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La question qui tue à Charlotte Appietto

Et si votre voisin de bureau s’apprêtait à donner sa démission ? Comme des dizaines de milliers d’autres personnes, il a peut-être déjà rejoint la communauté Pose ta Dem’, pour franchir le pas et mieux préparer la suite (reconversion, création d’entreprise, nouvelle vie…). Le mouvement est en marche. L’occasion d’en parler avec Charlotte Appietto, à l’origine du phénomène, et de lui poser notre question qui tue : que contiendrait la lettre ouverte que vous cosigneriez avec vos membres, avant de l’adresser aux directions des ressources humaines ?

 

Chères Directions des Ressources Humaines,

En tant que fondatrice de Pose ta Dem’, je suis au contact de milliers de futurs (et anciens) démissionnaires. Employés, cadres, moins de 25 ans, plus de 50 ans, hommes, femmes, ingénieurs, consultants, commerciaux, chefs de projets divers et variés, RH (oui, ils se cachent dans vos rangs) dans des PME ou de grandes entreprises du CAC 40.

Leur point commun est d’être salariés et de ne plus se retrouver dans leur job. Manque de sens, manque de reconnaissance, manque de liberté, en burn-out, en bore-out ou en brown-out. Tous aspirent à une seule chose : s’épanouir dans leur travail.

Tous ont la valeur travail ancrée en eux. Tous ont envie de contribuer à une mission plus grande qu’eux et d’avoir une belle raison de se lever le matin. Tous ont la volonté de mettre à profit leurs talents et leurs passions.

Mais beaucoup ne savent pas comment s’y prendre.

 

Et regrettent amèrement que leur entreprise ne leur permette pas de le faire.

Alors, ils préparent secrètement leur plan d’évasion.

Ils lisent les articles et interviews sur posetadem.com (parfois sur leurs heures de travail), pour trouver de l’inspiration.

Ils échangent dans la communauté et lors des événements, pour trouver à l’extérieur l’écoute et le soutien dont ils ont besoin.

Et ils prennent le sujet à bras le corps en participant à mes formations, séminaires collectifs et coachings individuels.

Et quelques semaines ou mois plus tard… ils posent leur dem’ !

Marie était une brillante responsable marketing qui ne supportait plus de passer un tiers de son temps à faire du reporting.

Jean-Philippe était un consultant audacieux et avisé qui ne tolérait plus les jeux de pouvoir internes.

Aurélie était une vendeuse adorée par ses clients qui ne comprenait plus les process absurdes imposés par sa hiérarchie.

Marie a posé sa dem’ pour se lancer en freelance dans le marketing digital.

Jean-Philippe a trouvé un nouvel emploi dans une PME à l’étranger et s’est expatrié.

Aurélie a créé sa propre marque de bijoux.

Mais c’est aussi l’histoire d’Anne-Sophie devenue professeur de chant, d’Anastasia qui a lancé son propre podcast, de Benjamin qui est devenu coach, ou encore la mienne, qui ai fondé Pose ta Dem’ après une carrière en RH et dans le conseil.

 

N’est-ce pas du gâchis pour vos entreprises ?

Pour mettre un terme à cette fuite des talents, il est nécessaire d’en comprendre l’origine.

Et pour cela, qui de mieux placés que les membres de la communauté Pose ta Dem’ ? Je les ai interrogés directement en leur posant ces deux questions :

1/ Quel message aimeriez-vous faire passer à votre Direction des Ressources Humaines ? Qu’aimeriez-vous leur dire, sans tabou ?

2/ Que pourrait faire votre entreprise pour que vous n’ayez plus envie de poser votre dem’ ?

J’ai reçu des dizaines de commentaires et de mails.

Chères DRH, il est possible que l’un de ces membres soit salarié de votre entreprise.

Alors, êtes-vous prêtes à écouter ce qui va suivre ?

 

Le recrutement : ouvrir les portes aux profils différents et “arrêter de vendre du rêve”

Je suis bien placée pour savoir ce qu’il se passe dans la tête de ceux qui ont envie de changer de voie, et dans celle de ceux qui ont déjà franchi le cap.

Et parmi les options de reconversion possibles, c’est celle de l’entrepreneuriat qui attire de plus en plus d’aspirants démissionnaires. En entreprenant, nous pouvons créer notre propre métier sans devoir rentrer dans une case, sans se conformer à une fiche de poste destinée aux fameux moutons à 5 pattes.

