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Il ne sert à rien de se préparer à un risque qui n’existe pas

Qu’avez-vous prévu si l’approvisionnement en électricité de votre foyer est défaillant ?  Qu’avez-vous prévu si l’eau potable qui sort de votre robinet est contaminée et impropre à la consommation ? Qu’avez-vous prévu si un virus informatique mondial fait tomber Internet ? Qu’avez-vous prévu si vous n’avez plus de gaz qui alimente votre foyer ? Qu’avez-vous prévu si vous n’avez plus de chauffage au plus fort de l’hiver ? Qu’avez-vous prévu si des mouvements sociaux d’ampleur vous bloquent à votre domicile ? Peu importe les questions, la solution n’est pas dans les préconisations et les méthodes du survivalisme, mais bien dans la réponse individuelle que l’on peut apporter chacun aux crises que l’avenir nous réserve.

 

 

Bonjours Régis, pourquoi avoir écrit ce livre… maintenant ?

 

Régis Chaperon : Écrire mon tout premier livre sur la résilience d’entreprise a été réalisé dans l’urgence, en plein confinement, pour répondre aux inquiétudes et aux questionnements des dirigeants et managers, qui faisaient face à un choc de sidération causé par le confinement et l’arrêt de notre économie.
Cependant, dans un autre contexte, il aurait été plus logique de commencer par présenter ma démarche originelle de résilience individuelle avant sa traduction dans l’univers de l’entreprise.
Ce deuxième ouvrage de la série anti-crise aurait donc dû être le premier.

Dès l’édition du premier tome sortit le 20 mai, j’ai donc repris l’écriture pour m’adresser non plus aux dirigeants d’entreprise ou aux managers, mais à tous les individus sur qui le confinement et la crise du covid ont été un choc et parfois même une révélation : Notre système est fragile.

Il me paraissait donc pertinent d’expliquer la genèse de la méthodologie que j’ai développée il y a maintenant 10 ans pour construire ma résilience individuelle : l’analyse ARMES (pour Analyse des Risques Majeurs et Essentiels à la Survie).

Ce deuxième tome de la série « guide anti-crise » complète donc la démarche intellectuelle commencée par les lecteurs de La résilience d’entreprise, et s’adresse à ceux qui recherchent des réponses raisonnées et pragmatiques pour construire leur résilience et changer leur rapport à l’urgence et pour qui les réponses apportées par les « survivalistes » paraissent hors sol ou inadaptées.

Dans ce livre, j’explique pourquoi j’ai quitté les réseaux survivalistes il y a 10 ans pour construire ma résilience en m’appuyant sur mes compétences professionnelles et mon expertise en maitrise des risques. Ce livre ne dit pas « quoi » faire, mais « comment » faire par l’explication pas à pas d’une méthodologie d’analyse et de maîtrise des risques basée sur l’AMDEC, utilisée dans l’industrie aéronautique notamment, depuis plus de 50 ans. Evidemment je ne me contente pas de donner une méthodologie, mais également des pistes de solutions de résilience pour réduire l’impact des crises potentielles futures.

Aucune compétence particulière n’est cependant nécessaire pour aborder ce livre, où j’ai essayé de vulgariser au maximum la méthodologie que j’ai développée il y a une dizaine d’années pour construire mon Plan Raisonné de Résilience personnel.

Ce livre, c’est 400 pages, 12 univers de risques, et 90 risques majeurs décryptés avec des pistes de réflexion pour en réduire la criticité sur votre vie. C’est le livre que j’ai toujours voulu écrire. C’est la genèse de ma résilience individuelle, résultat de 10 ans de réflexions sur la création d’une grille de lecture du monde, et de l’analyse des risques majeurs pour s’en protéger et réduire leur impact sur ma famille.

 

 

Une page de votre livre, ou un passage, qui vous représente le mieux ?

 

R.C. : C’est très compliqué car écrire un livre est une transmission, un héritage que l’on souhaite laisser à ses enfants, à sa famille, ou au monde entier. Un roman raconte une histoire. Ce livre, lui, raconte qui je suis. Choisir un passage reviendrait à ne présenter qu’une partie minuscule d’une démarche intellectuelle commencée dix ans plus tôt et qui constitue ma personnalité. Mais soit, je me prête donc à l’exercice imposé.

