagnement des transitions professionnelles, destinée aux cadres en panne de sens au travail. Mes clients sont des femmes et des hommes de tous âges et de tout secteur d’activités, sur toute la francophonie.

Deux facteurs m’ont beaucoup aidée à développer mon entreprise et à me faire connaître : D’abord, mon site a été vite et bien référencé sur les bons mots-clés, et ensuite ma présence intensive sur Twitter m’a rendue visible auprès des journalistes. Ce qui m’a valu d’être consultée régulièrement pour mon expertise par des dizaines de titres de presse.

Année après année, j’ai senti l’engouement s’intensifier autour du sujet de la perte de sens au travail, et mon entreprise montait en puissance et en visibilité.

Puis est arrivée la naissance de ma deuxième fille. Et à ce moment-là, j’ai ressenti le besoin de resserrer mon champ d’action sur l’accompagnement de la gestion de carrière des mères de famille. Ce champ était très important pour moi, et je m’étais donnée pour mission de faciliter les choix et la progression professionnelle des working-mums. Par exemple en les aidant à mieux négocier leur salaire et conditions de travail, mieux se vendre en entretien d’embauche, mieux se positionner sur les opportunités de mobilité, créer leur entreprise, vendre leurs compétences à leur juste prix, etc.

 

C’est à ce moment-là que… les journalistes ont quasiment arrêté de m’appeler pour me consulter.

Pourtant, ma stratégie de visibilité digitale m’amenait toujours beaucoup de trafic et de clientes, et la quête de sens au travail devenait un réel sujet de société.

J’ai alors réalisé que je m’étais tout simplement heurtée à mon tour au « plafond de mère » (terme que l’on doit à Marlène Schiappa).

Les sujets de la maternité et du développement professionnel sont en fait très peu traités « ensemble » et avec visibilité dans l’espace médiatique. Hormis ponctuellement dans la presse féminine ou parentale, ou pour parler de discriminations et d’inégalités salariales. Mais les ouvrages pratico-pratiques bien référencés en librairies sur le sujet, se comptent sur les doigts d’une main.

 

C’est là que je peux répondre à votre question de « pourquoi maintenant » 🙂

La sérendipité a remis sur ma route Fabienne Broucaret, la directrice de collection des ouvrages My Happy Job aux éditions Vuibert. Je lui ai proposé un sujet d’article sur la gestion de carrière des working-mums pour son webzine My Happy Job, et elle m’a proposé d’en faire un livre. J’ai tout de suite accepté : c’était pour moi l’occasion de créer un nouvel espace de visibilité consacré à la carrière des working-mums. Donc à leur donner de la voix.

 

 

Une page de votre livre, ou un passage, qui vous représente le mieux ?

Je vais plutôt vous parler de mon chapitre préféré du livre, qui est le chapitre 10 : « Trouver l’équilibre pour préserver sa santé ».

Je pars d’un constat simple : Les working-mums sont épuisées. Elles cumulent le shift professionnel et le shift domestique (travail éducatif et ménager, intendance familiale), qu’elles sont encore une majorité à porter.

Elles doivent relever les challenges d’un monde du travail au sein duquel leur production est moins valorisée et récompensée que celle des hommes, à compétences égales. Elles rentrent chez elles, et elles enchainent avec le travail domestique.

 

À cette double journée s’ajoute la pression d’une société toujours organisée de manière à ce que la femme soit attendue et performante prioritairement sur les sujets de la sphère domestique et éducative (parentalité positive, repas faits maison, transition écologique de la famille, être une « bonne mère »…).

Imaginez devoir porter cette charge, avec un, deux voire trois enfants, avant et après votre journée de travail ? Et je ne parle même pas de la notion de « dette de sommeil », quand les enfants sont en bas âge.

Oui, la working-mum est donc une sportive de haut niveau.

 

Dans ce chapitre 10, j’ai donc voulu expliquer qu’un recentrage sur elle-même était nécessaire, pour que la working-mum puisse sortir du mode pilote automatique et ne pas foncer tout droit vers le burn-out.

