jouvenot.com

Du Meilleur des mondes à un Monde meilleur

Tel David contre Goliath, Hervé Cuillandre s’attaque à plus fort que lui : les préjugés, les croyances du moment et une certaine forme de pensée unique qui alimentent un sentiment d’inquiétude généralisée, relative à la montée en puissance de l’intelligence artificielle. L’auteur d’un Monde meilleur (Editions Maxima, Mars, 2018) pense qu’il est possible de ne pas finir comme dans le Meilleur des mondes, mais plutôt d’advenir dans un Monde meilleur.

 

1. Bonjour Hervé, pourquoi avoir écrit ce livre… maintenant ?

Pour le grand public, les derniers développements de l’intelligence artificielle, de la blockchain, ou de la sécurité informatique sont très abstraits. Leurs enjeux aussi. Il m’a semblé qu’un effort de vulgarisation et de synthèse était nécessaire, car il est question de notre quotidien de demain, de nos emplois, de nos valeurs. J’ai la chance d’avoir un maillage de compétences qui permet de faire ce travail d’analyse rigoureusement, sans tomber dans ni le catastrophisme ni dans la béatitude passive. Je ne crois pas du tout à la vision apocalyptique qui fait le succès de nombreux auteurs. Par contre, nous devons défendre un monde humain, et donc anticiper les transformations des organisations du travail, qui intégreront de plus en plus les automatismes. L’avenir est humain. Sachons le défendre.

 

2. Une page de votre livre, ou un passage, qui vous représente le mieux ?

L’intelligence artificielle peut gérer nos carrières

Bientôt, nous pourrons nous appuyer sur les intelligences artificielles pour gérer ce type de contraintes. Notre impresario sera la machine, qui saura dénicher les contrats et améliorer notre visibilité sur le marché du travail. Bref, nous rendre plus efficaces. Elle saura trouver au-delà des frontières de l’entreprise des activités qui répondront à nos intérêts, et qui seront fidèles au sens que nous souhaiterons donner à notre carrière. Elle saura supprimer les temps morts, et mieux distribuer l’activité en l’anticipant. Dans un maillage d’intelligences artificielles, l’offre et la demande d’emploi pourront donc être optimisées, à condition d’en préparer le cadre.

Donner des activités à tous, mieux distribuer le temps, gérer l’offre de son profil et déceler des opportunités de formation : la machine peut s’avérer très utile pour nous permettre de négocier au mieux notre employabilité face aux entreprises ou toutes sortes d’organismes eux aussi automatisés. Elle nous permettra de nous concentrer sur l’essentiel, c’est-à-dire notre travail et les relations humaines.

La relation à l’entreprise s’est progressivement distancée. Les salariés sont désormais prêts à la quitter à la moindre insatisfaction. Le problème de la volatilité des talents se pose puisque la recherche d’autonomie et l’intérêt pour le travail priment désormais sur l’attachement à l’entreprise qui, faute de valeurs fortes, perd son pouvoir de définir l’orientation de vie de ses salariés.

L’entrepreneur acteur de l’innovation organisationnelle

Les grands groupes sont le fer de lance de l’expérimentation de nouvelles formes de relation au travail, en raison de leurs moyens financiers et du nombre de talents qu’ils concentrent. Ils sont le terrain idéal de la refondation des collectifs autour de valeurs qui définiront les nouveaux territoires l’entreprise de demain. Les valeurs humanistes défendues par l’entreprise jetteront de facto les fondations de notre espace d’intervention, face à celui de la machine.

Le digital est le vecteur des valeurs humanistes des entreprises. Car il est un outil pour organiser et propager un sens commun réellement vécu et vérifiable. Un sens qui mobilise les équipes-acteurs, et qui est communiqué à l’extérieur comme image de l’entreprise. Il n’est plus seulement question de confiance mais d’engagement et de cohésion, pour une entreprise devenue un collectif d’individualités.

Recréer le collectif est un enjeu majeur, à un moment où les développements technologiques isolent toujours plus les travailleurs de l’économie numérique. L’attente de reconnaissance et d’appartenance demandent une réincarnation des valeurs qui correspondra au besoin de retour des relations humaines, surtout pour les nouvelles générations qui les auront surtout rêvées sans les avoir connues.

Nous devons nous préparer sérieusement à ce que l’intelligence artificielle distribue demain à chacun nos tâches quotidiennes. La machine sera capable de nous proposer instantanément des challenges motivants à partir de ce qu’elle saura de nos centres d’intérêt et de nos capacités d’évolution, en sélectionnant les tâches collectives les plus adaptées à notre projet d’évolution. Elle sera en mesure d’anticiper les besoins de chacun et de s’organiser par rapport à l’évolution de la demande. En réduisant au maximum les temps morts, elle sera également en mesure de préserver pour ceux qui le souhaitent des temps personnels incompressibles. […] Elle pourra proposer un panel de tâches qui correspondront au mieux à ce que nous souhaitons réellement faire. Parce que nous ne sommes jamais aussi efficaces que quand nous travaillons sur ce qui nous motive.

 

3. Les tendances qui émergent à peine et auxquelles vous croyez le plus ?

Il est certain que nous allons devoir cohabiter avec des automatismes de plus en plus efficaces, et que nous allons devoir nous recentrer vers des métiers dans lesquels l’humain a une réelle valeur ajoutée. Par contre ces mêmes automatismes auront toujours besoin d’analyser nos comportements, et nous pourrons échanger ces données contre des services qui améliorent en retour notre employabilité, et notre engagement.

4. Si vous deviez donner un seul conseil à un lecteur de cet article, quel serait-il ?

Informez-vous ! Par la connaissance, vous aurez les armes pour mieux appréhender le monde demain. Il ne sert à rien de le craindre. Mais l’anticipation et l’expérimentation sont les meilleures clefs pour négocier la place de l’homme dans la société future. La pire faute est la passivité.

 

5. En un mot, quels sont les prochains sujets qui vous passionneront ?

Actuellement, je me passionne pour la prospective RH. La fonction RH va devoir anticiper les transformations du monde de l’emploi, et se transformer elle-même, pour intégrer les automatismes de manière raisonnée, avant qu’ils ne nous soient imposés. Nous avons les moyens d’expérimenter des formes de relations au travail nouvelles, et de démontrer leur efficacité, leur capacité à intégrer, et à incarner des valeurs. La transformation est un combat passionnant, car il est au service de tous.

 

Merci Hervé