L’autonomie pour quoi faire ?

C’est la vraie question qu’il faut vous poser. Et si la première réponse qui vous vient est « après tout, rien ne me manque ! », alors refermez ce livre, vous n’êtes pas encore prêt. Si en revanche vous lisez ces mots, c’est que vous êtes au moins curieux à défaut d’être convaincu, et que vous avez décidé (c’est bien ! Vous progressez !) de m’accompagner un bout de chemin. Promis je vais tâcher de rendre ce moment agréable. L’autonomie est à mon humble avis la seule arme qu’il nous reste dans une société de consommation en flux tendus. Par cette grande phrase un peu pompeuse, j’entends par là que notre société nous impose un fonctionnement dans lequel nous n’avons aucune marge de décision ni de manœuvre. Le système pense pour vous, et vous n’avez qu’à suivre en confiance. Et tout le problème est là. Je ne donne ma confiance qu’à quelqu’un qui m’a prouvé qu’il en est digne. Pas au premier venu. Et que cela soit le supermarché du coin, la compagnie des eaux, l’entreprise de distribution d’électricité, ou la sécurité de mes biens, je ne les connais pas de façon suffisamment intime pour leur accorder ma confiance les yeux fermés et le portefeuille sur la main. Et la crise du coronavirus de 2020 aura eu cette vertu de nous montrer la puissance de l’état, qui peut se résumer en une maxime : « Tant que nous n’en n’avons pas c’est inutile et déconseillé, le jour où nous en aurons ce sera obligatoire et payant. » L’autonomie est un changement de rapport à l’urgence. C’est avoir anticipé que l’état « tout-puissant » ne pourra rien pour nous dans le pire des cas, ou bien trop peu et trop tard dans le meilleur des cas. Alors, l’autonomie pour quoi faire ? Pour ne pas dépendre de l’état, d’une entreprise, d’un mentor, d’un média, d’un ami, d’un système, pour pouvoir décider, agir, réfléchir, choisir, et vivre avec la sérénité d’avoir un « plan B ». Oui bon d’accord, mais concrètement ?
Ne vous inquiétez pas nous y arrivons, mais il me paraissait essentiel que vous compreniez qu’avant de parler concrètement de résilience individuelle, il faut comprendre la démarche intellectuelle et la prise de conscience qu’exige la décision de devenir plus autonome pour devenir plus résilient lorsqu’une crise majeure viendra faucher vos illusions comme à pu le faire la crise du coronavirus Covid-19. Cette démarche doit être la conséquence d’une évidence. L’évidence que l’état ne peut pas tout, et que dans la plupart des cas, il ne peut rien. Il est devenu trop gros, trop lourd, trop influencé, trop intéressé, trop dépendant de nos revenus, trop mou et trop lent. C’est un porte-avions dans une pataugeoire. Ne pas souffrir d’une rupture de normalité, c’est pour commencer y être préparé. C’est avoir émis l’hypothèse de sa probabilité sans peur et sans émotions. C’est avoir accepté l’idée qu’il est possible que tout s’effondre d’un coup, pour un grain de sable mal placé dans un engrenage gigantesque. Oh, bien sûr, cela ne sera pas une révélation. Cela va demander un effort.

Les systèmes complexes

R.C. : Selon Wikipédia, un système complexe est un ensemble constitué d’un grand nombre d’entités en interaction qui empêchent l’observateur de prévoir sa rétroaction, son comportement ou évolution par le calcul.