Or, l’entrepreneuriat ne convient pas à tout le monde. Et cela ne doit pas être l’unique option pour ceux qui ont de grands rêves, l’envie de créer et de changer le monde, et des compétences à valoriser. L’entreprise doit être une option aussi.

Mais pourquoi ne parvient-elle pas à intégrer des personnes aux passions, expériences et talents variés ?

C’est ce que l’on appelle des “profils atypiques”. Mais je n’adhère pas à cette formulation.

Le profil “atypique” serait par définition l’opposé du profil “typique”, c’est-à-dire quelqu’un qui détient le diplôme en adéquation directe avec le poste, et une expérience similaire (même métier, même secteur). Or, il me semble qu’en 2019, c’est plutôt ce cas qui est “atypique” !

 

Ouvrons les portes des entreprises aux profils hétéroclites.

C’est un cri du coeur dans la communauté Pose ta Dem’ :

C : J’aimerais qu’ils prennent davantage en compte les autodidactes comme des personnes aussi compétentes que les autres, parfois même plus, car elles perdent moins de temps sur des notions déjà acquises pour se concentrer sur ce qu’elles n’ont pas encore compris. Il faut vivre avec son temps, celui des reconversions multiples et comprendre que pour toutes, il n’est pas possible de faire une formation diplômante (pas de moyens financiers, pas de congé formation accordé…).

H : Prendre en compte que les temps changent, que oui les employés auront peut-être 3 ou 4 métiers dans leur vie mais c’est un enrichissement, pas une tare.

A : Il serait temps de ne plus se formaliser sur un CV. Un CV est une liste de compétences, on y laisse peu de place sur qui l’on est vraiment (nos aspirations et appétences au sens large) et pourtant cela aura un tel impact sur notre manière d’appréhender le poste.

Aujourd’hui quand je regarde mon CV je trouve qu’il colle à ce que demande ma boîte pour certains postes mais je ne le sors même plus car il ne me représente pas.

A : « Exit » les descriptions de fonctions (je caricature un peu mais c’est fait exprès ! ;)). Qu’ils s’ouvrent aux compétences et aptitudes, que l’on sélectionne des candidats sur leur parcours, l’adaptabilité dont ils ont fait preuve, plutôt que sur un diplôme. Le monde professionnel est amené à changer, les métiers de demain n’existent même pas encore aujourd’hui… le digital oblige les entreprises à évoluer beaucoup plus vite : ce sont les individus qui possèdent ces qualités d’adaptation, de réinventer les choses qui réussiront… pas ceux qui sortent d’un bac+3 ou +5 ou que sais-je ! Une grande école démontre une capacité à ingurgiter du savoir et à rentrer dans un moule… ce n’est pas ce qui fera la différence demain entre 2 candidats (c’est juste mon avis et je suis diplômée mais je trouve cela absolument absurde d’être résumée à cela!)

B : Concernant les profils dits « atypiques », c’est quand même un comble à une époque où l’on parle d’approche par compétences et où soit disant le « mouton à 5 pattes » est ultra recherché, d’entendre des recruteurs vous demander de ne faire apparaître qu’une partie de vos compétences sur un CV (pour ne pas perdre le futur employeur qui pourrait ne pas comprendre votre parcours hétéroclite) ou des employeurs vous demander sans cesse vos diplômes et le lien que vos études peuvent avoir avec votre parcours…

 

J’y ajoute mon grain de sel et des pistes concrètes.

J’ai moi-même un beau CV ; de quoi puis-je me plaindre ? J’ai le parcours académique parfait depuis le départ : mention très bien au Bac, 2 ans de prépa, une double licence en économie et science politique à la Sorbonne, un master en Ressources Humaines et Organisation à Sciences Po Paris et un mastère spécialisé en Stratégie et Conseil à l’ESCP Europe.

Ces inepties du recrutement sur CV ne me posaient pas tellement de problème puisque je faisais partie des profils du “haut du panier” (je cite l’un de mes professeurs).

J’ai eu le déclic de l’absurdité du recrutement le jour où j’ai souhaité coopter un ami dans le cabinet de conseil où je travaillais. Je l’avais rencontré au cours de mes études à l’ESCP, et je le trouvais brillant. Seulement, il n’avait étudié “que” dans un IEP de province avant l’ESCP. Résultat ? Il n’a même pas eu l’opportunité de rencontrer notre RH.

Je sais bien qu’il faut “écrémer”, “trier”, car les candidats sont nombreux, et que l’on ne peut pas rencontrer tout le monde. Mais il y a bien d’autres possibilités.

