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Lever des fonds ça s’apprend

Une lever de fonds cache bien des pièges. Pourquoi foncer la tête la première comme une licorne, dans un monde qui a ses codes, ses règles, ses usages et  ses propres méthodes bien spécifiques. Si vous avez un business plan dans une main et un pitch investisseur dans l’autre, posez l’un des deux, le temps de prendre en main le dernier livre de Xavier Milin, Lever de fonds – Comprendre et maîtriser toutes les étapes (Editions Diateino, Mars 2018). La parole à un éleveur de leveurs… de fonds.

 

 

1. Bonjour Xavier, pourquoi avoir écrit ce livre… maintenant ?

J’accompagne des entrepreneurs de manière active depuis près de 7 ans maintenant, que ce soit au sein du Startup Leadership Program, un programme d’accélération international que j’ai lancé en France, au sein d’incubateurs ou d’entreprises que j’accompagne comme directeur financier.
J’ai souvent été surpris par la méconnaissance des sujets de levées de fonds. Il y a beaucoup d’attentes et d’émerveillement de la part d’entrepreneurs qui lisent les informations sur des montants levés très significatifs, sur les fameuses licornes, etc…
La réalité est différente. Combien de Licornes avons-nous en France en proportion du nombre de projets d’entrepreneurs présentés? Et déjà, combien de projets trouvent-ils réellement des investisseurs ?

Si ces temps-ci on peut voir que les fonds d’investissement français ont de l’argent, ce qui est une très bonne chose, cela ne signifie pas qu’ils vont le dilapider sur une multitude de projets. Ils vont se concentrer sur les projets à fort potentiel, et laisser sur le bas-côté les autres.

On trouve bien entendu des articles assez généralistes sur ces sujets, et j’avais remarqué que les livres sur la levée de fonds dataient un peu alors que les approches évoluent sensiblement.

Il était temps de proposer un livre aussi complet que possible qui pouvait accompagner le lecteur tant sur sa réflexion autour de ses besoins réels et potentiels investisseurs, que sur le processus de levée et la vie qui suivra, étape qui n’est pas la plus simple, croyez moi.

 

2. Une page de votre livre, ou un passage, qui vous représente le mieux ?

Difficile de dire qu’un passage d’un livre sur un sujet comme la levée de fonds pourrait me représenter.

Par contre il me semble que certains mots clés caractériseraient probablement et le livre et l’état d’esprit dans lequel je l’ai écrit.

Premier mot clé : Pragmatisme. Je pense que c’est un des thèmes principaux du livre et que c’est aussi une approche que j’ai tenté d’appliquer en l’écrivant. Je souhaitais faire un ouvrage pratique et concret, qui évite d’être trop technique, et qui puisse dédramatiser les sujets qui peuvent sembler complexes au premier abord. De son côté, l’entrepreneur se doit d’être aussi pragmatique que possible dans son processus de levée.

Second mot clé : Séduction J’ai tendance à comparer la levée de fonds avec un jeu de séduction. Si vous faites le parallèle, vous vous trouverez rapidement des similitudes en partant des premières étapes où vous vous présentez sur une estrade en présentant votre projet à la signature d’un contrat qui vous lie de manière très forte à vos investisseurs, en passant par l’ensemble des différents rendez-vous où chacun apprend à découvrir l’autre. Et attention, comme l’explique Frédéric Begbeider, l’amour dure 3 ans ….

Troisième mot clé : Négociation. Le processus de levée de fonds est aussi un sujet de négociation. Et tout est négociable ! Les entrepreneurs se focalisent trop sur des sujets comme la valorisation de leur entreprise, alors que bon nombre de sujets doivent aussi entrer dans le cadre des négociations, en commençant par le traitement des entrepreneurs. Tout n’est pas juste une question de pourcentage de parts détenues dans l’entreprise. Et un investisseur qui voit un entrepreneur ne pas négocier s’inquiète souvent de sa capacité à mener sa boite au quotidien.

Quatrième et dernier mot clé : Argent. Le nerf de la guerre, et une des principales raisons justifiant une levée de fonds et l’arrivée de nouveaux investisseurs. Là encore, le tout est de garder les pieds sur terre. Lever de l’argent ne fait pas de l’entrepreneur un homme riche, si ce n’est que virtuellement. C’est l’entreprise qui bénéficie de la levée de fonds pour se développer et créer de la richesse, et non l’entrepreneur qui fera peut-êre fortune le jour où il cédera ses parts.

 

3. Les tendances qui émergent à peine et auxquelles vous croyez le plus ?

J’aimerais répondre un peu différemment à cette question. Il y a des tendances qui m’intriguent surtout et que j’évoque dans le Livre.
Je pense tout particulièrement aux ICO, dont le nom rappelle les IPO ( entrées en bourse) , mais qui n’ont pas grand chose à voir.

En fait les ICO, Initial Coin Offering, ont fait parler d’elles en 2017 où elles ont dépassé le milliard de dollars de financement. Certains ont ainsi pu lever les dizaines de millions de dollars en 30 secondes. Incroyable, non ?
Il ne s’agit pas au sens stricte d’une levée de fonds, car il n’y a pas d’émission d’actions ni de dilution des parts, une telle opération étant alors régulée.

Ici vous avez un acteur qui crée une monnaie virtuelle, sous forme de jetons ( ou tokens en anglais) basée sur une des monnaies virtuelles comme le Bitcoin ou l’Ethereum. Ce sont ces jetons qui sont normalement utilisés dans le cadre de l’offre de service ou de produit qu’ils vont proposer à un marché d’investisseurs, que l’on pourrait plus comparer à des spéculateurs.

Je vais passer tous les détails techniques, mais disons qu’il s’agit d’opérations très rapides, très spéculatives, basées sur des projets qui ne sont pas toujours totalement rodés, et sur des monnaies qui fluctuent de manière forte au quotidien.

C’est clairement une tendance à suivre en 2018, d’autant que l’on a pu voir les valeurs de monnaies comme le Bitcoin, passer de 8000$ à 20 000$ en quelques semaines pour redescendre à 8000$ quelques jours plus tard.

Il faut s’attendre aussi à ce que les marchés soient régulés à terme.

 

4. Si vous deviez donner un seul conseil à un lecteur de cet article, quel serait-il ?

Il faut lever des fonds pour accélérer son activité et non lancer son activité pour lever des fonds.

La levée de fonds est un moyen et non une fin en soit.

 

5. En un mot, quels sont les prochains sujets qui vous passionneront ?

Je m’intéresse aux secteurs d’activité qui ne se trouvent pas encore trop bousculés par les nouvelles technologies.

C’est ainsi que j’ai beaucoup travaillé il y a plusieurs années sur les lancements des premières Fintech au sein de l’incubateur de Paris and Co faisant face alors à un monde bancaire qui ne savait pas trop comment se positionner, puis dans le secteur de l’Agritech plus récemment où les choses bougent très très vite.

Aujourd’hui, je pense que les secteurs juridiques, artistiques, par exemple vont donner lieu à de nouveaux acteurs, bénéficiant des avancées en Intelligence Artificielle et réalité virtuelle, ainsi que des technologies blockchain.

Bref, il reste pas mal de sujets à défricher dans les années qui viennent, qui sont autant d’opportunités pour les entrepreneuses et entrepreneurs français !

Merci Xavier