Un bon exemple de système complexe est la murmuration des oiseaux. La murmuration des étourneaux est le mouvement chorégraphique complexe d’un groupe d’étourneaux en évolution dans le ciel. Toutes les études tendent à montrer que la murmuration est semblable à d’autres systèmes complexes, tels que la formation de cristaux ou les avalanches. Ces systèmes sont chaotiques. C’est-à-dire qu’ils sont prêts à être transformés intégralement en un claquement de doigts. Ils sont également totalement imprévisibles et imprédictibles et aucun modèle mathématique n’est capable d’anticiper les mouvements. Notre société est un système complexe. La mondialisation nous a conduits à un paroxysme d’optimisation des systèmes. Les multinationales conçoivent aux Etats-Unis, fabriquent en Chine à bas coûts, vendent en Europe à prix forts, et encaissent leurs gains aux îles Fidji. Mais un système optimisé, c’est très fragile. Il suffit qu’un maillon cède pour que l’ensemble de la chaîne se brise. C’est exactement ce qu’a provoqué la crise du coronavirus. Tous les pays sont tombés sous la sidération de constater que toutes nos chaînes d’approvisionnement étaient autant de chaînes qui nous enserraient et nous privaient de notre autonomie. Comment distribuer des masques chirurgicaux à son peuple quand 95% de la production est réalisée en Chine et que les usines sont arrêtées ? Comment fournir des médicaments à son peuple quand 90% des médicaments sont produits en Inde et que les usines sont arrêtées ? Comment nourrir son peuple quand le blé Français est exporté en Chine, en Inde, en Afrique du Nord, et que nous devrons leur racheter, une fois transformé, au prix fort ? La mondialisation a montré ses limites et sa fragilité. La mondialisation nous a montré que notre société n’était qu’un château de cartes, et qu’il suffisait d’un courant d’air pour que tout s’écroule. C’est, je l’espère, devant ce constat partagé que vous êtes dans une démarche de construction de votre résilience. Pour qu’un courant d’air n’écroule pas votre système individuel et que vous puissiez retrouver l’équilibre et un fonctionnement normal rapidement tandis que tout s’écroule. C’est en tout cas cet objectif qui m’a conduit à construire ma résilience individuelle.

 

 

Les tendances qui émergent à peine et auxquelles vous croyez le plus ?

 

R.C. : Si je dois faire un constat partagé par beaucoup, ce serait l’émergence des autoentrepreneurs. De plus en plus de salariés insatisfaits ou malheureux de ne pas faire le métier dont ils rêvent font le choix de l’entreprenariat et de l’indépendance. C’est un mouvement de fond en constante progression ces deux dernières années. Et si j’ai la chance de pouvoir exercer ma passion qu’est l’écriture sans avoir à démissionner de mon travail de consultant, très peu de gens ont cette opportunité. Ma vision de ce phénomène est la suivante : La raréfaction des profils les plus talentueux par la création de leur propre business conduira les grandes entreprises à offrir à leurs salariés et aux candidats de leurs offres d’emploi des structures d’accueil et des aménagements pour séduire ces talents désireux d’indépendance et de créativité. On en voit un peu les prémices par l’intraprenariat vanté par de plus en plus d’entreprise française. Pour autant, je crois que l’intraprenariat ne répond pas au besoin d’indépendance de ces profils.

 

 

Si vous deviez donner un seul conseil à un lecteur de cet article, quel serait-il ?

 

R.C. : Soyons humble, et contentons-nous de réussir notre vie comme le dit avec justesse le philosophe Ralph Waldo Emerson : « Rire souvent et sans restriction ; s’attirer le respect des gens intelligents et l’affection des enfants ; tirer profit des critiques de bonne foi et supporter les trahisons des amis supposés ; apprécier la beauté ; voir chez les autres ce qu’ils ont de meilleur ; laisser derrière soi quelque chose de bon, un enfant en bonne santé, un coin de jardin ou une société en progrès ; savoir qu’un être au moins respire mieux parce que vous êtes passé en ce monde ; voilà ce que j’appelle réussir sa vie. »

 

 

En un mot, quels sont les prochains sujets qui vous passionneront ?

 

R.C. : Je ne crois pas au hasard. Je crois à la synchronocité de Carl Gustav Jung. Il a eu cette révélation de la synchronicité, qui l’occupera le restant de sa vie, par l’arrivée d’un scarabée doré qui cognait contre la vitre de son bureau en pleine séance avec une patiente difficile. J’ai reçu mon scarabée doré cette année (il se reconnaitra). Jusqu’à il n’y a que quelques mois j’écrivais depuis plus de 30 ans sans partager mes textes. Cette année a tout changé avec l’édition de ces deux ouvrages, car je n’ai pas pu m’arrêter d’écrire depuis. C’est donc un premier roman qui verra le jour en octobre ou novembre 2020, suivi par cinq autres romans dont les trames sont déjà en travail.

 

Merci Régis,

 

Merci Bertrand

 

Le livre : La résilience individuelle, Régis Chaperon, 2020.