Voici comment je mène mes recrutements pour Pose ta Dem’, maintenant que je dirige ma propre entreprise.

–      Je ne demande aucune expérience ou diplôme spécifique : je demande des compétences. Cela nécessite de se pencher plus en détail sur les besoins réels du poste, plutôt que de rester en surface et de se rassurer avec des titres de diplômes.

–      Je fais remplir un questionnaire en ligne sans CV comprenant des questions de personnalité et de mises en situation. Plutôt que d’attendre du candidat qu’il ait une expérience similaire en gestion de projet formation, je lui demande : “Tu as déjà géré un projet ? Partage-moi ton expérience en quelques lignes et les résultats obtenus” avec une indication : “Quel que soit le projet : Un projet en entreprise, l’organisation d’une grande réunion de famille ou d’une conférence, la création de ton blog… Tu es libre de choisir ! Ce qui m’intéresse, c’est de savoir comment tu as géré ce projet et les résultats du projet (ex : 100 inscrits à la conférence avec 10 speakers).”. Ensuite, des questions de mise en situation. La mission consiste à animer le groupe d’étudiants de ma formation en ligne. Voici un exemple de question posée : “Un étudiant de la formation t’envoie un mail pour te dire qu’il aimerait beaucoup que l’on ajoute une étude de cas précise sur « Comment devenir naturopathe ». Que fais-tu ?”. Ce questionnaire me permet d’évaluer les compétences requises du poste : ici, la rédaction, la gestion de projet, l’animation d’une communauté et l’appétence pour les thématiques du développement personnel et de la reconversion. Si j’avais eu besoin de quelqu’un sur le terrain en interaction avec le public, j’aurais demandé une vidéo. Si vous pensez que vous n’avez pas le temps de lire tous ces questionnaires, sachez qu’un tel questionnaire rebute ceux qui ne sont pas motivés, ce qui réduit logiquement le volume à traiter. Pour avoir travaillé en recrutement et animé des dizaines de journées de formation au recrutement, je ne peux que constater la quantité écrasante de CV peu qualitatifs reçus par les recruteurs. Face à un process de recrutement basé sur ce questionnaire, seuls les plus motivés répondent. Et mieux vaut passer un peu plus de temps sur le recrutement pour avoir les bonnes personnes en interne ensuite, que de recruter sur de mauvaises bases pour ensuite rencontrer des problèmes (déception d’un côté ou de l’autre, turnover…). C’est un investissement en temps qui est largement rentable.

–      Je sélectionne quelques personnes pour un entretien durant lequel je questionne le candidat sur ses envies, ses talents, ses attentes et sa personnalité, et j’explique la mission en toute transparence.

–      Je ne peux pas envoyer un mail personnalisé à chaque candidat refusé. C’est d’ailleurs l’un des problèmes des RH : les candidats nous blâment de ne pas répondre. Et ils ont RAISON ! Alors, j’ai trouvé une solution : j’ai tourné une vidéo de 8 minutes dans laquelle j’explique en toute transparence comment j’ai sélectionné les candidats, et j’ai envoyé cette vidéo dans un mail détaillé aux candidats refusés. J’écris noir sur blanc que je n’ai pas le temps de contacter chacun personnellement, et que le but de cette vidéo est de permettre à chacun de trouver par lui-même les raisons du refus. Et je précise que s’ils souhaitent malgré tout une explication personnalisée car la vidéo ne les a pas aidés à comprendre le motif de refus, alors je leur répondrai avec plaisir. Résultat, sur plus de 70 candidats, 15 m’ont demandé le motif précis, et 32 m’ont écrit pour me remercier de ma transparence et me dire qu’ils avaient compris pourquoi ils avaient été refusés. Répondre à 15 mails représente une charge de travail acceptable.

–      Pour les candidats refusés suite à l’entretien, je les appelle directement pour le leur expliquer.

Mon process de recrutement n’est pas parfait pour autant, et j’ai encore des améliorations à réaliser pour mes prochains recrutements. Mais en faisant déjà cela, je fais de mon mieux pour créer une relation de confiance. Cela est primordial car les candidats sont des ambassadeurs de la marque… Mais avant tout, ce sont des humains qui ont besoin de comprendre et de se sentir reconnus.

 

En parlant de marque-employeur, venons-en au deuxième sujet évoqué par les membres de la communauté : “Arrêter de vendre du rêve” !

Je cite :

G : Ne pas vendre du rêve quand il n’y a rien derrière.

