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Un livre simple et gérable pour comprendre comment les marques réussissent

Etudier la vision de Patagonia, l’ambition de M. Leclerc, le courage d’Always, l’idée du calendrier Pirelli, aide à apprendre les règles qui sont à la base de toute réussite durable des marques. Le second tome de Brand Success : 50 nouvelles réussites exceptionnelles du marketing et de la communication, écrit sous la direction de Marc Drillech révèle aussi combien l’art du marketing et de la communication doit prendre en considération les transformations puissantes qui vont modifier nos modes de vie dans les années futures . Écoutons le Directeur Général de Ionis Education Group nous parler de cet ouvrage.

Bonjour Marc Drillech, pourquoi avoir écrit ce livre… maintenant ?

Marc Drillech : Ce livre, le second tome d’un récit consacré aux grandes réussites des marques, ne répond pas à une temporalité. Il résulte de mon souhait que nos étudiantes et étudiants puissent disposer d’un outil simple et gérable, et le livre l’est encore, qui les aide à comprendre comment des marques réussissent. Il s’agit de comprendre les mécanismes qui font qu’on dépasse la seule concurrence rationnelle liée au prix, au produit, à la distribution, en créant une relation plus forte, en proposant une expérience plus passionnante, en installant un imaginaire plus valorisant, en étonnant dans un domaine souvent marqué par la confusion et la banalisation.
J’aime faire partager mon admiration pour celles et pour ceux qui construisent une différence populaire, brillante, courageuse. Alors que la culture dominante, dans les arts et par l’intermédiaire des réseaux sociaux, tend de plus en plus à catégoriser, j’espère proposer une ouverture d’esprit par la diversité des cas. Comprendre la vision de Patagonia, la personnalité de M. Leclerc et son ambition, le courage d’Always d’oser une campagne comme « like a girl », l’idée forte et si simple après-coup du calendrier Pirelli, de Myriam pour l’afficheur Avenir, aide à apprendre les règles qui sont à la base de toute réussite durable en ce qui concerne une marque.

Une page de votre livre, ou un passage, qui vous représente le mieux ?

M. D. : Franchement je n’en sais rien.
Peut-être la couverture … Elle est simple. Elle va à l’essentiel.
Sinon toutes les autres se ressemblent. Même format, même papier, même encre…

Les tendances qui émergent à peine et auxquelles vous croyez le plus ?

M. D. : C’est une question passionnante et complexe, essentielle et risquée car comment prévoir ? Comment avoir l’assurance de deviner l’impossible ? Il y a deux ans nous aurions souligné le boom du tourisme, des échanges planétaires, de la délocalisation, de la décrépitude des petites villes de province… Aujourd’hui on dit quoi ?
Je n’ai donc aucune certitude mais quelques indices, avec toute la probabilité relative. Et j’insiste sur ces doutes car l’histoire montre que la dialectique de la thèse/antithèse fonctionne malheureusement assez bien. Ainsi, les mouvements antiracistes ou pro-féministes conduisent aussi à des résistances plus violentes, à l’émergence d’une contre-contestation qui risque de contre-attaquer plus fortement. Ainsi, les appels à un respect parfois très dogmatique de la condition animale conduiront à des changements, entraînant de nouveaux conflits et contre-contestations.
Mais on ne peut difficilement exercer l’art du marketing et de la communication sans prendre en considération les trois transformations puissantes qui vont modifier nos modes de vie dans les années futures (c’est d’ailleurs pour cela que notre groupe, pour ses 40 ans, éditera en novembre 2020 un numéro spécial avec Uzbek et Rica sur le thème des « 13 questions pour la décennie »).
La première tient à l’accélération de l’individualisme, de la reconnaissance de chacun comme une entité totalement à part, des réclamations sans cesse plus fortes des droits (et bien moins des devoirs) de la personnalisation de tout ce que le marketing des marques et des services peut offrir. L’unité n’est plus la société, le groupe mais le « moi/je » dans toutes ses harmonies et contradictions.
La seconde tient à la digitalisation de plus en plus totale de nos sociétés avec de multiples avantages pour faciliter la vie quotidienne mais également des risques qui créent de nouvelles tensions et cassures : la rupture technologique pour certaines catégories, le fossé social face à la disposition ou non des savoirs, formations et techniques, des populations laissées pour compte, la perte de la confidentialité de sa vie, la surveillance totale, la transformation radicale des économies, du commerce, de l’organisation de la ville…
La dernière, évidemment, concerne la question centrale de l’environnement et de l’adaptation des états, des entreprises, des marques et avant tout, quand même des pratiques des individus. Il semble que nous soyons, avec les effets de la Covid, sur une accélération de la prise de conscience, sur une compréhension par les entreprises et les marques des nouvelles exigences. Mais il faut alors réfléchir sur les implications globales sur les relations entre les états, sur la perte relative de la mobilité et des voyages, sur les effets des relocalisations des uns et des autres sur l’emploi ou le prix des produits… Et sur la crédibilité très discutable de toutes ces marques qui viennent déclamer leurs prises de conscience, créant par cette similarité des comportements des facteurs croissants de non-crédibilité.
Individualisme, digitalisation et environnement forment les piliers d’une transformation sociale dont on perçoit aujourd’hui les avantages, parfois idéalisés, mais dont nous devrons malheureusement prendre davantage en compte les risques.

