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Faut-il changer de civilisation ?

Le monde n’a jamais tant disposé de moyens pour s’observer lui même. Il en ressort une crainte du déclin de certaines civilisations dominantes. Où en sommes-nous véritablement et comment se préparer à la suite, sont des thèmes explorés en profondeur par Geneviève Bouché dans son livre Changeons de civilisation. Nous l’avons interviewée.

Bonjour Geneviève Bouché, pourquoi avoir écrit ce livre ?

Geneviève Bouché : Au départ, il y a Barack Obama qui commande une étude sur les civilisations qui ont périclité : pourquoi, comment ? Je décide de relever le défi pour l’Europe. Le sujet est immense. Alors que je concentre sur un aspect : les torsions auxquelles nos institutions ont à faire face en ce moment. Ces tensions éclairent sur la nature et l’ampleur de ce changement qui nous envahit.
Le processus de naissance, de croissance et de délitement des civilisations est toujours un peu le même : au départ, une source de prospérité est découverte. La communauté s’organise pour la protéger ainsi que ceux qui la font prospérer. Elle crée des institutions ad hoc. Mais, tout se délite tôt ou tard, en dépit de tous les efforts des intéressés. Les institutions n’ont pas pour vocation de changer le modèle. Au contraire, elles poursuivent la protection d’une forme de richesse qui n’est plus ce qu’elle était. Ce qui a été une force devient une faiblesse. Le mécontentement gronde, un dictateur s’empare du pouvoir et la léthargie se repend.
Les récits de ces déchéances sont terrifiants. Je n’en veux à aucun prix pour mes enfants !

Une page de votre livre, ou un passage, qui vous représente le mieux ?

G.B. : Ce livre raconte la bascule sociétale que nous vivons en attirant le lecteur sur des signes qu’il a probablement constaté, mais qu’il n’a pas toujours placé dans le contexte de ce basculement.
Le but recherché est de permettre au lecteur d’évaluer lui-même ses gestes et ses propos par rapport à cette bascule. Je ne sais pas s’il y a un passage particulièrement important. Les lecteurs me parlent chacun du passage qui les a interpellés. Mais tous me parlent du dernier chapitre qui sonne comme un générique de fin. C’est un générique qui, à défaut de donner des noms d’acteurs, cite les mots importants dans la transformation en cours.

Les tendances qui émergent à peine et auxquelles vous croyez le plus ?

G.B. : Je suis impressionnée par l’ampleur de la mutation sociétale que nous abordons. Pour moi, elle est d’une ampleur supérieure à celle qu’ont connue nos aînés lorsqu’ils se sont sédentarisés… Sauf qu’eux ont mis plusieurs millénaires à en jeter les bases et à s’y adapter. Nous n’avons pas autant de temps devant nous face aux menaces climatiques, financières et sanitaires pour ne citer que celles sur lesquelles nous avons une marge de manœuvre.

Si vous deviez donner un seul conseil à un lecteur de cet article, quel serait-il ?

G.B. : Mettez-vous à l’affût : le livre suivant est en préparation. Sur le fond, il reste sur l’analyse des torsions subies par nos institutions et les urgences à prendre en compte pour éviter de passer par une phase de chaos.
Je crois cependant qu’avoir lu ce premier livre permet d’entrer plus efficacement dans les thèmes développés dans ce livre en préparation.

En un mot, quels sont les prochains sujets qui vous passionneront ?

G.B. : Dans ce second livre, je me concentre sur les mécanismes d’échange entre les Hommes. Jusqu’à présent, l’outil privilégié a été la monnaie. La donnée devient aussi importante que la monnaie et d’ailleurs, la monnaie devient elle-même donnée puisqu’elle devient numérique.
La souveraineté numérique devient aussi importante que les autres formes de souveraineté que nous avons connues jusqu’à présent. L’Europe a été tenue à l’écart du numérique 0.0 actuel. Ce numérique-là ne lui convient pas du tout et elle a la capacité à en construire un nouveau, à son image : modulaire et interopérable. Elle en possède déjà des morceaux.
Ce prochain livre est une invitation à destination des citoyens européens à demander et contribuer à aller vers la biodiversité monétaire et un numérique souverain et néanmoins ouvert.
En lisant le premier puis le second livre, ils doivent être persuadés que nous pouvons éviter de passer par une phase de chaos. Si nous avons conscience de ce danger suprême, nous pouvons nous mobiliser efficacement. C’est l’objectif que je poursuis.
Merci Geneviève
Merci Bertrand
Le Livre : Changeons de civilisation, Geneviève Bouché, Editions Kawa, 2015.