L : Arrêter avec le « bullshit » : j’entends par là, appliquer réellement ce que l’on communique à l’extérieur. Les entreprises doivent arrêter de vendre du rêve, alors qu’il n’en est rien dans les faits (exemple : les valeurs, le management, les nouveaux modes de travail, l’ambiance etc…)

B : Toutes les démarches autour des valeurs d’entreprises & de la marque employeur. Malheureusement ces sujets (comme d’autres d’ailleurs) sont devenus des façades marketing destinées à attirer des talents en leur vendant du rêve… au lieu d’être de véritables leviers d’engagement et de « fidélisation » (ok le terme n’est pas très beau) des collaborateurs de l’entreprise. J’entends souvent parler de problématiques de recrutement qui sont en fait des problématiques de turn-over important, car attirer les talents est une chose, les garder en est une autre.

Conclusion : il vaut mieux être transparent que de “vendre du rêve” et provoquer ensuite une désillusion. Cacher la vérité, c’est une stratégie de court terme. Qui produit logiquement un résultat de court terme : du turnover.

Comment dire la vérité ?

Prenons un exemple. Imaginez que vous vous rendez dans une boutique pour acheter un vêtement. Quel scénario préférez-vous ?

Scénario A : Le vendeur s’émerveille devant chaque produit en vous assurant que c’est le vêtement qui va changer votre vie, qu’il va durer au moins 20 ans, et que non vraiment, avec ce short vert à pois rouges, vous êtes une toute nouvelle personne à la pointe de la mode. Quand vous constatez que la fermeture éclair est déjà défaillante, il vous répond “oh, ce n’est rien, regardez, je vous assure qu’elle fonctionne” en tirant dessus tant bien que mal.

Vous rentrez chez vous avec le short, et au bout d’une journée, la fermeture éclair se casse.

Scénario B : Le vendeur vous questionne sur ce que vous recherchez et vos critères de choix.

“Vous voulez un short rouge à pois vert ? Nous avons uniquement des pantalons. Notre styliste, qui travaille pour notre maison depuis 10 ans, a créé cette nouvelle collection autour du pantalon chic. Mais je comprends votre souhait de porter un short, et je m’engage à remonter l’information. Mais sachez que pour le moment, ce n’est pas ici que vous en trouverez. En revanche, nous avons des pantalons verts à pois rouges. Vous pouvez en essayer un, et s’il vous plaît, nous pourrons le donner à la retoucherie pour le couper et en faire un short. Qu’en dites-vous ?”

Vous choisissez d’acheter ce pantalon, et le retoucheur le transforme en short. Il n’est pas parfait ; mais il est conforme à ce que vous avez décidé avec le vendeur. Il vous a écouté, a pris en compte votre demande, et a été honnête tout le long sur ce qu’il pouvait vous proposer.

Quel scénario préférez-vous en tant que client ? Dans laquelle de ces boutiques avez-vous le plus de chances de revenir ?

Maintenant, comment être le vendeur du scénario B lors de vos recrutements ?

Soyez à l’écoute des attentes et projets de vos candidats.

Racontez avec passion l’histoire, la stratégie, le fonctionnement interne de l’entreprise.

Admettez les imperfections et expliquez les actions mises en oeuvre pour les améliorer.

Donnez envie de rejoindre la grande aventure de l’entreprise avec ses atouts et ses difficultés : le futur salarié sera bien plus engagé pour contribuer à les résoudre, que s’il s’attend à intégrer le monde des bisounours et se sent ensuite trahi.

 

La gestion de carrières et la fidélisation : mettre fin à la politique de l’autruche en écoutant réellement les salariés

Une fois les candidats transformés en salariés, que deviennent-ils ? La réponse dans la communauté :

A : J’aimerais dire aux entreprises qu’il est important de mettre en face d’un poste donné, de vraies aspirations et envies pour ce poste, au-delà des compétences qui selon moi peuvent venir avec de la formation. Je veux dire par là que je trouve cela sans intérêt de confier une mission à quelqu’un parce que cette personne a moins de charge de travail au lieu de se questionner sur le véritable intérêt de ce poste pour cette personne. Attribuer un projet n’est pas juste combler un trou vide en y collant un nom car la survie du projet en dépend.

M : Je n’aurais pas posé ma dem’ si mes aspirations avaient été prises en compte. Cela faisait 3 ans que j’étais en poste. La direction était très satisfaite de mon travail. J’avais déjà mis en avant des difficultés, en proposant des solutions. Cela n’a pas été entendu. J’avais aussi proposé une évolution de mon poste, en accord avec les objectifs de l’entreprise et mes aspirations.