Si vous deviez donner un seul conseil à un lecteur de cet article, quel serait-il ?

M. D. : Question assez courante, question assez gênante car les conseils sont très faciles à donner mais bien plus difficiles à mettre e œuvre surtout si vous êtes un grand donateur mais d’une passivité totale… bref vous comprendrez que je n’ai pas une grande admiration pour les experts, les consultants et toutes sortes de gourous qui vous proposent de faire ce qu’eux-mêmes ne font pas.
Moi, je conseille aux étudiantes et aux étudiants, mais cela vaut au-delà de ce domaine que je connais, de cultiver à 360° l’art de l’éclectisme. Je leur propose de casser ces interdits qui conduisent à concentrer nos passions artistiques ou culturels, nos centres d’intérêt sur un même domaine. La richesse exceptionnelle de nos mondes et de nos cultures mérite qu’on puise à toutes les sources, que ce soit dans la littérature ou la musique, dans l’art ou dans les références professionnelles quand il s’agit de s’inspirer de succès remarquables. L’éclectisme c’est un droit qu’on s’accorde, dès lors qu’on est conscient de ce choix et même qu’on revendique. Passer d’un domaine à un autre, mélanger les genres, voir se succéder dans son Iphone Miles Davis, Georges Brassens, Led Zeppelin, Monteverdi pour finir par Avicii, ce n’est pas donné à tout le monde. L’éclectisme est une force parce qu’elle multiplie les sources de curiosité, d’inspiration et de passion. Or nous vivons, et un non grand merci aux réseaux sociaux, dans l’enfer des catégorisations alors même que Facebook, Instagram et compagnie nous assurent que nous vivons un paradis culturel ouvert pour tous et sur tout.

En un mot, quels sont les prochains sujets qui vous passionneront ?

M. D. : J’ai passé pas mal de temps à travailler sur ces cent succès de marques et j’ai eu envie de revenir à mes premières recherches. J’ai publié en 2011 « Le Boycott – Histoire, actualité, perspectives » qui faisait suite à une première étude sur ce sujet, alors assez peu abordé en France, « Le boycott, le cauchemar des entreprises et des politiques » paru en 1999. Je suis très heureux de constater que les conclusions présentées dans le « pavé » de 2011 étaient justes et que les risques évoqués ainsi que la croissance de ce phénomène correspondaient à mes hypothèses. Je vais donc me remettre à l’ouvrage et travailler dans les prochaines années sur un moment de l’histoire particulièrement tragique et riche d’enseignements, l’utilisation du boycott pour contrer la montée puis l’installation du nazisme, l’étude portant sur la période 1933 à 1936, de la prise de pouvoir à l’apogée des Jeux Olympiques de Berlin qui subirent un boycott international mais qui se conclurent sur un lourd échec pour les opposants. Donc vous constatez que du succès des marques, au cours des décennies et dans tous les secteurs, à l’étude des phénomènes de boycott sous toutes ses formes, je concrétise mon propos sur l’importance de l’éclectisme.

Merci Marc Drillech
Merci Bertrand

le livre : Brand Success : 50 nouvelles réussites exceptionnelles du marketing et de la communication, Collectif sous la direction de Marc Drillech, FYP Editions, 2019.