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L’ego ne paye pas l’impôt

Le monde digital fournit de multiples occasions de se mettre en avant. Mais la visibilité ou la popularité ainsi acquises permettent rarement de gagner de l’argent. En réalité, le digital rémunère autrement. 

 

Nous avons tous besoin d’exister, de sentir que les autres se rendent compte de notre simple présence sur terre. Certains d’entre nous ont besoin de se mettre plus en avant, d’être davantage vus, d’être plus écoutés… Un point que Mark Zuckerberg, diplômé en informatique et en psychologie, avait en tête lorsqu’il écrivit les premières lignes de code du site Facebook.

La mode est au self-branding, autant dire à la présentation de soi comme une marque, au marketing de soi-même, à l’auto-promotion permanente, au développement de sa notoriété, à la gestion de sa popularité, à la valorisation de l’engagement suscité, à la gestion de son niveau d’influence et même à sa monétisation. Un prétexte parfait pour donner à notre ego un immense terrain de jeu.

Mais les promesses des réseaux sociaux se réalisent inégalement. Tandis qu’une minorité d’élus parviennent à émerger de la foule, la grande majorité continue à espérer un jour connaître le même sort et ce faisant, participe au succès des premiers. N’oublions pas une réalité simple : la notoriété suppose une inégalité entre les hommes. Dit autrement, pour qu’une personne soit plus connue qu’une autre, il faut forcément que plusieurs personnes la connaissent, tandis qu’elle ne les connaît pas nécessairement elle-même. Une star ne connaît pas tous ses fans, mais tous la connaissent. C’est encore plus vrai de la popularité. Combien de star sont adulées, quand bien même elles sont égocentrées ? Le digital est en réalité le terrain de jeu favori des faux empathiques, celles et ceux qui font mine de s’intéresser à vous, simplement pour que vous vous intéressiez à eux. Bref, le monde numérique est un immense marché, dans lequel chacun investit son ego à la recherche de rendements, prétendument économiques, mais en réalité psychologiques.

Le corollaire de cette dynamique est que le digital devient une sorte de république, loin d’être démocratique. Une voix n’est pas égale à un homme. Certains détiennent plus de voix que les autres. Le monde numérique est en fait une république censitaire, dans laquelle il faut payer un impôt pour acquérir le droit de vote. Les plus riches en retirent un plus grand pouvoir. Et cet impôt se paye en temps passé (à développer son réseau, sa notoriété, sa popularité), en talents (sens de l’air du temps, écriture), en expertise (rédaction, réalisation vidéo, story-telling), en composantes de personnalité (réactivité, charisme, passion, implication…). La richesse se mesure alors en nombre de clics, de likes, de mentions…

 

Le digital ne remplira pas votre compte en banque, pas même en Bitcoin, Ethereum, Ripple ou autres crypto-monnaies. Le jeu en vaut-il la chandelle ? Faut-il continuer à tenter de devenir « quelqu’un » à tout prix, en ligne, au prétexte qu’une nouvelle économie se met en place, pour en réalité satisfaire des besoins psychologiques, sociaux, émotionnels, bien naturels et que la richesse de la vie réelle peut largement combler ? Quoi qu’il en soit, la création d’un impôt sur le niveau d’influence des ménages est peu probable.