J’estime que l’entreprise a tout à gagner en écoutant plus ses employés, qui ont une vision concrète du terrain et qui ont aussi envie d’avancer dans leur vie pro. Les postes ne doivent pas être figés, gravés dans le marbre.

G : Je leur dirai sans tabou (et je risque de leur dire avant de partir) qu’il est très bien de se soucier de comment recruter de bons éléments, mais réussir à les garder serait mieux. Les accompagner lors de changement brusque de mission ou de projet serait une bonne chose.

B : Je recommanderais de s’inspirer des grandes entreprises où les gens rêvent de travailler, des entreprises qui offrent plus de liberté aux salariés comme certaines start up, et d’innover sur leur mode de fonctionnement.

O : Le message qui me tient à cœur : pourrions-nous arrêter de prétendre que le présentéisme n’est pas important et à réellement mettre en place tout ce qu’il faut pour le sortir de notre culture professionnelle ? Je suis consultant (facturé au temps) et j’aimerais qu’à terme, cela devienne normal/accepté/facile de réaliser une mission de conseil tout en étant chez moi, ou arrivant à l’heure que je veux.

C : Il n’y a pas de mauvais salariés, mais des salariés pas à leur place, qui ne se sentent pas reconnus, en quête de sens, et de liberté. Et souvent leur offrir plus de liberté les pousse d’un autre côté à faire volontiers des concessions, c’est donnant-donnant, ou gagnant-gagnant.

V : Je me sens l’âme d’un créateur de projets, d’un entrepreneur, mais je ne me sens pas de créer ma boîte, et je suis attaché à l’entreprise dans laquelle je travaille depuis 12 ans. Je sais que certaines entreprises proposent de l’intrapreneuriat mais ce n’est pas le cas chez nous. J’essaie en ce moment de porter un projet mais c’est sans cesse reporté. On me dit oui en théorie mais rien ne se passe, c’est très frustrant. Et j’ai même l’impression que c’est pire qu’avant car maintenant ma hiérarchie sait que j’ai envie de changement et semble mal le prendre…

Que peuvent faire les RH ?

Je suis intimement persuadée qu’il n’y a pas de bon ou mauvais candidat, tout comme il n’y a pas de “bon ou mauvais élément” dans une entreprise. Un “mauvais élément” est un bon élément qui n’est pas à sa place. Et pour être à sa place, encore faut-il savoir où celle-ci se situe.

 

La réponse se trouve à l’aide de deux leviers : l’introspection et l’action.

C’est ce que je radote dans mes articles, formations et coachings Pose ta Dem’. Pour trouver notre place et prendre les bonnes décisions, nous avons besoin des deux en parallèle.

L’introspection pour nous connaître : nos envies, nos aspirations, nos valeurs, nos traits de personnalité, notre fonctionnement, nos peurs et nos blocages. Nos attentes portent aussi bien sur le fond (le sens de notre travail, notre métier au quotidien) que sur la forme (lieu de travail, horaires, conditions, environnement).

Ensuite, l’action pour avancer concrètement en testant nos idées sur le terrain.

L’entreprise peut activer ces deux leviers pour ses salariés : en les aidant à se poser ces questions et en écoutant attentivement leurs réponses, et en leur permettant de tester leurs projets professionnels au sein de l’entreprise.

 

RH, ouvrez les possibilités de reconversion interne et proposez des programmes d’intrapreneuriat !

Car, pourquoi pose-t-on sa dem’ ? Pour changer d’environnement, de chef, de métier, trouver du sens.

Pourquoi n’ose-t-on pas toujours la poser ? Par peur du changement, peur de l’insécurité, peur de faire le mauvais choix, peur de l’échec, peur du regard des autres.

Si cette reconversion était possible en interne, cela permettrait à un grand nombre de salariés de franchir le cap. D’exprimer leurs talents chez vous plutôt qu’ailleurs. Et de ne pas dépérir à leur poste en vous coûtant bien plus cher que s’ils étaient à leur place.

La mobilité interne existe depuis belle lurette mais :

1/ Les parcours de mobilité ne sont pas toujours clairs ;

2/ Les process internes pour obtenir une mobilité sont très longs – autant chercher à l’extérieur ;

3/ Les parcours ne sont pas suffisamment ouverts et il faut lutter pour se voir accorder la mobilité désirée.