Ce sujet me représente bien, car en tant que cheffe d’entreprise et maman de deux petites filles de moins de 5 ans, je dois moi-même me montrer vigilante et préserver mon corps et mon esprit de tout ce « il faut que » ambiant.

Nous sommes toutes dans le même bateau J

 

 

Les tendances qui émergent à peine et auxquelles vous croyez le plus ?

Je crois beaucoup « au monde d’après » tel que certaines working-mums de ma communauté me l’avaient partagé sur les réseaux pendant le confinement.

Avant toute chose, rappelons que cette période a creusé les inégalités entre les femmes et les hommes dans les couples hétérosexuels. Maman y a assuré encore davantage le travail domestique et éducatif qu’habituellement, tout en réalisant son travail professionnel dans de moins bonnes conditions que papa. Elle a aussi majoritairement porté la charge mentale et la charge émotionnelle du foyer.

 

Alors les mères de famille ont eu des envies d’un monde différent.

Un monde où chacun œuvrerait pour la protection de la planète : moins d’emballages, moins de produits industriels, moins de violence dans l’alimentation, davantage de consommation locale…

Davantage de partage aussi, et un retour aux valeurs « importantes » liées au sens : écologie, transmission des savoirs, impact et utilité sur le monde, réappropriation du temps et solidarité, notamment.

Oui, cette tendance émergente de la conscience écologique et de la citoyenneté me séduit beaucoup et j’ai envie d’y croire.

 

MAIS…telle qu’elle est mise en œuvre actuellement, elle ne m’inspire pas confiance du tout : Notre économie est toujours basée sur une croissance mesurée par le PIB pour presque unique indicateur, or c’est bien ce modèle productiviste qui épuise les ressources de notre planète, ce qui est un non-sens, d’après moi.

Et pendant ce temps-là, les working-mums tentent de porter la transition écologique à bout de bras au niveau familial, en prenant leur vélo pour aller chercher leurs courses en vrac, en arrosant leur carré de potager urbain, en gardant leurs épluchures pour leur poule, en passant leur dimanche à « batch-cooker » pour espérer pouvoir gagner quelques précieuses minutes un soir en semaine.

Bref, le monde d’avant.

 

Si vous deviez donner un seul conseil à un lecteur de cet article, quel serait-il ?

 

Aux lecteurs : intéressez-vous aux mères que vous connaissez. Regardez autour de vous et tentez de trouver la femme pour qui concilier sa vie professionnelle et sa vie de mère a été réellement simple. Celle qui n’a eu à renoncer à rien (puis écrivez-moi, car son nom m’intéresse J).

 

Aux lectrices et en particulier aux working-mums : intéressez-vous à vous-même (pour une fois J ).

 

En un mot, quels sont les prochains sujets qui vous passionneront ?

 

L’écoféminisme, bien sûr. Qui d’après moi peut nous aider à être résilient.es face aux crises qui nous attendent.

L’économie de l’ancien monde a permis pendant des décennies à beaucoup d’accéder au confort matériel, à la sécurité et à la santé.

Mais cette période de prospérité matérielle (très imparfaite dans sa répartition) est de la taille d’un confetti, à l’échelle de la planète. Et ce modèle de très court terme n’a pas eu l’humilité de tenir compte du caractère épuisable des ressources naturelles de la Terre.

Le monde tel qu’il est dominé actuellement par une poignée d’hommes sur un modèle productiviste et prédateur de ressources, crée de plus en plus d’inégalités et de pénurie, qui amèneront dans le futur, davantage d’insécurité et de violence.

 

L’écoféminisme pense que l’écologie et le genre doivent se penser ensemble. Je le crois également, et avec mon livre j’offre une première possibilité aux working-mums de (re)prendre la main sur leur destin professionnel.

 

 

Merci Bérangère

 

 

Merci Bertrand

 

 

Le livre : Working Mum 10 séances d’autocoaching pour réinventer sa vie , Bérangère Touchemann, Vuibert, 2020.