C’est un vaste chantier, mais c’est le plus rentable pour une construction de long terme.

Face à l’ampleur de la tâche, comment savoir ce qu’il faut améliorer en priorité ?

A chaque rupture de contrat de travail à l’initiative du salarié, posez-vous ces 2 questions :

1/ Pourquoi cette personne a-t-elle décidé de partir, et pour quoi faire ? Sans jugement, sans a priori. Se mettre à la place de l’autre, seulement quelques minutes. Organiser une rencontre avec le salarié démissionnaire pour lui poser la question et échanger en toute transparence. Il risque d’être en colère, ou d’être déjà ailleurs dans sa tête. Mais rappelez-vous : qui ne tente rien n’a rien.

2/ Que changer pour que cela ne se reproduise pas ? Une fois les réponses trouvées, il est possible que vous ayez envie de baisser les bras face à la quantité de changements à opérer. Particulièrement s’il s’agit de changements structurels qui vous semblent a priori impossibles à mettre en oeuvre. Mais rappelez-vous : une petite action vaut mieux qu’aucune action.

 

La transparence dans la communication, ou le principe des ravioles à la truffe

S : En essayant de me replonger dans mon passé de salariée, je pense que le plus gros souci était le manque de transparence. On nous fixait des soi-disant objectifs, et arrivés aux entretiens annuels, les résultats/promotions/augmentations n’avaient aucun sens. On a très vite réalisé qu’il y avait un réel critère « visibilité dans l’entreprise » qui n’était jamais assumé et aussi lié à l’humeur du supérieur.

J’ajouterais également l’envie de sortir de cette culture de l’excès de zèle qu’il y a en France : ce n’est pas parce que je reste au bureau jusqu’à 21h tous les soirs que je suis un bon. Inspirons-nous des pays nordiques où sortir après 18h = manque de productivité. Donc les petites phrases pourries quand tu daignes partir à 18h30 « alors, on pose sa demi-journée? », ça donne envie de poser sa dem’ !”

L : LA COMMUNICATION ! Expliquer aux collaborateurs certaines décisions, certains projets. C’est important d’expliquer aux gens pourquoi cette décision a été prise, comment elle a été prise, et les conséquences de celle-ci. Je trouve que les RH de manière générale ne sont pas suffisamment transparents, ce qui est mal vu !

D : Je ne compte même plus le nombre de fois où ma chef m’a annoncé une décision prise en réunion (à laquelle je n’assiste pas) et qui me concerne directement. On dirait que je n’ai pas mon mot à dire, et pire, je me sens comme le dindon de la farce qui se fait avoir et qui est le dernier au courant. Cela joue beaucoup sur mon estime de moi et j’ai du mal à retrouver ma confiance pour partir et postuler ailleurs.

Prenez un instant pour imaginer que vous allez au restaurant. Vous êtes installé à une table, et le serveur vous apporte le menu. Après quelques instant de réflexion, vous choisissez les ravioles à la truffe et en salivez d’avance : c’est votre plat préféré !

Le serveur arrive, et vous passez votre commande de ravioles, mais il vous annonce une triste nouvelle : “Désolé, on n’en n’a plus. Choisissez autre chose”.

Appréciez-vous cette situation ? Non.

Second cas de figure : Vous vous installez à votre table. En vous apportant la carte, le serveur vous avertit :

-“Nous n’avons plus de ravioles, il y a eu plus de demande sur ce plat que ce que nous avions anticipé”

-”Oh non, j’adore ça !”

-”Vous pouvez choisir un autre plat. Qu’aimez-vous ? La truffe ? Dans ce cas, nous avons la salade à l’huile de truffe. Qu’en dites-vous ? Et la prochaine fois que vous venez, appelez pour nous prévenir et nous vous réserverons les ravioles !”

Appréciez-vous cette situation ? Oui.

Or, en entreprise, c’est souvent le premier cas qui se produit : nous avons l’information trop tard, et sans explication transparente.

Dans le second cas, nous sommes avertis à l’avance, nous avons l’explication (le serveur reconnaît l’erreur d’anticipation), nous sommes accompagnés dans la résolution du problème (le serveur nous guide pour choisir un autre plat) et nous nous voyons offrir une compensation (avoir nos ravioles la prochaine fois ; cela ne coûte pas plus cher au restaurant mais le client se sent écouté et respecté).

Appliquez le principe des ravioles à la truffe !

La formation : Le développement personnel et les “soft skills” pour tous

M : Il est dommage de donner plus de valeur aux formations sur le savoir-faire (par exemple gestion de projet, logistique, transport) que sur le savoir-être ou sur les méthodes innovantes. J’ai demandé récemment une formation sur le marketing de soi et ma boss m’a dit que le budget était limité donc que ça avait peu de chances de passer. J’ai demandé à participer à des formations courtes et GRATUITES en interne (quelques heures espacées sur l’année) pour des formations sur le storytelling, le design thinking, le leadership. Elle m’a dit qu’on n’était pas là pour faire du développement personnel. Pourtant la réussite des projets passe beaucoup plus par ce genre de choses que par la technique elle-même (je précise qu’on ne parle pas de chirurgie où le savoir faire est primordial !) Donner l’accès aux salariés à ce type de formation c’est leur permettre d’évoluer en même temps que l’entreprise.

O : Depuis que j’ai découvert le développement personnel et que je travaille sur moi (mes croyances limitantes, mes objectifs, mon schéma de fonctionnement…), j’ai grandement amélioré mes relations au travail, ma compréhension du monde et mon efficacité. Mais l’inconvénient est que du coup, je supporte encore moins le fonctionnement de mon entreprise, à l’opposé de mes valeurs. La seule solution est de poser ma dem’ et de m’épanouir ailleurs car ce n’est pas possible ici, malgré ma bonne volonté, ma patience a atteint ses limites.

Se connaître soi-même est la fondation de la maison que l’on construit ensuite avec des briques de connaissances pratiques.

Voici tout ce que j’ai compris et découvert grâce à mon travail de développement personnel ces dernières années (liste non exhaustive) :

–      Mon “pourquoi”, ma mission, le sens que je trouve dans mon quotidien

–      Mes aspirations profondes

–      Mes talents

–      Mes envies et passions

–      Mes peurs et mes blocages

–      Mes émotions

Ce n’est pas grâce aux entreprises où j’ai travaillé que j’ai découvert cela.

Et pourtant, voici ce que cela m’a apporté :

–      En mettant des mots sur mes aspirations profondes, je suis autonome dans la construction de ma “carrière”, là où auparavant j’essayais de rentrer dans les cases d’un plan prédéfini, qui s’est terminé en démission.

–      En identifiant mes forces et mes talents, je suis capable de créer bien plus de valeur (pour mes clients, mon entreprise, ma communauté, mes partenaires…) que lorsqu’ils sont ignorés.

–      En trouvant ce qui m’anime, ce qui me fait vibrer, ce qui a du sens pour moi, j’ai développé une curiosité insatiable : j’apprends en permanence, je passe à l’action, j’améliore mes résultats, et cet état de flow est communicatif.

–      En apprenant à comprendre et à gérer mes émotions, je suis plus à même de comprendre les autres, de créer des liens de confiance et donc des relations professionnelles saines et enrichissantes.

On ne peut pas s’attendre à des carrières longues dans l’entreprise et à un collectif engagé si l’on ne permet pas à chacun de trouver sa place et d’évoluer.

On ne peut pas demander aux salariés d’être “acteurs de leur carrière” sans leur donner les véritables clés pour le faire.

On ne peut pas blâmer une équipe qui fonctionne mal si l’on n’aide pas les membres de cette équipe à se connaître, individuellement et collectivement.

Nous avons bien plus à perdre en étouffant les envies et les talents de chacun, qu’en prenant le temps de les écouter et en faisant l’effort de proposer une solution.

Chères Directions des Ressources Humaines, c’est pour toutes ces raisons que vos salariés atterrissent chez Pose ta Dem’.

Si vous ne voulez pas qu’ils soient plus nombreux, vous savez quels sont les leviers à mobiliser.

Bien sûr, cela ne fera pas mes affaires. Mais cela répondra à mon propre “pourquoi” et c’est cela que je considère comme un réel accomplissement.

 


 

Voici ce que je souhaite écrire dans cette lettre ouverte à l’intention des Directions des Ressources Humaines.

Mais ce n’est pas terminé. Je me suis pliée à l’exercice pour la forme, mais j’ai une conviction bien plus profonde.

 

Les RH sont des salariés comme les autres, et avant cela, des humains comme les autres.

Les RH ne sont pas les responsables de ce mal-être en entreprise. Je n’accuse personne et je ne blâme personne. J’ai étudié en master RH. J’ai travaillé en RH. J’ai été consultante RH. J’ai formé des RH. Je sais que nous, RH, choisissons ce métier pour une noble cause. Mais cette cause se perd une fois en entreprise pour toutes les raisons que j’ai évoquées.

Alors, que l’on soit RH, acheteur, manager d’équipe, dirigeant, stagiaire chef de projet, responsable informatique, community manager, vendeur en boutique, juriste, routier, formateur, ingénieur, commercial : c’est à chacun de nous qu’incombe la responsabilité de faire bouger les choses.

Et faire bouger les choses commence par soi. Cela peut être perçu comme égoïste ; mais je crois au contraire qu’en commençant par soi, on devient capable de s’ouvrir aux autres avec empathie, générosité, altruisme, bienveillance, engagement.

Si je ne suis pas bien avec moi-même, je ne serai pas bien avec les autres.

Si je ne me comprends pas moi-même, je ne comprendrai pas les autres.

Si je ne reconnais pas mes propres talents, je ne pourrai pas en faire bénéficier les autres, ni reconnaître les leurs.

Si je ne sais pas pourquoi je fais ce que je fais, je n’apporterai pas ma pierre à l’édifice collectif.

 

Faisons de l’entreprise un espace ouvert à la connaissance de soi. Bien loin d’être une approche individualiste, c’est la fondation solide pour construire un collectif au-delà des apparences.

L’une des choses les plus importantes que j’ai comprises ces dernières années est que nous sommes formatés à respecter l’ordre AVOIR – FAIRE – ÊTRE.

Quand j’AURAI de l’argent, je pourrai FAIRE ce que j’aime, et alors je SERAI heureux.

 

Mais l’ordre véritable est inverse : ÊTRE – FAIRE – AVOIR.

Je suis épanoui, à ma place, donc j’agis, donc j’ai : la reconnaissance, les relations, l’argent, les biens matériels.

Cela s’applique aux individus et aux entreprises.

Les entreprises se concentrent sur avoir des résultats chiffrés, et pour cela, elles font (des séminaires, des formations, des process, des grilles d’évaluation…).

Et si elles commençaient par être ? A l’écoute. Bienveillantes. Justes. Respectueuses. Reconnaissantes.

Ensuite, elles pourront faire ces séminaires. Car ces séminaires ne seront pas en surface : ils seront l’incarnation de ce qu’est l’entreprise.

Et alors elles auront cette performance tant recherchée.

Connaissez-vous le modèle des Golden Circles présenté par Simon Sinek ?

Selon son approche, les 3 questions à se poser en tant que leader, dirigeant, manager, RH, individu, sont : Pourquoi, Comment, Quoi ?

Contrairement à l’objectif poursuivi par de nombreuses entreprises, le profit n’est pas le “pourquoi”. Le profil est le résultat d’une mission bien plus profonde.

En identifiant cette mission, ce “Why”, cette raison d’être de l’entreprise, alors nous trouvons comment faire, quoi faire, et alors nous avons les résultats.

Savez-vous pourquoi vous vous levez le matin ? Pourquoi vous faites ce que vous faites ? Pourquoi vous voulez obtenir les résultats que vous visez ?

J’invite chacun, individuellement, à réfléchir à ses envies, son rôle et sa contribution. Les réponses à ces questions vous enrichiront autant qu’elles enrichiront votre entreprise, dans tous les sens du terme.

Pour rendre ce questionnement concret et provoquer un premier changement, je terminerai cet article sur une unique question à vous poser, que vous soyez RH ou non. Voyez cela comme une intention, et ouvrez le champ des possibles.

Quel petit pas pouvez-vous réaliser AUJOURD’HUI pour contribuer positivement à votre développement personnel et à celui de votre entreprise ?

Avec toute ma bienveillance, je vous souhaite de trouver votre place et d’incarner pleinement votre mission, car nous avons tous à y gagner.

 

Charlotte Appietto

 

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Le principe de la Question qui tue et les règles du jeu sont simples :

1 – L’interview est composée d’une seule et unique question.

2 – Celui ou celle qui répond, doit le faire exclusivement par e-mail.

3 – L’interviewé a carte blanche et nous n’intervenons aucunement sur sa réponse.

4 – La réponse doit contenir à minima une dizaine de lignes, mais peut faire plusieurs pages.

5 – Toutes les photos, tous les liens hypertextes, toutes les vidéos, sont les bienvenues.

6 – L’interview est publiée sur mon blog et sur Linkedin

7 – L’interviewé fera de son mieux pour répondre aux commentaires laissés sur Linkedin notamment.